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Japon (1983-1984): Le réveil stratégique L'"ère Nakasone" n'aura-t-elle duré que deux petites années? Salué début 1983 comme l'homme politique japonais...

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« Japon (1983-1984): Le réveil stratégique L'"ère Nakasone" n'aura-t-elle duré que deux petites années? Salué début 1983 comme l'homme politique japonais le plus dynamique de l'après-guerre, Yasuhiro Nakasone apparaissait début 1984 comme un Premier ministre en sursis.

Il n'en avait pas moins imprimé à la politique japonaise un changement de style et de rythme qui a pu faire parler de "révolution tranquille" à son sujet.

L'année 1983 aura sans doute marqué une rupture avec la politique japonaise de l'après-Seconde Guerre mondiale, et elle aura indiqué les limites des évolutions en cours. Le procès Tanaka La condamnation, le 12 octobre 1983 par un tribunal de Tokyo, de l'ex-Premier ministre Kakuei Tanaka a sans conteste été l'événement de l'année au Japon. Reconnu coupable d'avoir reçu des pots-de-vin de la firme américaine Lockheed du temps où il était au pouvoir, M.

Tanaka a été condamné à quatre ans de prison et 500 millions de yen d'amende.

Il a aussitôt fait appel, et versé une caution lui permettant de rester en liberté. Devenue depuis qu'elle a éclaté au grand jour (en 1976) le symbole de la corruption des moeurs politiques japonaises, l'affaire Tanaka a rejailli sur l'ensemble du Parti libéral-démocrate (PLD, conservateur) au pouvoir, dont l'ex-Premier ministre était demeuré l'éminence grise, en tant que chef de la plus puissante des factions qui le composent.

Elle a porté un coup peut-être fatal à M.

Nakasone qui avait été porté au pouvoir en novembre 1982 grâce à l'appui de M.

Tanaka.

Son gouvernement, qui comprenait sept fidèles de l'ex-Premier ministre, avait d'ailleurs été brocardé comme le "gouvernement Tanakasone". Dès la condamnation de M.

Tanaka, les six partis de l'opposition représentés à la Diète (Parlement) ont demandé la démission, puis l'expulsion, du coupable de son siège de député.

Devant le refus de M.

Nakasone de considérer leur demande, ils ont boycotté les travaux de la Diète, contraignant M.

Nakasone à gouverner sans le traditionnel consensus, et alimentant une vigoureuse campagne d'opinion. Le Premier ministre a finalement été obligé de convoquer des élections anticipées le 18 décembre 1983.

La dénonciation de la "politique de l'argent" incarnée par M.

Tanaka est devenue le cheval de bataille de l'opposition qui est parvenue à faire des élections un referendum anti-Tanaka. Le PLD a de ce fait enregistré un de ses échecs les plus cuisants en trente ans d'hégémonie sur la vie politique japonaise.

Il est passé de 286 à 250 députés, et n'a recueilli que 45,7% des voix (le taux d'abstention a été élevé: 22%) ; l'opposition au contraire, en particulier le parti bouddhiste Komeito et le Parti socialiste, a enregistré des gains notables.

Pour conserver la majorité à la Diète, le PLD a été contraint de se rallier dix députés "indépendants", et de passer un accord avec le Club néo-libéral (huit députés). C'est donc au prix de manoeuvres politiques, mais aussi d'un compromis avec les factions qui lui sont hostiles au sein du PLD, que M.

Nakasone a été reconduit dans ses fonctions de Premier ministre le 26 décembre.

Mais il a été obligé de prendre la responsabilité de l'échec de son parti, et de s'engager à réduire l'influence exercée par M.

Tanaka.

Ce dernier, triomphalement réélu dans sa circonscription de Niigata, a adopté un profil bas - mais ses partisans occupaient toujours six postes de ministre dans le second cabinet Nakasone, et sa faction demeurait plus puissante que jamais au sein du PLD. Pour la plupart des spécialistes de la politique intérieure japonaise, ce second gouvernement Nakasone n'avait d'autre but que d'éviter une crise ouverte au sein du PLD, en attendant la désignation d'un nouveau président du parti (automatiquement désigné comme Premier ministre) à l'échéance du mandat de M. Nakasone en octobre 1984.

La politique japonaise risquait fort d'être frappée de paralysie d'ici là, tandis que les factions du parti au pouvoir entamaient manoeuvres et négociations.

Le successeur de M.

Nakasone pourrait en tout cas être plus effacé et mener une politique plus traditionnelle et prudente. Une diplomatie ouverte M.

Nakasone a en effet inauguré ses fonctions par toute une série de voyages, de déclarations et d'initiatives spectaculaires, qui ont changé l'image du Japon à l'étranger.

Il a entrepris de faire du Japon "un pays ouvert au monde" et jouant sur la scène internationale un rôle en rapport avec sa puissance économique.

En janvier 1983, il a effectué en Corée du Sud une visite "historique" marquant le caractère stratégique de la coopération entre les deux pays.

Puis il s'est rendu à Washington pour mettre l'accent sur la solidité de "l'alliance" liant les États-Unis et le Japon - violant ainsi un tabou qui avait coûté cher à son prédécesseur Suzuki.

En avril 1983 sa tournée en Asie du Sud-Est a consacré avec éclat le "leadership" japonais dans cette région du monde où le Japon est déjà le premier investisseur, le premier donneur d'aide au développement et le premier partenaire commercial. En mai, lors du sommet des pays industrialisés à Williamsburg, il a pu ainsi apparaître comme porte-parole de l'Asie face aux Occidentaux.

Il a affirmé en même temps, comme jamais un dirigeant japonais avant lui, l'appartenance de son pays à un "camp occidental" dont il a demandé que la sécurité soit proclamée "indivisible".

Ceci n'a pas empêché la "nouvelle diplomatie japonaise" de mener "sa propre politique", comme l'on prouvé au mois d'août les visites successives en Iran et en Irak, du ministre des Affaires étrangères Shintaro Abe. Ce rôle croissant du Japon sur la scène internationale a été consacré au mois de décembre par les visites à Tokyo du chancelier ouest-allemand Helmut Kohl, du président américain Ronald Reagan et du secrétaire général du Parti communiste chinois Hu Yaobang.

Ces visites ont permis à M.

Nakasone de préciser les fondements de la politique extérieure japonaise: consolidation de l'alliance avec les États-Unis, priorité donnée à l'Asie, effort de coordination avec les Occidentaux face à la "menace soviétique". Le Japon du côté de l'OTAN Les relations avec l'URSS se sont en effet encore détériorées en 1983, au point qu'en janvier 1984 le Premier ministre soviétique Tikhonov les considérait "dans une impasse".

Empoisonnées par le refus de Moscou de rétrocéder au Japon les îles Kouriles du Sud (occupées depuis 1945), elles ont été aggravées par les propos du ministre des Affaires étrangères soviétique Gromyko menaçant Tokyo de représailles atomiques (avril), le déploiement en Sibérie de nouveaux missiles à moyenne portée SS 20 (mai), l'expulsion de diplomates soviétiques accusés d'espionnage (juin) et la tragédie du Boeing sud-coréen abattu par l'aviation soviétique au large des côtes d'Hokkaido (septembre).

Selon des sondages effectués à la fin de 1983, 92% des Japonais s'affirmaient hostiles à l'Union soviétique.

La perception d'une "menace" grandissante du fait du renforcement du potentiel militaire soviétique en Extrême-Orient a servi de toile de fond au "réveil" stratégique du Japon. Face à cette "menace venue du Nord", M.

Nakasone a choisi le renforcement de ce qu'il n'a pas hésité à appeler "l'alliance militaire" avec les États-Unis, par l'intégration de la défense de l'archipel dans le dispositif stratégique américain dans le Pacifique Nord.

Il avait annoncé dès janvier 1983 à Washington son intention de faire de l'archipel "un porte-avions incoulable" dont le rôle serait de bloquer la pénétration de la flotte et de l'aviation soviétique dans le Pacifique en cas de conflit, en prenant le contrôle des détroits (Soya, Tsugaru, Tsushima) qui divisent les îles.... »

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