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Italie 1992-1993: Un régime en dissolution D'aucuns ont parlé de "révolution italienne", d'autres contesté l'expression, mais au-delà des polémiques de...

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« Italie 1992-1993: Un régime en dissolution D'aucuns ont parlé de "révolution italienne", d'autres contesté l'expression, mais au-delà des polémiques de vocabulaire, une chose a semblé certaine: la Péninsule a amorcé de manière laborieuse sa transition de la I à la IIe République.

Le processus, sans précédent, a jeté le pays dans l'angoisse et attisé les passions.

La "partitocratie" a ainsi été balayée par les innombrables enquêtes judiciaires qui ont révélé l'ampleur de la corruption endémique du système.

Les référendums du 18 avril 1993, qui ont appelé les Italiens à se prononcer sur des sujets aussi différents que la réforme électorale du Sénat, la suppression de certains ministères ou la dépénalisation de l'usage de la drogue, ont marqué un tournant: le pays, à une écrasante majorité, a réclamé l'adoption d'un mode de scrutin majoritaire, indispensable pour mettre un terme à la I République; la situation économique a exigé de nombreux sacrifices pour réduire le déficit public et mettre à profit la dévaluation de la lire. Pour l'Italie a commencé l'expérience d'un phénomène pratiquement inédit en temps de paix: la dissolution d'un "régime" (terme controversé, lui aussi).

Le système, né après la guerre - qui a instauré la proportionnelle, fermé la porte à l'alternance face à une démocratie-chrétienne toute-puissante et exclu, pareillement, l'opposition (dont le Parti communiste avait l'hégémonie) de la gestion des affaires - s'est littéralement effondré.

La fin du communisme soviétique et de la confrontation des deux blocs a miné le système à la base, affaiblissant alors le pouvoir politique, ce qui a laissé le champ libre aux magistrats.

L'enquête "mains propres", lancée à Milan le 17 février 1992, qui a fait tache d'huile dans tout le pays, a donné le coup de grâce à un système chancelant.

Les juges, avec une détermination impensable quelques années plus tôt, ont mis au jour la corruption généralisée du système des partis. Les liens entre pègre et classe politique Ils ont en effet réussi à prouver la dégénérescence d'un système où la corruption des hommes politiques reposait sur la complicité d'hommes d'affaires qui acceptaient de se faire rançonner pour rafler d'appétissants marchés publics.

L'arrestation de certains des principaux chefs de file de l'industrie et de la finance - parmi lesquels les présidents des deux grands holdings d'État, l'ENI (Office national des hydrocarbures) et l'IRI (Institut pour la reconstruction industrielle), et certains hauts dirigeants du plus puissant groupe italien, Fiat - a permis aux juges de reconstruire en partie la carte de la corruption.

Les conséquences en ont parfois été dramatiques: suicide à la fin du mois de juillet de Gabriele Cagliari (à la tête de l'ENI) et de Raul Gardini, l'un des hommes symbole des années quatre-vingt. En l'espace de quelques mois, de nombreux parlementaires italiens (10%) ont été placés sous enquête judiciaire, parmi lesquels d'éminentes personnalités comme Bettino Craxi, ancien président du Conseil et ex-secrétaire du Parti socialiste, seul maître à bord jusqu'en 1992, puis devenu l'incarnation suprême de la corruption.

En avril 1993, la Chambre des députés a refusé de lever son immunité parlementaire alors qu'il était sous le coup de chefs d'inculpation des plus graves.

La décision du Parlement, interprétée comme une auto-absolution, a provoqué un tollé général et des manifestations dans tout le pays.

Le 4 août, les députés votaient, finalement, en sens inverse: pour la levée. Tout aussi emblématique a été le cas de Giulio Andreotti, illustration exemplaire de l'inamovibilité du pouvoir démocrate-chrétien pendant près d'un demi-siècle.

Cité plusieurs fois lors des épisodes les plus sombres de l'histoire italienne récente, toujours innocenté, G.

Andreotti a été inculpé de collusion avec le crime organisé, en 1993 à la suite de témoignages de mafieux repentis.

Au-delà même des résultats des enquêtes, avec cette inculpation, c'est la classe politique, dont la puissance reposait sur les malversations et les relations ambiguës avec l'organisation criminelle, qui est tombée en disgrâce. Les enquêtes judiciaires ont révélé, au début de l'année 1993, les liens ambigus entretenus par les hommes politiques et la mafia en Sicile, la camorra en Campanie et la n'drangheta en Calabre. L'arrestation de quelques "parrains" - à commencer par celle de Toto' Riina, en cavale depuis plus de vingt ans ou celle de Giuseppe Pulvirenti - a témoigné, selon plusieurs commentateurs, de la complicité très large dont bénéficiait la pègre.

L'opinion publique a pris conscience de la nécessité de faire barrage à l'expansion de la criminalité organisée et le pays s'est mobilisé pour protester contre l'attentat du 27 mai 1993 dans le centre historique de Florence, qui a coûté la vie à cinq personnes et endommagé la galerie des Offices (musée dont la collection d'art italien est de première importance).

Même réaction le 28 juillet après l'explosion de bombes dans le centre de Milan (5 morts) et à Rome où l'église Saint-Georges-au-Velabre et la cathédrale Saint-Jean-de-Latran, dont l'évêque titulaire est le pape lui-même, ont été sérieusement endommagées. Voilà le contexte dans lequel il faut resituer le mouvement référendaire animé par Mario Segni, ancien député démocrate-chrétien, engagé depuis longtemps dans la campagne pour la réforme de la loi électorale.

Dans ce contexte, le 18 avril 1993, plus de 80% des Italiens ont plébiscité une réforme instaurant un mode de scrutin majoritaire pour l'élection du Sénat.

La Commission ad hoc des deux chambres, créée après les législatives d'avril 1992, n'avait pas réussi à trouver un accord sur ladite réforme.

Les urnes ont tranché.

Les partis ont dû, dès lors, prendre leurs responsabilités.

Toutefois le référendum a laissé au Parlement la tâche d'adopter une nouvelle loi électorale, entreprise qui est apparue fort difficile compte tenu l'éclatement du paysage politique et les divergences entre les diverses formations appelées à approuver des dispositions qui, de fait, ont condamné.... »

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