Japon (1982-1983): Seul contre tous Le 26 novembre 1982, Yasuhiro Nakasone devient le 45e Premier ministre du Japon. Dès son...
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Japon (1982-1983): Seul contre tous
Le 26 novembre 1982, Yasuhiro Nakasone devient le 45e Premier ministre du Japon.
Dès son entrée en fonctions, le nouveau chef de file du Parti libéral-démocrate
(PLD, conservateur) tente une véritable révolution dans le style de gouverner et
transforme l'image internationale du pays.
Son franc-parler, ses prises de
position souvent fracassantes, sa rapidité à prendre des décisions et ses appels
à redéfinir la place du Japon dans le monde contrastent complètement avec la
manière de son prédécesseur, Zenko Suzuki.
Mais trois mois à peine après son
arrivée au pouvoir, la fragilité de la position de M.
Nakasone devient évidente.
Les limites qui lui sont imposées par le contexte japonais sont telles qu'on se
demande si, au changement de style, correspondra une évolution en profondeur de
la politique japonaise.
C'est à la surprise générale que l'ex-Premier ministre Zenko Suzuki, dont la
réélection à la tête du parti au pouvoir semblait assurée, a annoncé, le 13
octobre 1982, sa démission.
Arrivé au pouvoir en 1980 à la suite d'un compromis
entre les factions du PLD, "Zenko le Bouddha" avait, au fil des mois, vu grandir
son impopularité, et son manque de compétence lui avait valu le surnom de "Zenko
l'Ignorant".
Il n'avait su ni restaurer les finances publiques - pourtant la
priorité de son gouvernement - ni éviter l'isolement croissant du Japon sur la
scène internationale.
Seule la crainte de voir le PLD déchiré par des luttes de
succession fratricides lui a permis de conserver son poste, alors que sa cote de
popularité était tombée à moins de 20%.
Dès sa démission, d'intenses luttes politiques ont éclaté au sein du PLD à
l'occasion d'élections "primaires" qui ont opposé quatre candidats à la
succession.
Les factions dites "minoritaires" du Parti conservateur (animées par
l'ancien Premier ministre Fukuda) ont tenté d'empêcher l'arrivée au pouvoir de
M.
Nakasone, qui bénéficiait, lui, de l'appui des trois principales factions du
parti.
A commencer par la plus importante d'entre elles, celle de l'ex-Premier
ministre Kakuei Tanaka.
Cette "guerre" s'est terminée par le triomphe de M.
Nakasone, porté à la présidence du parti par près de 60% de ses membres.
Il a de
ce fait automatiquement succédé à M.
Suzuki.
L'entrée dans son gouvernement de
représentants des factions minoritaires n'a pas empêché ces luttes factionnelles
d'ébranler la cohésion du PLD et de laisser des cicatrices mal refermées, comme
en a témoigné au début de 1983 le suicide spectaculaire de l'un des adversaires
malheureux de M.
Nakasone, l'ex-ministre Nakagawa.
La constitution du nouveau gouvernement japonais a permis de mesurer l'influence
décisive que continue d'exercer en coulisses sur la vie politique l'ex-Premier
ministre Kakuei Tanaka.
Contraint à la démission par le scandale des "pots de
vin de la Lockheed" en 1974, inculpé pour corruption en 1977, chassé du PLD, il
en est plus que jamais le "yami shogun" (général des ombres).
Six de ses fidèles
ont reçu des postes clés dans un gouvernement, baptisé par la presse japonaise
"Tanakasone".
Le nouveau Premier ministre a la réputation d'être un habile
tacticien, voire un opportuniste: il est connu sous le sobriquet de "la
Girouette".
Relativement jeune pour le monde politique japonais, M.
Nakasone (64
ans) a frappé tous les observateurs en prenant à bras le corps, dès son entrée
en fonctions, un certain nombre de problèmes qui paralysaient le précédent
gouvernement.
Il bousculait ainsi la très puissante bureaucratie nipponne, et
adoptait en public des positions qui violent certains des tabous de la politique
japonaise depuis 1945.
L'héritage laissé par le gouvernement Suzuki (dans lequel M.
Nakasone occupait
d'ailleurs le poste de ministre de la Réforme administrative) était il est vrai
particulièrement lourd.
Tout au long de 1982, l'isolement du Japon s'est
aggravé, face à ses principaux partenaires commerciaux.
États-Unis et CEE sont
en effet de plus en plus irrités par l'"invasion japonaise" et l'aggravation du
déficit de leurs échanges avec le Japon (près de 20 milliards de dollars pour
les États-Unis, plus de 12 milliards pour la CEE).
Le Japon n'a pu continuer de
pratiquer l'art de l'esquive, et a été traîné devant le GATT (Accord général sur
les tarifs douaniers et le commerce) pour non-respect des accords commerciaux
internationaux.
Plus grave encore, des mesures protectionnistes (dont la plus
spectaculaire a été le blocage à Poitiers de l'importation des magnétoscopes
japonais en France) ont été prises, donnant un contenu concret aux menaces de
"guerre commerciale" de plus en plus souvent brandies par les Américains et les
Européens à l'encontre du Japon.
Une forteresse assiégée...
Les relations avec les États-Unis, alliés et protecteurs du Japon, ont atteint
en 1982 leur plus bas niveau depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
On a
vu resurgir de part et d'autre du Pacifique des réflexes émotionnels, voire
xénophobes.
Le Japon a développé une mentalité de forteresse assiégée, de "seul
contre tous", convaincu d'être incompris et injustement critiqué.
Pour la
première fois, au mois de mars 1982, un responsable gouvernemental a évoqué
ouvertement l'hypothèse d'un rapprochement avec l'Union soviétique...
L'"affaire
Hitachi", dans laquelle plusieurs représentants de firmes japonaises ont été
accusés d'espionnage industriel aux États-Unis (en juin 1982) a encore envenimé
les relations nippo-américaines.
La crise n'a pas été désamorcée par la levée de
soixante-dix barrières tarifaires, la création d'un Office de médiation (en
janvier 1982), l'annonce de nouvelles mesures d'ouverture du marché japonais
pour 1983, et la reconduction des accords d'autolimitation des exportations
d'automobiles.
L'isolement japonais a été encore aggravé par l'affaire des manuels scolaires,
qui a mobilisé les voisins asiatiques du Japon en juillet 1982.
La modification
par le ministère de l'Éducation de certains textes relatifs à l'invasion et à
l'occupation par l'Empire japonais de la Chine et de la Corée a provoqué une
tempête de protestations et réveillé des sentiments antijaponais latents dans
tous les pays qui ont souffert de l'expansionnisme nippon au XXe siècle.
Cette
tentative de "réécrire l'histoire" dans un sens plus favorable au Japon s'est
terminée par des excuses embarrassées de M.
Suzuki, et une promesse de rectifier
le tir en 1985...
Dès son arrivée au gouvernement, M.
Nakasone a vigoureusement tiré la sonnette
d'alarme devant les risques d'un tel isolement pour le Japon, particulièrement à
un moment de tensions internationales croissantes, et compte tenu du
renforcement continu de la puissance militaire soviétique en Extrême-Orient.
Troisième exportateur mondial, dépourvu de ressources naturelles, le Japon a
tout à perdre d'une "guerre commerciale" avec ses alliés traditionnels, a
expliqué le Premier ministre, prédisant à ses compatriotes "une terrible
récession" si des mesures efficaces n'étaient pas prises pour intégrer davantage
le Japon dans la communauté internationale.
L'"ouverture" du Japon est devenue
un des leitmotive du gouvernement.
Dès janvier 1983, celui-ci annonçait de
nouvelles réductions des droits de douanes sur une centaine de produits
intéressant les exportateurs américains et européens ainsi que le réexamen des
réglementations japonaises qui font fonction de "barrières non tarifaires".
Il
concluait également avec ses partenaires d'autres accords d'autolimitation des
exportations japonaises dans des secteurs jugés stratégiques (automobile,
électronique grand public...).
Il a enfin encouragé les sociétés japonaises à
investir à l'étranger - ce qui a abouti en février 1983 à l'accord spectaculaire
entre les numéros un de l'automobile mondiale, General Motors et Toyota, pour
produire conjointement 200 000 véhicules par an aux États-Unis.
Cet accord
devait "ouvrir une nouvelle ère dans les relations économiques entre les
États-Unis et le Japon".
Sur le plan diplomatique, M.
Nakasone est allé tout aussi vite en besogne.
A
peine installé, il a effectué un voyage surprise à Séoul (Corée du Sud) pour
mettre fin à la querelle vieille de plusieurs mois opposant les deux pays.
Ce
voyage a consacré l'émergence d'un "axe" Japon-Corée du Sud, Tokyo manifestant
son intérêt pour la situation stratégique de la péninsule coréenne, et
débloquant une aide économique de quatre milliards de dollars sur sept ans.
Dans la foulée, M.
Nakasone s'est rendu à Washington pour y rencontrer le
président Reagan.
Il en a profité pour réaffirmer que "la relation avec les
États-Unis est le fondement de la politique japonaise" et donner des assurances
sur la volonté de son gouvernement de prendre une part plus importante à la
défense de l'archipel japonais et des eaux qui l'entourent.
Peu avant son
voyage, M.
Nakasone avait annoncé la levée d'une interdiction, vieille de seize
ans, de transferts de technologie militaire à destination des États-Unis: il
ouvrait ainsi la porte à une coopération militaire accrue entre les deux alliés.
Ce voyage et les mesures qui l'ont accompagné ont permis de désamorcer, au moins
provisoirement, la crise entre Washington et Tokyo.
Ronald Reagan a salué "les
premiers pas" du Japon dans ce qui est, du point de vue américain, la bonne
direction.
Le voyage, parallèle, du ministre des Affaires étrangères, M.
Abe,
dans les pays de la CEE, n'a pas donné de résultats aussi spectaculaires.
Quant
aux relations avec les pays asiatiques, elles sont restées dominées par la
méfiance de ces derniers, méfiance encore avivée par la volonté de M.
Nakasone
de renforcer le potentiel militaire du Japon.
Un "porte-avion insubmersible"
Le nouveau Premier ministre, bien avant son arrivée au pouvoir, s'était fait une
réputation de "faucon" en se prononçant pour le renforcement des Forces
d'auto-défense (l'armée japonaise) et la révision de la constitution "pacifiste"
imposée par les Américains en 1947.
Ex-officier de la marine impériale,
nationaliste fervent, il n'a pas hésité à affirmer que "le Japon devait faire un
effort de défense proportionnel à sa puissance économique".
Il a fait....
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