Introduction sur Dom Juan Le jour de la première représentation de Dom Juan, le 15 février 1665, Molière vient d'avoir...

« Introduction sur Dom Juan Le jour de la première représentation de Dom Juan, le 15 février 1665, Molière vient d'avoir quarante-trois ans. Il lui reste huit ans de vie et de création avant la repré­ sentation du Malade imaginaire, le 17 février 1673, où il meurt presque en scène.

Par cette coïncidence entre l'illusion comique et la tragédie de l'existence, Molière accomplit l'acte ultime qui, pour reprendre la formule de Malraux, traduit une vie en destin. Dom Juan occupe une place cruciale dans ce parcours.

Il importe, en effet, de considérer que cette pièce se situe vers le milieu d'une production commencée au cours des tournées en province, par de simples farces, et qui subira une mutation déterminante avec 1'apparition de la grande comédie de mœurs et de caractère à partir de la première de L'Ecole des femmes, le 26 décembre 1662.

Dom Juan constitue l'apogée d'une inspiration essentiellement syn­ thétique, apte à fondre dans un moule original les sources les plus diverses. Dom Juan est une œuvre révélatrice de la singulai-ïté de l'esthétique et de la pensée de Molière par rapport à la culture et à la sociêté de son temps.

On relèvera, tout d'abord, la discordance révélatrice entre la campagne de dénigrement que ce spectacle déchaîna contre l'auteur et l'extraordinaire fortune posthume d'un texte devenu la ré­ férence primordiale d'un mythe universel. Pourtant, on aurait tort de croire à une volonté de provo­ cation de la part d'un esprit révolté contre le conformisme bien-pensant.

Rien de plus éloigné des intentions d'un · homme de théâtre habile à gérer sa carrière et parvenu au faîte de la réussite.

Quand Molière décida de traiter, à sa manière, un sujet à la mode, il songeait seulement à com­ penser les pertes causées par l'échec de La Princesse d' Elide.

Il entendait donc flatter le public plutôt que le défier.

Et l'ampleur des recettes lui donna raison: Dom Juan aurait sans doute été l'un de ses plus grands succès si Molière n'avait été contraint de le retirer précipitam­ ment de l'affiche. Cette dimension toute conjoncturelle ne doit pas faire ou­ blier l'immense nouveauté d'une écriture théâtrale dont l'extrême efficacité s'inscrivait apparemment en dehors des conventions admises.

Il est vrai que le flou dans lequel la doctrine classique avait laissé le genre comique se prê­ tait à des libertés impensables dans la tragédie.

Mais cette facilité même permit à Molière de réaliser sa plus secrète ambition: élever la comédie, un genre populaire,.... »