Japon (1981-1982): Légitime défense? Le problème de la définition de la place et du rôle du Japon au sein du...
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Japon (1981-1982): Légitime défense?
Le problème de la définition de la place et du rôle du Japon au sein du monde
industrialisé a dominé l'année 1981.
Les tensions entre la seconde puissance
économique mondiale et ses partenaires occidentaux se sont exacerbées tout au
long de l'année, menaçant de dégénérer en guerre commerciale ouverte du fait de
"l'invasion japonaise".
Parallèlement, le Japon a fait les premiers pas vers une
politique étrangère plus nationaliste et active, suscitant un vif débat interne
sur l'opportunité du réarmement, souhaitée par les États-Unis comme par la
Chine.
Les voyages du Premier ministre Zenko Suzuki aux États-Unis (mai) et en Europe
occidentale (juin) n'ont pas amélioré le climat des relations commerciales entre
le Japon, devenu le troisième exportateur mondial (152 milliards de dollars en
1981), et les autres pays industrialisés, dont le déficit des échanges avec
Tokyo a atteint des niveaux records en 1981 (19 milliards de dollars pour les
États-Unis, 11 milliards pour la CEE), alors qu'ils sont plongés dans une
récession durable.
L'"invasion japonaise", concentrée dans quelques domaines
(automobile, électronique, hi-fi...), a suscité la multiplication des menaces de
mesures protectionnistes, et une pression de plus en plus insistante pour
obtenir l'ouverture d'un marché japonais qui demeure largement inaccessible aux
produits industriels étrangers du fait de sa spécificité et des obstacles
bureaucratiques, mais aussi de la volonté du gouvernement nippon de protéger
certains secteurs économiques en difficulté (l'agriculture en particulier).
Les Japonais, accusés par leurs partenaires d'aggraver par leurs offensives
commerciales la crise économique et sociale de leurs sociétés, ont avant tout
cherché à gagner du temps, afin de pouvoir assurer le redéploiement de leur
activité économique vers de nouveaux secteurs à croissance accélérée (robotique,
microprocesseurs, biotechnologies, etc.).
C'est en particulier ce qui explique
la décision du gouvernement japonais, prise en mai 1981, de céder aux pressions
américaines en s'imposant une "autolimitation" des exportations de véhicules
vers les États-Unis pendant deux ans.
D'où également les mesures
d'"entrouverture" du marché japonais prises au début de 1982.
Les industriels japonais ont dans le même temps intensifié leurs efforts pour
devancer les mesures protectionnistes des Occidentaux en accélérant leurs
implantations à l'étranger.
On a vu en 1981 Sony produire 300 000 téléviseurs en
Grande-Bretagne, Nissan conclure des accords avec les Italiens d'Alfa Romeo et
Honda avec les Britanniques de British Leyland.
Les investissements japonais à
l'étranger devraient tripler d'ici 1990.
Ces frictions commerciales avec les États-Unis et la Communauté économique
européenne expliquent en partie la diminution du taux de croissance des
exportations nippones, passé de 25% en 1980 à 17% en 1981 (en dollars).
Ce
ralentissement est l'une des causes de la minirécession qu'a connue l'économie
japonaise, les exportations assurant les deux tiers de la croissance économique.
Pour la première fois depuis 1975 (c'est-à-dire depuis les contrecoups du
premier choc pétrolier), le PNB japonais a connu au dernier trimestre de 1981
une croissance négative (-0,8%), confirmant ainsi un ralentissement de la
croissance nippone (5,9% en 1979, 4,2% en 1980, et 2,9% en 1981) qui commence à
inquiéter les dirigeants de Tokyo.
Budget d'austérité
Placés devant les effets conjugués de la récession mondiale et de la montée des
réactions protectionnistes, les Japonais ne peuvent en effet guère compter sur
le marché intérieur, dont la stagnation s'est encore accentuée en 1981.
Cette
stagnation s'explique aussi bien par une saturation dans certains domaines de
grande consommation que par la politique du gouvernement Suzuki, dont
l'austérité est la ligne directrice depuis son arrivée au pouvoir en 1980.
Pour
la seconde année consécutive, le salaire réel a connu en 1981 une baisse
sensible (moins 1,6%) du fait de la limitation des hausses de salaires et de
l'augmentation de la pression fiscale.
Le Premier ministre Suzuki a fait de la "croissance zéro" des dépenses publiques
et de la réduction du déficit budgétaire (44 milliards de dollars, soit 3,8% du
PNB pour l'année fiscale 1981-82) l'objectif prioritaire de son gouvernement.
Parvenu au pouvoir à la suite d'un compromis entre les grandes factions du parti
libéral-démocrate et avec le soutien des milieux d'affaires, M.
Suzuki se refuse
à tout accroissement de la pression fiscale sur les entreprises japonaises, dont
il entend préserver la compétitivité par une inflation modérée (à peine plus de
4% en 1981).
C'est donc par une réduction massive des investissements publics et
des programmes sociaux qu'il s'efforce de rétablir l'équilibre budgétaire et de
diminuer la part des dépenses de l'État dans le PNB (31,7%, contre 21% aux
États-Unis et 16% en RFA).
Outre un budget d'une austérité sans précédent au Japon depuis 26 ans (réduction
ou stagnation de tous les postes budgétaires à l'exception, notable, de celui de
la défense), M.
Suzuki a lancé en 1981 ce qui doit être selon lui l'œuvre
maîtresse de son gouvernement, la "réforme administrative".
Il s'agit en fait
d'un programme de réduction massive des dépenses publiques par la suppression de
la plupart des subventions gouvernementales aux 106 sociétés du secteur public
japonais, et en particulier aux trois principales d'entre elles, la Japan
National Railways, la Nippon Telegraph and Telephone et la Japan Tobacco & Salt
Public Co.
Des pans entiers du secteur public devront être rendus au privé au
nom d'une rationalisation d'une bureaucratie jugée aussi tentaculaire que peu
efficace et déficitaire.
Ce démantèlement du secteur public, qui se prépare avec
l'appui actif de la Keidanren (le CNPF japonais) et de la majorité du parti au
pouvoir, se heurte à l'opposition farouche de la gauche et des syndicats, mais
aussi de la majorité de la fonction publique et de nombre de politiciens
conservateurs locaux qui craignent les effets de cette politique.
Rien ne semble cependant pouvoir s'opposer à la politique suivie par le Premier
ministre, dont le parti libéral-démocrate dispose d'une majorité absolue (286
sièges sur 511 à la Chambre des représentants) et qui est parvenu au pouvoir
avec l'appui des deux plus importantes factions de ce parti.
M.
Suzuki, dont la
conduite des affaires a été vivement critiquée à plusieurs reprises en 1981, est
assuré de conserver le pouvoir jusqu'en 1983 au moins, date à laquelle le PLD
devra se désigner un nouveau chef.
Il peut même espérer pouvoir conserver la
direction des affaires plus longtemps, car l'ex-Premier ministre Tanaka,
véritable "général des ténèbres" du parti conservateur dont on pensait qu'il
pourrait revenir au pouvoir, risque fort d'en être empêché par une condamnation
pour corruption à l'issue de l'interminable procès de l'affaire des pots-de-vin
de la Lockheed, qui avait provoqué sa chute en 1976.
Quant à l'opposition de
gauche, dominée par le parti socialiste, elle ne paraît pas en mesure d'influer
pour le moment sur la vie politique à l'échelon national et reste divisée.
Vers le réarmement?
Cette hégémonie politique a encouragé M.
Suzuki à aller de l'avant sur la voie
d'un réarmement du Japon.
Les dépenses militaires sont restées en deçà du seuil
des 1% du PNB (5,2% aux État-Unis, 4,9% au Royaume-Uni, 3,3% en RFA) mais n'en
sont pas moins les sixième du monde, ce qui est loin d'être négligeable pour un
pays dont l'article 9 de la Constitution interdit d'entretenir une armée et de
faire la guerre.
L'augmentation des crédits de la défense (18% par an de 1970 à
1976, 10% en 1979, 7,6% en 1981 et 7,8% en 1982) a toutefois été moins forte que
prévue, malgré les pressions ouvertes de l'administration Reagan tout au long de
l'année pour amener le Japon à renforcer ses Forces d'autodéfense (l'armée
nippone), afin de lui permettre de jouer un rôle actif dans la sécurité du
Nord-Pacifique et des voies maritimes entre Asie du Sud-Est et Asie du Nord-Est.
Les Américains ne cachent plus leur volonté de faire du Japon un élément clé de
la stratégie occidentale face à la poussée de l'URSS dans la région
Asie-Pacifique ; et ils ne manquent pas une occasion de reprocher au Japon de
jouer les parasites en bâtissant sa prospérité à l'abri de la puissance
militaire occidentale, tout en refusant égoïstement de faire lui-même un effort
de défense.
C'est là un des....
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