Italie 1993-1994: La République "berlusconienne" La IIe République italienne, née avec les élections du printemps 1994, a pris le visage...
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Italie 1993-1994: La République "berlusconienne"
La IIe République italienne, née avec les élections du printemps 1994, a pris le
visage inattendu de Silvio Berlusconi.
Après une année 1993 difficile - marquée
par la plus profonde crise économique de l'après-guerre, la poursuite des
enquêtes judiciaires qui ont balayé la classe politique et le difficile
accouchement de la nouvelle loi électorale -, les Italiens ont voté pour la
première fois, le 27 et 28 mars 1994, selon un mode de scrutin majoritaire à un
tour et accordé la majorité (très large à la Chambre des députés, relative
seulement au Sénat) à la coalition de droite rassemblant le parti de S.
Berlusconi fraîchement créé, Forza Italia, la Ligue Nord de Umberto Bossi et les
néo-fascistes de l'Alliance nationale dirigée par Gianfranco Fini.
Le 10 mai, le
magnat du groupe Fininvest a formé son gouvernement avec cinq ministres et douze
sous-secrétaires d'État néo-fascistes, événement qui a suscité beaucoup
d'inquiétude dans tous les pays de l'Union européenne (UE) ainsi qu'aux
États-Unis.
La large victoire de S.
Berlusconi, impensable seulement un an plus tôt, a eu un
énorme retentissement.
Pour la première fois dans le monde occidental, en effet,
le patron d'un grand groupe industriel, de surcroît propriétaire de trois
chaînes de télévision, est devenu l'homme fort du gouvernement et de la
majorité.
De très nombreux observateurs ont souligné que l'équipe qu'il a
constituée ressemblait à un conseil d'administration...
Le nouveau président du
Conseil s'était, en effet, largement appuyé sur les structures de son groupe
pour gagner les élections.
Recomposition du paysage politique
Avec la constitution du gouvernement Berlusconi s'est achevée la transition
entre la I et la IIe République, engagée au printemps 1993 avec l'arrivée au
palais Chigi (résidence du président du Conseil) du gouverneur de la Banque
d'Italie, Carlo Azeglio Ciampi et qui a fait suite à l'effondrement d'un système
politique presque cinquantenaire après le lancement, en février 1992, de
l'enquête "mains propres" sur la corruption généralisée du système des partis.
Les magistrats ont continué leurs enquêtes sur la corruption: plusieurs hommes
politiques, dont l'ancien ministre de la Santé Francesco De Lorenzo, ont été
arrêtés après les élections de mars 1994, qui les ont privés de l'immunité
parlementaire, tandis que d'autres, comme l'ancien président du Conseil Bettino
Craxi, ont préféré se réfugier à l'étranger; le procès pour le scandale Enimont
(la société qui aurait dû organiser la fusion du pôle chimique public avec
Montedison, du groupe Ferruzzi) a vu défiler à la barre les anciens hommes forts
du pays (dont l'ancien leader socialiste Bettino Craxi et Arnaldo Forlani,
ex-secrétaire de la Démocratie chrétienne).
C.A.
Ciampi, dirigeant un gouvernement formé en quarante-huit heures, a
parfaitement rempli son office: d'une part, il a continué avec succès l'effort
d'assainissement de l'économie, réduit le déficit budgétaire et poussé patronat
et syndicats à supprimer, début juillet, l'indexation des salaires sur les prix;
d'autre part, il a favorisé l'adoption par le Parlement de la nouvelle loi
électorale.
Une fois accomplies ces deux tâches, son gouvernement n'avait plus
de raison d'être et il a lui-même demandé, le 13 janvier 1994, au chef de l'État
la dissolution des deux chambres.
A ce moment, vers la fin du mois de janvier 1994, S.
Berlusconi a annoncé sa
volonté de se porter candidat aux législatives, décision mûrie après les
municipales tenues dans certaines grandes villes (Rome, Naples, Gênes, Venise,
Trieste...), entre fin novembre et début décembre 1993, avec un système
majoritaire à deux tours.
Ce vote a revêtu une grande importance, dans la mesure
où il a mis en lumière les profonds bouleversements engagés dans l'électorat
italien.
La gauche a gagné les cinq grandes villes, mais cette victoire s'est
révélée illusoire.
Le ballottage avec deux candidats néo-fascistes à Rome et
Naples, le soutien apporté à des personnalités indépendantes ailleurs avaient en
effet fait croire à tort aux dirigeants de ladite gauche (Parti démocratique de
la gauche - PDS, ex-Parti communiste - entouré des "néo-communistes" de la
Refondation communiste, des Verts, de la Rete anti-mafia et de ce qui reste du
Parti socialiste) que le pays était prêt à voter pour elle aux élections
législatives.
En réalité, les résultats des candidats de la gauche aux municipales ne
signifiaient nullement une adhésion à son programme politique ni à son leader,
Achille Occhetto, secrétaire national, de plus en plus contesté, du PDS.
Le même
scrutin a montré le vide existant au centre droit: la Démocratie chrétienne
(DC), au gouvernement depuis plus de quatre décennies, rebaptisée Parti
populaire (PPI), a été laminée, les autres partis centristes ont disparu de la
carte électorale, la Ligue Nord n'a pas obtenu le résultat escompté et les
néo-fascistes du MSI (Mouvement social italien, à l'origine, fin janvier 1994,
du regroupement électoral "Alliance nationale") ont su recueillir une partie des
voix de l'électorat démocrate-chrétien.
Une "nouvelle" droite fascisante et inquiétante
La situation politique apparaissait, en janvier 1994, défavorable aux partisans
d'une politique modérée: face à une gauche unie, la droite était divisée et sans
véritable chef de file.
S.
Berlusconi a su combler ce vide et convaincre la
Ligue Nord et le MSI, en dépit de leurs profondes différences, de la nécessité
d'une alliance électorale.
En quelques semaines, grâce à la force de frappe de
son groupe, il est devenu l'"homme nouveau" de la politique italienne, situation
incroyable pour cet ancien membre de la loge maçonnique P2 qui fut au coeur d'un
considérable scandale politico-financier dans les années quatre-vingt et grand
ami de l'ancien secrétaire du Parti socialiste (PSI), Bettino Craxi, considéré
comme le symbole même de la corruption.
S.
Berlusconi, inquiet pour la situation
de son groupe et pour l'éventualité d'une réforme de la loi sur l'audiovisuel, a
utilisé tous les moyens à sa disposition pour faire barrage à la gauche: ses
trois chaînes de télévision, les réseaux de Publitalia (la société publicitaire
du groupe Fininvest) et les clubs de supporters de "son" club de football, le
Milan AC.
En quelques semaines, le nouveau mouvement politique aux allures de
club sportif, Forza Italia, est devenu la vedette des sondages.
S.
Berlusconi a su séduire....
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