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Introduction. — (Placer tout de suite le débat sur le terrain historique.) Qui étudie l'histoire de notre littérature est à...

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« Introduction.

— (Placer tout de suite le débat sur le terrain historique.) Qui étudie l'histoire de notre littérature est à la fois aidé et déconcerté par la présence un peu voyante d'étiquettes sous lesquelles on groupe les auteurs : aidé, parce que l'écrivain français, sauf exceptions assez rares, n'est pas un isolé, qu'il prend volontiers sa force dans ou contre des courants littéraires par rapport auxquels il entend se définir; déconcerté aussi, parce que, dans la pratique, une fois qu'on s'est appliqué à définir très soigneusement une école, on s'aperçoit qu'il n'y a pour ainsi dire aucun écrivain qui réponde totalement à cette définition.

Cette apparente antinomie (la nécessité de distinguer des écoles et l'impossibilité d'y réduire les écrivains) fait écrire à Maurois : « Les écrivains français ont toujours eu le goût des écoles.

Toujours ils ont aimé à se regrouper autour d'un terme abstrait : classicisme, romantisme, réalisme, naturalisme, symbolisme, existentialisme.

À la vérité, les frontières de ces concepts sont confuses.

Les grands écrivains ne sont jamais les prisonniers d'une doctrine, même lorsqu'ils en sont les parrains.

Leur puissance de création fait éclater les cadres.

» Ainsi le problème nous apparaît dans toute sa difficulté symétrique : impossibilité de nous passer de ces termes abstraits (et un peu barbares on sent que Maurois s'amuse de l'énumération volontairement comique de tous ces mots en -isme) et pourtant impossibilité de leur faire confiance quand on étudie les écrivains, puisque ceux-ci, après les avoir créés, très souvent les refusent.

Sans prétendre trancher le débat, saisissons du moins l'occasion d'une féconde réflexion sur notre littérature. I.

Le goût des écoles.

— (En distinguer quelques raisons dans la littérature française.) 1.

Raison sociale.

Les écrivains français sont volontiers mondains et sociables. Même lorsqu'on ne peut parler d'école, il y a des groupes, des « ronds », comme on disait au XVIIe siècle.

A ces groupes correspond en général un esprit littéraire et, dans les cas privilégiés, cet esprit crée une école.

On peut prendre des exemples dans toute la littérature, depuis le Moyen Age (autour d'Eléonore d'Aquitaine se forme l'école courtoise) jusqu'aux réunions de cafés de la fin du XIXe siècle où Verlaine, puis Moréas élaborent l'idéal symboliste; et, pour ne citer que quelques « centres d'esprit », entre ces dates extrêmes, la Pléiade, l'hôtel de Rambouillet, la cour de Louis XIV, les salons du XVIIIe siècle, l'Arsenal et le Cénacle sont autant de témoignages de ce caractère volontiers sociable des écrivains français.

Au fond, dans notre littérature, l'isolé n'a pas tellement bonne presse.

Même aux yeux de la postérité beaucoup d'écrivains paient leur solitude, subissent encore le fardeau de leur isolement.

Un Th.

de Viau, un SaintÉvremond, un Saint-Simon, un Mérimée, etc., malgré tout leur talent, nous paraissent garder quelque chose d'un peu incomplet et les manuels les classent volontiers sous la rubrique « attardés », « isolés », etc., tant il semble naturel qu'ils auraient dû faire partie d'un groupe, d'une école. 2.

Raison intellectuelle : goût des idées critiques lié à renseignement humaniste. Toutefois ce caractère volontiers mondain de nos écrivains n'aurait sans doute pas suffi à fonder des écoles, car la question est alors : pourquoi les groupes amènent-ils l'écrivain à formuler ses idées en un corps de doctrines qui devient le programme d'une école? Peutêtre faut-il aller chercher l'explication profonde dans la culture traditionnellement reçue par cet écrivain, culture qui lui est commune avec son public.

La plupart du temps, nos auteurs formés par une culture humaniste et critique, une culture dont les grands noms sont Cicéron, Quintilien, Boileau (à partir du xviie siècle), etc., aiment à préciser la place exacte qu'ils entendent occuper dans l'évolution des idées critiques et, pour cela, posent volontiers en portique de leur œuvre des déclarations de principes, déclarations qui ont l'ambition, non seulement de justifier leur production future, mais aussi toute une descendance éventuelle dont ils espèrent être la source : Défense et Illustration, premières Satires de Boileau, Temple du Goût de Voltaire, manifeste symboliste de Moréas (1886), Manifeste de l'école romane (1891), etc..

Bref, Maurois n'a pas tort de parler de regroupement autour d'un terme abstrait : les écrivains du xixe siècle notamment ont littéralement eu la manie de se rapprocher ou de s'opposer entre eux en une suite de révolutions doctrinales.

Souvent le même écrivain faisait à lui seul plusieurs révolutions, tel Moréas, successivement « décadent », symboliste, « roman », néo-classique.

Il y a bien quelque chose d'un peu abstrait dans ces étiquettes, car Moréas était loin de se renouveler totalement lorsqu'il passait d'une école à une autre. 3.

Approfondissement de la notion d'art. Toutefois il serait très injuste de ne voir dans ce goût du groupement en écoles que la conséquence d'habitudes mondaines ou de culture critique.

Car, à travers la sécheresse un peu déconcertante des manifestes, des déclarations, des contre-déclarations, des répliques, etc., nos écrivains visent en réalité à purifier, à compléter, à nuancer la notion qu'ils se font de l'art et de la littérature.

Telle est la fécondité de cette succession d'écoles, jamais satisfaites les unes des autres parce que chacune estime que la précédente, même si elle a donné des œuvres valables, n'a pas trouvé l'essence de l'Art, le grand secret du Beau.

Il serait intéressant ici de développer l'histoire d'un genre quelconque à propos des révolutions doctrinales qu'il a successivement traversées, par exemple la poésie : que reproche Ronsard à ses prédécesseurs? d'avoir une idée trop basse de l'art poétique, une idée toute formelle et toute profane; pour lui, la poésie est inspiration divine et travail acharné.

Que reprochent les romantiques aux classiques? de méconnaître les droits de la vie et du sentiment au profit de la rhétorique.

Que reproche Baudelaire aux romantiques? de mêler à la poésie pure trop de passions, trop d'idées, trop de leçons morales.

Ainsi chacune de ces écoles ne nie peut-être pas la valeur de tout ce qui la précède, mais elle attaque surtout la conception, selon elle incomplète ou fausse, que ses prédécesseurs se font de la poésie.

Il va de soi, bien entendu, qu'aucun de ces écrivains ne détenait la définition même de l'Art.

Mais il est non moins certain qu'en cherchant à saisir dans toute sa pureté ce qui caractérise l'Art ou un genre, d'éminents services étaient rendus à la littérature et des réussites particulièrement « pures » étaient possibles.

Par exemple, Mallarmé, héritant de l'effort de tous ses prédécesseurs, dégage la poésie dans toute sa pureté, éliminant de celle-ci tout ce que la prose pourrait aussi bien dire.

Sans qu'on puisse parler véritablement de progrès (il ne s'agit pas de renouveler la querelle des Anciens et des Modernes), il est néanmoins incontestable que la succession des écoles poétiques n'a pas été purement stérile, parce qu'on n'a pas totalement tourné en rond. II.

Les limites de la notion d'école chez les grands créateurs. (Cependant une discussion s'impose, dont Maurois nous fournit les éléments.) 1.

« Les frontières de ces concepts sont confuses.

» Malgré le renouvellement apporté par chaque école à la notion d'art, il est souvent difficile de limiter nettement les écoles les unes par rapport aux autres, et cela de deux façons : dans la succession chronologique d'une part, dans leurs effectifs d'autre part. Même les écoles les mieux constituées comme telles ont des limites dans le temps assez indéterminées : l'école classique est généralement appelée école de 1660, mais aujourd'hui on considère que cette date ne répond pas à grand-chose, qu'en 1660 il ne s'est rien passé d'important et qu'en tout cas aucun groupe précis ne s'est alors constitué.

De même, il est très difficile de lier l'avènement du romantisme à un écrit ou à un fait quelconque : le Génie du Christianisme (1802), De l'Allemagne (Madame de Staël, 1810), les Méditations (Lamartine, 1820), la fondation du Globe (1824), Racine et Shakespeare (Stendhal, 1823), la Préface de Cromwell et la constitution du Cénacle (1827), que choisir? Il est encore plus difficile de déterminer la date à laquelle s'achève une école.

On a longtemps fait mourir le classicisme en 1715, actuellement on proposerait plutôt les environs de 1685; de même, le romantisme meurt, dit-on, en 1843 avec la chute des Burgraves, mais on peut aussi bien considérer qu'en 1830 il est mort en tant qu'école proprement dite et ne survit plus que comme tendance! Même si l'on s'en tient à une date donnée, il est très difficile de déterminer les membres et les adversaires d'une école.

Qui fut vraiment et purement classique? A ne vouloir y faire entrer que des purs, Voltaire refuse le titre de classique à presque tout le monde (voir son Temple du Goût) et de fait ni un La Fontaine, ni un Bossuet, ni un Molière n'offrent tous les caractères du classicisme.

Bien plus, un Boileau est parfois familier ou burlesque et Voltaire n'admettra pas toutes les œuvres du grand critique classique dans le classicisme! Dans les écoles plus modernes, la confusion des frontière est encore plus grande : Flaubert refuse d'être appelé réaliste, Bergson déclare qu'il a en horreur le bergsonisme, et, à part M.

Sartre et Mme S.

de Beauvoir, nul n'admet aujourd'hui le titre d'existentialiste, ce qui est au moins étrange pour un mouvement dont le retentissement a été si grand! Ainsi rien n'échappe plus à l'histoire que les frontières d'une école littéraire. 2.

« La puissance des créateurs fait éclater les cadres.

» Pouvons -nous du moins espérer trouver au cœur d'une école un ou deux grands noms qui.... »

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