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[Introduction] Les jugements les plus contradictoires ont été portés sur Rousseau : un bienfaiteur de l'humanité, un sage, voire un...

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« [Introduction] Les jugements les plus contradictoires ont été portés sur Rousseau : un bienfaiteur de l'humanité, un sage, voire un saint homme pour les uns, un homme excessif, un fou, un guide dangereux pour les autres.

Il en va de même pour ses livres.

C'est ainsi qu'un critique écrit au sujet des Confessions : « On y voit, plus que l'autoportrait d'un homme tourmenté, le récit rétrospectif d'une destinée malheureuse, tracé par un écrivain pathétique à force de crier son excellent naturel, malade de ses contradictions, avide de s'attirer la sympathie du lecteur.

» Cette phrase contient une définition des Confessions et un jugement sur l'homme et l'écrivain.

Mais ce jugement n'est-il pas tendancieux ? Son auteur n'a-t-il pas une vision trop négative des Confessions ? [I.

Commentaire] [1.

Une définition des Confessions] Notre critique refuse de voir dans les Confessions l'autoportrait d'un homme tourmenté, définition qui a pourtant été souvent avancée.

Ces tourments proviendraient aussi bien des accusations portées contre Jean-Jacques par ses ennemis et calomniateurs que de sa propre conscience, qui lui reproche d'avoir injustement accusé de vol, quarante ans plus tôt, la servante Marion et d'avoir abandonné M.

Le Maître, son professeur de musique.

Il est vrai qu'après avoir longtemps hésité sur la forme qu'il donnerait à son autobiographie, soit un autoportrait prolongeant les esquisses que sont les Lettres à M. de Malesherbes, soit un récit rétrospectif de sa vie, Rousseau finit par opter pour la deuxième solution.

Le livre I commence par le récit de sa naissance et l'ensemble formé par les quatre premiers livres mène Rousseau jusqu'à sa vingtième année.

Il est vrai également que Rousseau présente sa vie comme une succession ininterrompue de malheurs qu'il impute à la fatalité (L.

I) : « Je naquis infirme et malade ; je coûtai la vie à ma mère, et ma naissance fut le premier de mes malheurs.

» Enfant privé de la tendresse maternelle et dont le père, inconsolable de la mort de sa femme, a l'humeur trop fantasque pour s'occuper sérieusement de l'éducation de son cadet, Jean-Jacques sera également un adolescent malheureux : rebuté, dans l'apprentissage d'un métier, par son maître, le brutal Ducommun ; désolé de devoir renier sa foi protestante ; humilié de devoir ronger son frein dans des emplois de domestique pour lesquels il ne se sent pas fait. [2.

Un jugement sur l'homme et l'écrivain] [a.

« Un écrivain pathétique à force de crier son excellent naturel »] Jean-Jacques veut prouver la fausseté des accusations portées contre lui en démontrant l'excellence de son naturel.

Pour y parvenir, il estime que le meilleur moyen est de mettre en pleine lumière ses sentiments et la conduite de sa vie.

Il se présente comme un homme dont la jeunesse, quoique vagabonde, fut très vertueuse.

Il explique que sa bonté naturelle ne s'est jamais corrompue : « les enfants des rois ne sauraient être soignés avec plus de zèle que je le fus durant mes premiers ans, idolâtré de tout ce qui m'environnait, et toujours, ce qui est bien plus rare, traité en enfant chéri, jamais en enfant gâté » (L.

I). Il insiste sur la simplicité de ses goûts, sur son amour de la liberté, sur son respect pour les femmes.

Combien de fois ne marque-t-il pas sa différence avec les autres hommes ? Le récit de l'idylle de Toune donne un exemple célèbre de cette retenue : « Enfin ma modestie, d'autres diront ma sottise, fut telle que la plus grande privauté qui m'échappa fut de baiser une seule fois la main de Mlle Galley » (L.

IV).

Quand il reconnaît avoir fait le mal, il prend soin de distinguer les intentions des actes.

Il assure que même si sa conduite a parfois été critiquable, ses intentions étaient restées pures.

Il se définit enfin comme un homme assoiffé de vérité et de justice.

Le spectacle de l'injustice le révolte et le souvenir des injustices subies plonge son âme dans une agitation indescriptible. Indéniablement, une telle insistance est pathétique, parce qu'elle trahit une blessure intérieure, profonde et ancienne, dont l'adulte n'est pas guéri. [b.

« Malade de ses contradictions »] Il est vrai également que, dès l'enfance, Rousseau souffre des contradictions de son caractère : « Qu'on se figure un enfant timide et docile dans la vie ordinaire, mais ardent, fier, indomptable dans les passions » (L.

I).

Il les signale à plusieurs occasions, mais c'est dans l'autoportrait du livre III qu'il explique par la singularité de son caractère les jugements défavorables que ses contemporains ont portés sur lui.

« Deux choses presque inalliables s'unissent en moi sans que j'en puisse concevoir la manière : un tempérament très ardent, des passions vives, impétueuses, et des idées lentes à naître, embarrassées, et qui ne se présentent qu'après coup.

On dirait que mon cœur et mon esprit n'appartiennent pas au même individu » (L.

III).

Ce que révèle ici Jean-Jacques de ses difficultés aide à comprendre son inadaptation à la vie de société par sa singularité dans une société brillante, pour laquelle le trait d'esprit est la première des qualités mondaines. [c.

« Avide de s'attirer la sympathie du lecteur »] L'autobiographie est une entreprise difficile : il faut retenir l'intérêt du lecteur, lui plaire, si possible le séduire Si Jean-Jacques cherche à capter la sympathie du lecteur, c'est d'abord pour se faire comprendre, mais surtout pour se faire absoudre.

Il se confesse par souci passionné de justification.

Tantôt il charme le lecteur par la poésie des évocations de l'enfance, de la nature ou du pays des chimères.

Tantôt il s'assure sa complicité en le mettant de son côté par un trait malicieux : « Je me souviens pourtant d'avoir une fois pissé dans la marmite d'une de nos voisines, appelée Mme Clot, tandis qu'elle était au prêche » (L.

I).

Mais l'une des pièces maîtresses de la démonstration de son innocence est le lien qu'il établit entre l'homme et l'enfant.

S'il n'y a pas de solution de continuité entre l'adulte Rousseau et le jeune Jean-Jacques dont il nous peint les émois, les rêves et les aventures, le lecteur, dont il a si souvent cherché à susciter la réaction par des clins d'œil de connivence, va absoudre l'adulte parce qu'il a été ému par l'enfant. [II.

Discussion] Le jugement porté par notre critique paraît cependant fort tendancieux dans la mesure où il est entièrement négatif.

Tous les traits sont plus ou moins forcés : « avide de », « pathétique à force de », « crier son excellent naturel », et Rousseau est présenté comme un «.... »

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