Irak 1990-1991 L'année terrible L'invasion du Koweït par l'Irak, le 2 août 1990, et ses gigantesques retombées régionales et mondiales...
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Irak 1990-1991
L'année terrible
L'invasion du Koweït par l'Irak, le 2 août 1990, et ses gigantesques retombées
régionales et mondiales restera comme un tournant majeur de l'histoire
irakienne.
La réaction occidentale a été immédiate.
Le 6 août, le Conseil de sécurité de
l'ONU décidait d'un embargo commercial, financier et militaire.
Le 7, les
États-Unis lançaient l'opération Bouclier du désert, rassemblant des moyens
militaires considérables en Arabie saoudite, et réunissant bientôt une coalition
de trente-deux pays, dont l'Égypte et la Syrie.
Les opinions publiques arabes
prendront d'une manière générale parti pour l'Irak.
Le 17 janvier 1991, les
coalisés entreprendront des bombardements intensifs (opération Tempête du
désert), l'Irak ripostant par des tirs de missiles sol-sol SCUD contre Israël et
l'Arabie saoudite.
L'offensive terrestre anti-irakienne, déclenchée le 24
février, durera 100 heures.
Les forces irakiennes ayant reflué et libéré le
Koweït, les hostilités seront suspendues le 28 février.
Économie de guerre en temps de paix
Saddam Hussein avait certes mal calculé les risques d'une riposte américaine
musclée.
Les propos pour le moins ambigus tenus le 25 juillet 1990 par
l'ambassadeur américain à Bagdad, April Glaspie, lors de sa rencontre avec le
chef de l'État irakien (selon lesquels les États-Unis n'étaient pas concernés
par un conflit entre deux États arabes, propos confirmés de bonne source
américaine après le conflit) et les déclarations complaisantes de représentants
du département d'État jusqu'au 30 juillet ont pu aggraver cette mauvaise
appréciation.
Mais le motif principal de l'agression a probablement été d'ordre financier.
Ayant mené huit ans de guerre contre l'Iran (1980-1988), le pays était exsangue.
La seule dette civile dépassait 27 milliards de dollars à la fin 1989, avec un
rapport service de la dette/PNB de 8% environ; la dette militaire en Occident
avoisinait les 16 milliards de dollars.
Bagdad, fort du "service" qu'elle avait
cru avoir rendu à l'Occident et à ses protégés du Golfe face au khomeynisme,
pensait pouvoir leur arracher une période de grâce qui lui permettrait de
reconstituer un "matelas financier" d'au moins 10 milliards de dollars et ne
recommencer à rembourser ses dettes qu'à l'horizon 1994-1995, date alors retenue
pour la remontée des prix pétroliers.
Mais cette stratégie n'a pas reçu
l'accueil espéré de la part de créditeurs comme la France, l'Italie ou le Japon.
En outre, les banques commerciales du Golfe se sont montrées réticentes à l'idée
d'accorder des prêts à l'Irak sous une garantie de leurs gouvernements
respectifs.
Cette situation, marquée par des prix pétroliers très bas et l'attitude des pays
du Golfe et des Occidentaux, a exaspéré les dirigeants irakiens qui n'ont vu
partout qu'"ingratitude".
Les ambitieux projets militaires (13 milliards de
dollars de dépenses en 1989) et industriels du régime ne pouvaient en effet
évidemment pas aller de pair avec une facture alimentaire externe de 850
millions de dollars en 1989, une croissance démographique de 3,5% par an et le
retour de centaines de milliers d'Irakiens à la vie civile.
Le régime semblait conduire l'économie civile à vue.
Le retour sélectif à une
politique de prix fixes, au printemps 1990, a entraîné des pénuries soudaines
sur le marché et des risques de troubles sociaux (des cas de banditisme aggravé
et d'attaques contre les immigrés se sont multipliés en 1989-1990) qui ont été
souvent le fait de militaires rendus à l'état civil et, pratiquement, au
chômage).
Le népotisme régnait en matière de privatisations, aboutissant au
transfert de la propriété publique à des "clients" du régime.
Bref, un pouvoir
aussi autoritaire ne pouvait pas imposer une économie de guerre en temps de paix
sans courir de grands risques.
Piégé au Koweït par ses mauvais calculs diplomatiques, par le gel des avoirs
koweïtiens à l'étranger (ce qui le privait de l'enjeu principal de sa conquête),
par son propre vocabulaire enfin (qui, pensait-il, lui interdisait de se retirer
avant la date fatidique du 15 janvier fixée par la résolution de l'ONU, sans
remettre en cause son pouvoir à Bagdad) Saddam Hussein a simplement décidé
d'encaisser les coups.
A défaut de stratégie militaire, il a choisi de ne pas
combattre, de ne pas susciter de riposte américaine fatale (en relâchant les
otages occidentaux, en n'ayant recours ni à ses armes chimiques ni au terrorisme
et en se gardant d'attaquer frontalement l'Arabie saoudite).
Il s'est efforcé de
conserver l'essentiel de ses troupes disponibles pour l'inévitable phase de
troubles internes qui suivrait.
La perte d'une bataille "nationale" était du
coup moins grave que la chute éventuelle du régime.
La "raison de régime" avant la raison d'État
Le régime pourrait-il survivre au retrait du Koweït? Par quels moyens le
remplacer? La conjonction des oppositions kurde et chiite pouvait-elle déboucher
sur une alliance?
Pour répondre à ces questions, il fallait s'interroger sur la crédibilité des
alternatives politiques et sur la nature du pouvoir irakiens.
Intéressés par la
chute du potentat, les dirigeants de la coalition n'ont pourtant pas semblé se
poser ces questions.
L'acharnement contre la personne du dictateur aura compensé
l'absence de réflexion réelle sur cette société fortement segmentée, sur une
relation....
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