INTRODUCTION Les philosophes du XVIIIe siècle réagirent parfois violemment contre Pascal. Voltaire réfuta ses thèses, et le présenta comme un...
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INTRODUCTION
Les philosophes du XVIIIe siècle réagirent parfois violemment contre Pascal.
Voltaire
réfuta ses thèses, et le présenta comme un ennemi du bonheur humain.
On ne songe
plus guère aujourd'hui à lui adresser ce reproche : depuis le Romantisme, les lecteurs
apprécient davantage le pessimisme des Pensées, et beaucoup pourraient prendre à leur
compte cette remarque de Chateaubriand dans le Génie du Christianisme : « Les
sentiments de Pascal sont remarquables surtout par la profondeur de leur tristesse et par
je ne sais quelle immensité ».
Quelque limité que soit ce point de vue, il se justifie par
les couleurs sombres dont Pascal peint la société, l'homme lui-même et son destin.
I.
LA SOCIÉTÉ HUMAINE
Sujet d'un roi glorieux, vivant dans une société brillante, le lecteur des Pensées pouvait
se croire, au xvne siècle, quelques raisons d'être satisfait, mais de nombreuses réflexions
de Pascal vont lui ôter ses illusions.
Dans cette société fortement hiérarchisée, certaines fonctions sont entourées de respect.
Mais, précurseur en cela de La Bruyère, Pascal dénonce avec férocité la comédie
mensongère sur laquelle repose cet édifice.
Il conduit sous nos yeux au sermon un grave
magistrat, dont l'attitude prête plus à rire que le malheureux prédicateur, cause
innocente de son hilarité.
Il évoque les « déguisements » des juges, « leurs robes
rouges, leurs hermines, dont ils s'emmaillotent en chats fourrés », pour s'établir « par
grimace ».
La référence à Rabelais n'est pas vaine ici ; sous cette pâture donnée à
l'imagination, Pascal souligne l'hypocrisie fondamentale : « S'ils avaient la véritable
justice et si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n'auraient que faire de bonnets
carrés ».
Qu'attendre de toute cette fausse science ?
« L'appareil auguste » des juges masque l'inaptitude de l'homme à créer une société
juste.
Les Pensées sur ce plan reprennent nombre des observations des Essais.
Si l'on
examine les divers États, qu'ils se succèdent dans le temps ou voisinent dans l'espace,
on est frappé par le caractère contradictoire de leurs lois.
Elles ont pour garants les «
fantaisies et les caprices » de quelques-uns, et sont accréditées par la toute-puissante
coutume.
Que maintiennent-elles ? Des usages absurdes, comme celui « de choisir, pour gouverner
un État, le premier fils d'une reine » ; des principes fondamentaux auxquels Pascal
s'attaque hardiment, tel celui de la propriété, « usurpation de toute la terre ».
Les conséquences sont tragiques : dans ce monde irrationnel, les guerres font rage,
justifiant tous les crimes par le jeu des frontières, car, « ne pouvant trouver le juste, on
a trouvé le fort ».
L'objet des Pensées n'est pas la peinture de la société.
Les remarques
qui la concernent sont éparses, mais elles en donnent une image poignante, à laquelle
les convulsions du XXe siècle accordent une force accrue.
II.
L'INDIVIDU
Du moins l'homme pourrait-il garder l'espoir d'une amélioration : pour Pascal il n'en est
pas question.
L'homme porte en lui trop d'imperfections pour réformer le monde ou pour
se réformer lui-même.
Les écrivains du XVIIIe siècle chercheront à lui rendre la puissance de sa raison.
Pascal
dans ce domaine est résolument pessimiste : victimes des « puissances trompeuses »,
nous sommes incapables d'atteindre la vérité.
L'imagination « maîtresse d'erreur et de
fausseté » trompe nos sens, dupe notre jugement en transformant nos sentiments.
L'amour-propre fait de nous les victimes des flatteurs, nous contraint au mensonge, nous
interdit tout désintéressement.
La coutume remplace en nous la nature, et les affections
que nous croyons les plus spontanées sont artificielles.
La maladie, les passions, les
souvenirs règnent aussi sur nous : « Plaisante raison qu'un vent manie, et à tout sens.
»
Ce sombre tableau semble pourtant présenter une lueur d'espoir, que nous ne
trouverions guère chez Montaigne ou chez La Rochefoucauld.
L'homme est « un roseau
pensant », et toute sa « dignité consiste en la pensée ».
Vain espoir encore : la seule
pensée juste qu'il puisse entretenir est celle de son néant.
Et lorsque, dans la solitude, il
y songera, lorsqu'il se représentera son impuissance à raisonner, l'essentielle
contradiction de sa nature, « incontinent, il sortira du fond de son âme l'ennui, la
noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir ».
Voilà évoqués par avance le
spleen douloureux de Baudelaire, la nausée de Sartre, fruits d'une amère prise de
conscience.
Mais pour Pascal, toute la grandeur de l'homme est dans cette prise de
conscience et dans l'occasion qu'elle lui donne de chercher, auprès de Dieu, un suprême
recours.
Le divertissement Aussi Pascal considère-t-il que l'homme trahit sa....
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