Introduction. Tout artiste veut produire un certain effet au moyen d'un certain matériel concret (mots, couleurs, sons, pierres). Quel est...
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Introduction.
Tout artiste veut produire un certain effet au moyen d'un certain matériel concret (mots,
couleurs, sons, pierres).
Quel est le rapport entre les moyens et les effets ? Solution
classique ou du moins d'esprit classique : le minimum de moyens pour le maximum
d'effets.
Valéry, Gide, esprits classiques, se rallient à cette position.
Est-elle la seule ?
n'a-t-elle pas ses limites et ses inconvénients (risque de sécheresse, de pauvreté) ?
I.
L'économie des moyens chez les classiques.
1.
Examen de la rhétorique classique.
a) Cette rhétorique vise à éviter tout ce qui force la note pour rien.
Pascal fournit
beaucoup d'indications à ce sujet : « Masquer la nature et la déguiser.
Plus de roi, de
pape, d'évêque, — mais auguste monarque; etc.; point de Paris, — capitale du royaume.
Il y a des lieux où il faut appeler Paris, Paris, et d'autres où il la faut appeler capitale du
royaume » (éd.
Brunschvicg, Pensées).
Et Pascal résume ailleurs sa pensée dans une
formule saisissante : « Abus d'épithètes, mauvaise louange.
»Boileau exprime la même
opinion : « Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire » (cf.
: Art poétique, I, 49-63).
b) Elle proscrit particulièrement : d'une part, les épithètes forcées ou même simplement
celles qui imposent trop brutalement à l'esprit du lecteur ce que l'on veut démontrer (cf.
l'exemple du « grand empereur » dans la « Lettre de Mitoh »); d'autre part, les images
que Pascal appelle trop luxuriantes et les mots hardis que l'on juxtapose inutilement («
Éteindre le flambeau de la sédition, » trop luxuriant.
— « L'inquiétude de son génie; »
trop de deux mots hardis.
Pensées, 59).
Il semble que ce style cherchera surtout la
précision des termes et plus encore l'exactitude des rapports qui donne leur forcé aux
mots.
2.
Étude d'exemples.
Les meilleurs sont dans Racine, ce qui est d'autant plus paradoxal
que sa tragédie est bien plus en discours qu'en spectacle.
On en trouvera facilement
d'aussi significatifs que celui que nous offre la célèbre entrée en scène d'Andromaque :
« Je passais jusqu'aux lieux où l'on garde mon fils.
Puisqu'une fois le jour vous souffrez
que je voie Le seul bien qui me reste et d'Hector et de Troie, J'allais, Seigneur, pleurer un
moment avec lui : Je ne l'ai point encore embrassé d'aujourd'hui.
»
Pas une épithète, pas une image, pas un « mot hardi », mais violence de sa haine pour
Pyrrhus, qu'elle traite de geôlier (garde), de tyran (souffrez) ; intensité de son amour
pour son fils (point encore embrassé d'aujourd'hui) ; profondeur de son malheur et de
ses souvenirs (Hector, Troie, pleurer).
Tout ceci est, de plus, mis en relief par la
situation, la galanterie de l'apostrophe de Pyrrhus.
II.
La litote et le classicisme.
Ce goût de la litote n'est pas une simple manie, il répond à toute une esthétique :
1.
Par rapport à l'objet à peindre : la litote est ce qui évite de dépasser, par l'expression,
la nature, le « modèle naturel » (Pascal) qu'il faut imiter; le jargon précieux dépasse la
nature, comme une femme trop chargée de bijoux écrase sa propre beauté (cf.
Pensées,
33).
2.
Par rapport à l'harmonie interne de l'oeuvre : la litote porte à travailler l'harmonie
d'ensemble plutôt que le détail.
Celui-ci, n'ayant pas d'intensité propre, trouve son
intensité dans ses rapports avec....
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