Italie (2002-2003): Bras de fer sans précédent entre les pouvoirs exécutif et judiciaire Les affaires ont rattrapé Silvio Berlusconi et...
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Italie (2002-2003): Bras de fer sans précédent entre les pouvoirs exécutif et
judiciaire
Les affaires ont rattrapé Silvio Berlusconi et empoisonné la vie politique
italienne pendant le premier semestre 2003.
Accusé de corruption de magistrats
au profit de son activité d'entrepreneur, le président du Conseil n'a pas hésité
à répliquer avec une violence inhabituelle, qualifiant les juges de «golpistes»
et de «factieux».
Inquiet pour les procédures qui le frappaient directement,
ainsi que l'un de ses plus proches collaborateurs, Cesare Previti, S.
Berlusconi
a engagé une campagne toute personnelle contre la magistrature.
Ce conflit a
parfois relégué au second plan les grandes difficultés du pays : affrontements
gouvernement-syndicats sur la réforme du marché du travail, difficulté à
rétablir un dialogue sur les retraitres, crise de l'empire industriel Fiat,
divorce entre une opinion publique hostile à la guerre en Irak et un
gouvernement aligné sur la position de Washington.
Plus de dix ans après le début de l'opération «Mains propres» («Mani pulite»,
février 1992), l'Italie se trouvait à nouveau suspendue au verdict des
tribunaux.
Deux procès étaient au centre d'un affrontement inédit entre le
pouvoir politique et le pouvoir judiciaire.
Le premier avait pour protagoniste
C.
Previti, avocat de S.
Berlusconi, ancien ministre et député de Forza Italia,
le parti du président du Conseil.
En mai 2003, il a été condamné à onze ans de
prison pour avoir acheté, pour le compte du principal holding de S.
Berlusconi,
une décision de justice concernant, entre autres, le contrôle du groupe
d'édition Mondadori, qui fut en 1990-1991 l'objet d'une âpre bataille entre S.
Berlusconi et Carlo De Benedetti (l'un des principaux industriels italiens,
propriétaire du groupe L'Espresso-la Repubblica).
Berlusconi sur le banc des accusés
Le second procès a mené sur le banc des accusés encore une fois C.
Previti mais
aussi S.
Berlusconi lui-même, pour une nouvelle affaire de corruption de
magistrats.
En 1985, alors que C.
De Benedetti avait engagé le rachat du groupe
agroalimentaire public SME, S.
Berlusconi et d'autres industriels avaient
présenté, à la demande du socialiste Bettino Craxi (alors président du Conseil),
une offre concurrente – B.
Craxi soupçonnait en effet le paiement d'un
pot-de-vin à la Démocratie chrétienne.
La vente à De Benedetti fut annulée et ce
dernier débouté face au tribunal.
Dans ce cas aussi, selon le Parquet, le
jugement aurait été acheté.
Pour éviter les manœuvres dilatoires des avocats du président du Conseil, le
tribunal de Milan a décidé de juger séparément S.
Berlusconi pour arriver au
plus vite à un verdict pour les autres accusés.
Le danger pour le président du
Conseil était évident : une seconde condamnation de son ancien avocat pourrait
le mettre dans une position délicate et à terme poser la question de son
maintien à la tête du gouvernement.
C'est pour cette raison que S.
Berlusconi a accusé la magistrature d'être à
l'origine d'un complot et de vouloir faire tomber un gouvernement
démocratiquement élu.
Au passage, il a essayé de délégitimer l'opposition, qu'il
a taxée de «communiste» et qui, selon lui, ne devrait pas être autorisée à
gouverner un pays démocratique.
Une offensive sans précédent, qui a poussé le
président de la République, Carlo Azeglio Ciampi, à demander un peu de retenue à
la majorité de centre droit, ainsi qu'à l'opposition, dont une partie ne cachait
pas sa volonté d'utiliser les affaires comme arme politique.
Pour éviter une
condamnation du président du Conseil, la majorité a fait voter, en juin 2003, au
Sénat une proposition de loi prévoyant une immunité temporaire pour les cinq
plus hautes autorités de l'État.
Cette démarche était clairement destinée à
protéger le chef du gouvernement et faisait suite à d'autres propositions de loi
visant elles aussi, mais sans succès, à mettre un terme aux procès de Milan.
Ces polémiques ont suscité l'inquiétude des autres capitales européennes, en
particulier lorsque S.
Berlusconi, durant une déposition au tribunal, a porté
des accusations contre le président de la Commission européenne, Romano Prodi,
qui avait été le négociateur de la vente du groupe agroalimentaire SME.
Au-delà
des accusations pesant sur S.
Berlusconi, les partenaires de l'Italie se
préoccupaient de ce qui arriverait au second semestre 2003, lorsque l'Italie
reprendrait la présidence de l'Union européenne (UE) ; l'idée de voir les deux
principaux responsables communautaires s'accuser mutuellement et publiquement
faisait frémir plus d'un diplomate.
De fait, les débuts désastreux de S.
Berlusconi à la présidence de l'UE – il a suggéré à un eurodéputé allemand de
tenir le rôle de «kapo nazi» – ont immédiatement alimenté le désarroi des autres
capitales européennes.
Malaise de l'économie italienne
Les déboires de S.
Berlusconi ont créé un malaise jusque dans le monde des
affaires.
Le président de Confindustria (organisation représentative des
industriels), Antonio D'Amato, pourtant proche du président du Conseil, a fait
connaître son impatience, en invitant le gouvernement à arrêter les polémiques à
l'encontre des juges et à reprendre les réformes.
Sur ce terrain, le bilan du
gouvernement se révélait bien maigre.
La réforme du marché du travail a fait
l'objet d'une bataille sociale acharnée.
Deux syndicats sur trois ont signé un
accord, mais le plus puissant, la CGIL (Confédération générale italienne du
travail – gauche –, 5 millions d'adhérents), a réussi une formidable
mobilisation pour bloquer au moins un article de l'accord, le plus symbolique en
matière de licenciements.
Résultat, le texte de la réforme est resté bloqué....
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