Japon )1985-1986) Moins d'État, plus de consensus Le monde politique japonais a été marqué en 1985 par la guerre de...
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Japon )1985-1986)
Moins d'État, plus de consensus
Le monde politique japonais a été marqué en 1985 par la guerre de succession que
se livrent les héritiers des diverses factions et sous-factions qui forment le
Parti conservateur, au pouvoir sans interruption depuis plus de trente ans.
Le
Jiminto est en fait un agrégat de plusieurs petits partis de droite.
La règle
veut qu'il y ait une rotation au pouvoir des divers chefs de factions et qu'un
Premier ministre ne puisse pas monopoliser le poste plus de quatre ans.
M.
Yasuhiro Nakasone devait donc normalement laisser la place à d'autres "dauphins"
vers la fin de l'année 1986 au plus tard.
Pas d'alternance en vue
Mais au début de 1986, la conjoncture politique était telle que la règle
semblait ne pas devoir jouer, pour plusieurs raisons: tout d'abord l'homme fort
du Parti conservateur, l'ancien Premier ministre Kakuei Tanaka, impliqué dans
l'affaire des pots-de-vin de la société aéronautique Lockheed et principal
accusé de ce procès (qui a commencé en 1976), n'était toujours pas remis de
l'attaque cérébrale qui l'avait terrassé le 1er mars 1985.
On doutait fort qu'il
le pût, à en juger d'après les photos publiées dans la presse.
N'ayant pas
désigné de successeur, ses lieutenants pouvaient difficilement le quitter pour
un nouveau chef, malgré leur désir: la statue du commandeur bougeait encore.
Il semble que les manoeuvres du ministre des Finances, Noboru Takeshita, issu de
la faction Tanaka, n'auraient pas été étrangères à l'attaque cérébrale de Kakuei
Tanaka: le 7 février 1985, M.
Takeshita avait fondé la Sôseikai, groupe de
travail qui s'était donné pour objectif de réfléchir à une "meilleure
politique", rassemblant autour de lui un tiers des députés et des sénateurs de
la faction Tanaka, la plus puissante, avec cent vingt membres.
Tanaka aurait
pris de plein fouet ce "débauchage" de ses fidèles alors qu'il était toujours
sous le coup du jugement rendu en 1983, le condamnant à quatre ans de prison.
En
agissant ainsi, M.
Takeshita s'est assuré le soutien d'une partie de la faction
Tanaka, qui voulait tourner une fois pour toutes la page du scandale Lockheed,
mais il s'est aussi attiré l'hostilité des "purs et durs" du clan de "Tanaka
Sensei" (maître Tanaka), comme M.
Nikaido qui a assuré la régence depuis la
maladie du patron.
Si le Premier ministre venait à être remplacé en 1986, il ne
paraissait pas certain que M.
Takeshita fût soutenu par la faction Tanaka tout
entière.
D'autant que d'autres prétendants attendaient eux aussi leur tour,
comme Kiichi Miyazawa ou Shintaro Abe, ministre des Affaires étrangères, et
héritier présomptif de la faction Fukuda (quarante-six députés).
Enfin, le Premier ministre Nakasone a réussi une performance assez rare dans la
vie politique japonaise: alors que dans les premiers mois de son ministère, sa
cote de popularité était en dessous de 30% (février 1983), elle a dépassé 50% en
mars 1986.
Voulant profiter de cette conjoncture favorable, il a obtenu fin mai
l'accord du Parti libéral démocratique pour dissoudre l'Assemblée et organiser
des élections anticipées en juillet 1986.
Le Jiminto s'est assuré une bonne
majorité, grâce aux efforts de M.
Nakasone pour renforcer l'image du Parti
conservateur dans la population.
En effet, depuis les élections de 1983, le
Jiminto est passé de 286 sièges à 300 en juillet 1986.
Avant cette date, les
conservateurs avaient dû faire appel, pour obtenir la majorité, aux
exsécessionnistes du Jiminto, le Shinjiyu club et aux indépendants.
C'est une fois de plus le Parti socialiste japonais (PSJ) qui a fait les frais
d'une perte de sièges aux élections de juillet.
Son président, Masashi
Ishibashi, a essayé, sans succès, de lui sculpter un profil de parti présentant
une véritable alternative au pouvoir conservateur.
Pour cela, il a proposé de
lâcher du lest sur les thèmes jusqu'alors chers au Parti socialiste, comme le
nucléaire (utilisation civile), et de reconnaître l'armée d'auto-défense
(Jieitai).
En changeant ainsi ses positions l'année du quarantième anniversaire
d'Hiroshima et de Nagasaki, il pensait pouvoir se rapprocher des deux grands
partis d'opposition, le Komeito (Parti bouddhiste) et le Minshato, afin de
former un front commun.
Mais il n'a pas obtenu l'appui escompté du côté des
jeunes militants, tout en décourageant certains vieux militants.
Alors que le Parti socialiste regardait vers le Parti bouddhiste issu de la
puissante secte Soka-gakkai et dirigé par Takeiri, ce dernier tournait ses
regards plus à droite encore, du côté du Parti conservateur.
Que veut le
Komeito? Qu'on ne touche pas à la Constitution, que le budget de la défense ne
dépasse pas le seuil d'un pour cent du PNB, que le gouvernement ne développe pas
la puissance militaire du pays.
Si le Parti conservateur était prêt à respecter
ces demandes, le Komeito accepterait de collaborer avec lui, à condition que le
Premier ministre ne fût pas Nakasone.
Ainsi, en mars 1986, le rapprochement des positions du Parti bouddhiste et du
parti gouvernemental ne permettait pas d'espérer une alternance des partis
d'opposition dans les années à venir.
Le front commun de la gauche et du centre
semblait être en panne pour longtemps.
L'un des grands débats qui ont agité le Parlement en 1985 a été la réforme
électorale.
Pour élire un député dans la quatrième circonscription située dans
la préfecture de Chiba (banlieue de Tokyo), où vivent les classes moyennes, il
faut totaliser 348 000 votes, alors qu'il n'en faut que 82 000 dans la cinquième
circonscription de la préfecture de Hyogo.
Certaines préfectures rurales
acquises au Parti conservateur se sont en effet vidées peu à peu par le
phénomène de l'exode des campagnes.
Il fallait corriger ce déséquilibre.
Le gouvernement a proposé une réforme visant à ce que les députés des
préfectures urbaines ne soient pas élus avec un quotient de voix supérieur à
trois par rapport aux préfectures rurales.
Les partis d'opposition, qui puisent
leur soutien surtout dans les villes, voulaient abaisser ce rapport de un à
deux.
L'enjeu était important.
Le gouvernement a donc été amené à établir un
projet appelé rokuzo rokugen (six augmentations, six réductions): on supprime
six députés dans les préfectures les plus vides, et on redécoupe la carte
électorale des préfectures urbaines pour leur adjoindre six nouveaux députés.
Dans un pays de plus de 84 millions d'électeurs (on vote à vingt ans), cette
demi-réforme a mécontenté tous les partis politiques: ceux qui perdaient leur
siège et ceux qui en attendaient davantage.
Cependant, les partis politiques partageaient une préoccupation commune:
l'apathie des jeunes générations à l'égard de la vie politique.
Les jeunes ont
évolué vers un "individualisme mou", privilégiant leurs loisirs, leurs amis ; le
couple a pris plus d'importance, au détriment de la vie de l'entreprise et des
grands débats politiques.
Privatisation
Dans cette atmosphère d'indifférence sociale et de prospérité économique, le
Premier ministre Nakasone a réalisé peu à peu ses projets: augmentation du
budget militaire, réhabilitation du passé, privatisation de grands secteurs
publics comme le téléphone, les tabacs et le sel, et bientôt les chemins de fer,
réforme de l'éducation.
On avait annoncé le 25 décembre 1985 que le budget militaire
1,007% du PNB, mais, la même journée, un nouveau calcul à la
faisait repasser ce même budget en dessous du plafond fixé à
comme le PNB nippon augmente substantiellement chaque année,
connaît lui aussi un accroissement.
avait atteint
hausse du PNB
1% (0,989%).
Or,
le budget militaire
Pour la première fois en 1985, le Premier ministre s'est rendu officiellement au
temple shinto de Yasukuni, construit à la mémoire des soldats nippons morts
pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ce geste a été vu par beaucoup comme un acte
de réhabilitation de la période militariste qui a conduit le pays à la guerre.
Si Nakasone devait rester Premier ministre en 1986, il retournerait
vraisemblablement à Yasukuni.
Mais si un autre lui succédait suivrait-il le même
chemin?
Par ailleurs, le Japon de M.
Nakasone a avancé assez vite sur le chemin des
privatisations.
La compagnie des téléphones, Dendenkosha, est devenue le 1er
avril 1985 la NTT (Nihon Telegraph and Telephone).
C'est la plus grande
entreprise privée du Japon, avec 320 000 employés et un capital de quatre
milliards de dollars.
Le 1er avril également, la régie des tabacs, monopole de
l'État depuis 1906, a été transformée en société anonyme et a pris le nom de
Nihon Tabacco Sangyo Kabushiki Kaisha, avec un capital d'environ 500 millions de
yens.
L'État a gardé la totalité des actions mais il envisageait d'en vendre une
partie, tout en restant majoritaire.
Le chemin de fer figurait en troisième
position sur la liste des dénationalisations.
Après une bataille épique avec son
président, Iwao Nisugi, qui n'acceptait pas le principe du démantèlement de la
compagnie en plusieurs sociétés régionales, le gouvernement a obligé celui-ci à
démissionner.
Son successeur, M.
Sugiura, a accepté le plan du gouvernement et
le 26 juillet....
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