Japon (1986-1987) Record de l'excédent commercial Quand le premier violon est meilleur que le chef d'orchestre, il se produit nécessairement...
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Japon (1986-1987)
Record de l'excédent commercial
Quand le premier violon est meilleur que le chef d'orchestre, il se produit
nécessairement des conflits, mais le chef d'orchestre peut-il exclure le premier
violon? Les conflits seraient-ils réglés si l'on créait un second orchestre
dirigé par l'ex-premier violon? Sans doute...
pour un temps.
Telle est la
question qu'on a pu se poser en 1986 au sujet des relations entre les États-Unis
et le Japon.
Le Japon est un pays riche ; ses excédents commerciaux ont battu de nouveaux
records de mois en mois.
Toutes les mesures destinées à corriger ces
déséquilibres ont été d'une efficacité faible sinon nulle.
Les États-Unis ont
accusé régulièrement leur grand allié économique asiatique de pratiques
déloyales, d'avoir recours au dumping pour occuper des marchés à l'extérieur et
de ne rien faire pour ouvrir le marché japonais aux produits étrangers.
L'année budgétaire, qui se termine le 1er avril, a enregistré un nouveau record
historique de l'excédent commercial nippon, qui est passé de 61,4 milliards de
dollars en 1985-1986 à 101,4 milliards en 1986-1987.
Certes, la flambée du yen qui persistait en mai 1987 - explique en partie l'augmentation vertigineuse de
ce déséquilibre ; mais la progression des exportations nipponnes de près de 17%
a également été un facteur d'autant plus remarquable que le montant des
importations a diminué dans le même temps de 7%, diminution partiellement due,
il est vrai, à la réduction de la facture pétrolière.
Quand on sait d'autre part que le Japon, pour des raisons liées aux conséquences
de sa défaite dans la Seconde Guerre mondiale, ne s'est pas encore attaqué à
certains secteurs comme celui de la conquête spatiale, mais qu'il entend avoir
comblé son retard dans ce domaine en 1992 pour se poser en concurrent des
Américains et des Français, il est permis de penser que les excédents
commerciaux ne sont pas près de diminuer.
Le 19 février 1987, le premier
satellite nippon a été lancé du centre de Tanegashima au sud de l'île de Kyushu.
Depuis 1981, le Japon a investi annuellement 110 milliards de yen pour ses
programmes spatiaux, ce qui représente le dixième du budget de l'agence spatiale
américaine (NASA).
En 1987, ce budget passera à 140 milliards de yen.
Les fusées
de type N1 et N2 fabriquées sous licence américaine vont être remplacées par des
fusées de type H1 et H2 de conception japonaise.
Les secteurs à haute valeur
ajoutée de l'industrie japonaise se portent donc bien.
Raz de marée conservateur
Au moment des élections générales en juillet 1986, tout semblait bien aller tant
pour le Japon que pour le Parti conservateur (PLD) et son Premier ministre
Yasuhiro Nakasone.
Avant la dissolution de l'Assemblée, les conservateurs
n'avaient que 250 sièges et ils ne disposaient d'une courte majorité que grâce à
l'appui des indépendants.
Après les élections du 6 juillet 1986, c'est un raz de
marée conservateur qui a déferlé sur la Diète.
Avec 304 sièges sur 512, soit 50
sièges de plus qu'aux précédentes élections, le Premier ministre a vu un
plébiscite pour sa politique et son style de gouvernement.
Le revers de cette
grande victoire conservatrice a été la lourde défaite du Parti socialiste
japonais (PSJ) qui a perdu 25 sièges (il en avait 112 avant les élections).
Son
président, Masashi Ishibashi, a dû assumer cette défaite en démissionnant, et il
a cédé sa place pour la première fois dans l'histoire de la démocratie japonaise
à une femme, Takako Doï, cinquante-huit ans, député de la région de Kobe.
Plusieurs facteurs expliquent le déclin du premier parti de l'opposition.
D'une
part, ses dirigeants n'ont pas su offrir aux électeurs une véritable politique
de rechange.
De congrès en restructurations et de conflits internes en nouvelles
propositions, les positions du PSJ ont évolué vers un discours social-démocrate
qui n'a guère convaincu.
D'autre part, la rivalité chronique entre les partis de
l'opposition qui vont à la bataille électorale en ordre dispersé fait forcément
le jeu des divers partis de la droite (devenus des factions) réunis au sein du
PLD.
Enfin, on pouvait se demander au printemps 1987 si certains partis comme le
Komeito (parti bouddhiste de la secte Soka Gakai) et le Minshato
(sociaux-démocrates) n'étaient pas prêts à entrer dans une coalition
gouvernementale avec le PLD si besoin était.
Étaient-ils encore des partis
d'opposition ou des partis gouvernementaux latents?
A l'exception du Parti communiste (PCJ) qui a conservé ses 26 sièges, tous les
autres grands partis ont perdu du terrain: le Komeito est passé de 58 à 56
sièges, le PSD de 38 à 26, et les indépendants de 16 à 9.
La personnalité du Premier ministre, au moment des élections, semblait
correspondre, selon les sondages, à l'image que se faisaient les Japonais d'un
homme d'État de stature internationale à la tête d'un pays qui n'était plus
seulement celui des "marchands de transistors".
Nakasone savait représenter le
Japon à l'étranger et la lune de miel politique "Rony-Yasu", était le thème
favori des caricaturistes politiques dans la presse nippone.
Tout semblait lui
réussir ; son fils avait même été élu sénateur du PLD.
Il affichait le calme
souriant des grands vainqueurs, confiant de figurer dans l'histoire japonaise
comme le premier chef d'État à avoir réussi depuis longtemps à passer la barre
des quatre ans ; il allait pouvoir poursuivre ses réformes historiques comme la
privatisation des chemins de fer et s'attaquer à la réforme fiscale.
Tollé contre la réforme fiscale
Las! Ce dernier projet de réforme, dont Nakasone avait promis pendant la
campagne électorale qu'il serait mesuré, était en fait d'une envergure telle
qu'il a provoqué un tollé non seulement au sein des partis de l'opposition, mais
aussi dans les rangs des députés conservateurs, qui ont été obligés de subir la
fronde de leurs électeurs pour conserver leur popularité en vue d'une réélection
future.
Le but de cette réforme était de mettre en place une TVA à la japonaise (5%),
système qui devait rapprocher le Japon des autres pays industrialisés où les
impôts indirects sont importants.
Au Japon, le système mis en place à la fin des
années cinquante privilégie les impôts directs qui représentent 73,8% des
recettes fiscales, alors qu'ils n'étaient que de 51,4% en 1955 et de 35% avant
la guerre.
Un tel système, qui favorise les fraudes fiscales, s'il était corrigé
dans des proportions proches de celles de la France (impôts directs 40% et
indirects 60%) permettrait certainement à l'État sinon de combler son
gigantesque déficit budgétaire (45% du PNB), du moins de l'enrayer sensiblement.
Les partis d'opposition ont accusé le Premier ministre d'avoir pratiqué un
double langage par rapport à ses promesses électorales et ont décidé de bloquer
les décisions de la chambre.
Quant aux rivaux et successeurs potentiels de
Nakasone, au sein du PLD, ils n'ont pas été mécontents des difficultés nouvelles
pour cet homme qui semblait vouloir s'éterniser à un poste alors que d'autres
piaffaient d'impatience de lui succéder.
Ce qui a le plus inquiété dans cette
réforme, c'est cette TVA "à la japonaise" de 5% qui, une fois mise en place,
pourrait être relevée régulièrement.
On l'a vu en République fédérale
d'Allemagne et au Royaume-Uni où l'on est passé respectivement de 10% à 14% et
15%.
Le célèbre institut de recherches Nomura a d'ailleurs affirmé que l'une des
conséquences de la réforme fiscale serait une baisse du PNB de 0,3%.
Toujours
est-il que la chute de popularité du Premier ministre et de sa réforme fiscale a
eu pour conséquence, lors des élections locales des 12 et 26 avril 1987, non
seulement d'empêcher les conservateurs de reprendre les postes de gouverneurs du
Hokkaidô et la mairie de Fukuoka détenus par l'opposition, mais également de
leur faire perdre une centaine de postes de conseillers municipaux et généraux
sur tout le Japon, au profit du PSJ et du PCJ.
Le capital de sympathie dont bénéficiait le Premier ministre et son gouvernement
a également souffert de ses déclarations intempestives et de celles de son
ministre de l'Éducation, M.
Fujio.
Ce dernier a déclaré notamment, à une revue à
grand tirage, que le Japon était intervenu en Corée à la demande des autorités
coréennes et que la colonisation (à partir de 1910) n'avait pas eu que des
effets négatifs...
Devant les protestations du gouvernement coréen, M.
Nakasone
a dû se défaire de son ministre le 8 septembre 1987.
Mais cet accès de
"franchise" n'est pas resté isolé, puisque le Premier ministre a déclaré
quelques semaines plus tard à la Diète que les difficultés économiques
américaines s'expliquaient par le fait que les États-Unis étaient handicapés par
la présence de Noirs et de Portoricains dont le niveau scolaire est plus faible
que celui des Blancs.
Inversement, la réussite du peuple japonais était due à
son homogénéité.
Ces paroles, qui exprimaient le sentiment profond (honne) du
Premier ministre, ont soulevé une tempête de protestations dans la presse
américaine à la suite de laquelle il a dû présenter de plates excuses.....
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