Japon (1987-1988): Toujours plus M. Takeyama est col blanc dans une entreprise métallurgique: marié, quarante ans, un enfant, ouvert sur...
Extrait du document
«
Japon (1987-1988): Toujours plus
M.
Takeyama est col blanc dans une entreprise métallurgique: marié, quarante
ans, un enfant, ouvert sur la vie et plein d'initiative, il est ce Japonais de
la génération d'après-guerre qui a vécu depuis l'enfance la fabuleuse odyssée
économique de son pays.
Comme beaucoup d'Asiatiques, il est joueur et a le sens
du risque.
Son jeu préféré c'est la Bourse et pour cause, cela rapporte
beaucoup.
En avril 1987, il a acheté pour trois millions de yens d'actions (140
000 FF environ).
En avril 1988, il en possédait quatre fois plus et envisageait
d'acheter une petite maison de campagne près d'Hakone.
Pas étonnant, lorsqu'on
demande à M.
Takeyama l'événement qui, pour lui, a été le plus marquant de
l'année 1987 au Japon, que la réponse soit la chute de la Bourse, le lundi noir
du 19 octobre, à Wall Street, dont les effets ont été immédiats le lendemain à
Kabutô-chô, la Bourse de Tokyo.
La réponse de ce Japonais-type pourrait étonner car l'actualité nipponne a été
fertile en événements: l'élection d'un nouveau Premier ministre, l'opération
chirurgicale de l'empereur Hiro-Hito, le prix Nobel accordé à Susumu Tonegawa,
la privatisation des chemins de fer, l'affaire Toshiba concernant la vente de
matériels "sensibles" à l'URSS...
Les Japonais, citoyens d'un des pays les plus riches de la planète veulent donc,
à leur tour, s'enrichir individuellement.
Le commerce des actions en Bourse
semble faire appel à un certain nombre de qualités qu'ils possèdent bien:
capacité à réunir rapidement un flot constant d'informations utiles, goût du jeu
et du risque, vitesse d'action.
Le yen est faible? On exporte des produits made
in Japan au mieux.
Le yen est fort? On achète des actions mais aussi des
immeubles, des hôtels, des oeuvres d'art à l'étranger...
En tête pour les réserves de change
En 1987, selon un rapport du Fonds monétaire international, le Japon est devenu
le pays disposant des plus importantes réserves de change de la planète avec
81,1 milliards de dollars (463 milliards FF), devant l'Allemagne fédérale.
Le
Japon devançait aussi les Allemands pour ses réserves en or à la fin de 1987:
61,5 milliards d'onces (contre 35,4 milliards en 1986) ; les Allemands passant
de 45,5 milliards à 59,2 milliards d'onces.
Il ne faut cependant pas penser que
le Japon joue gagnant sur tous les tableaux.
La perspective d'un effritement
continu du dollar, avec pour corollaire la réévaluation du yen, n'est pas pour
enchanter toutes les couches socioprofessionnelles!
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le vainqueur américain décida d'une
parité de 360 yens contre un dollar.
Ce taux faible du yen, qui a été l'un des
éléments importants de la reconquête économique nipponne, s'est maintenu
jusqu'au choc pétrolier de 1973, il est alors monté à 308 yens contre un dollar.
En mars 1986, le dollar valait 180 yens, et, en avril 1987, 140 yens.
La
glissade s'est poursuivie.
Bien que le dollar se soit maintenu entre 125 et 130
yens jusqu'en mai 1988, on a commencé à envisager la possibilité réelle d'un
scénario qui aurait été jugé "catastrophe" auparavant: celui d'un dollar à 100
yens, la parité d'avant la Seconde Guerre mondiale.
Non seulement certains
experts japonais affirmaient que l'économie japonaise "tiendrait le coup" face à
cette nouvelle tourmente, mais on s'y est préparé comme si c'était la bataille à
mener: implantations à l'étranger, diversification des activités, modernisation
maximale de l'appareil de production pour réduire les coûts salariaux,
développement des secteurs de pointe pour rattraper les pays leader dans ces
domaines, volonté patente de se trouver en situation de monopole dans les
secteurs où les avantages sont très forts.
La population dans son ensemble
partage le sentiment que l'information est la clé de voûte de la réussite.
Il y
aurait vingt et un milliardaires américains.
Le Japon en compte bien davantage.
L'homme le plus riche du monde est un petit-fils de paysans, patron du groupe
Seibu (lignes privées de chemins de fer, loisirs, hôtellerie, immobilier):
Yoshiaki Tsutsumi.
Sa fortune est évaluée à 130 milliards de francs.
Les classes
moyennes elles-mêmes commencent à s'enrichir.
En 1987, le revenu par habitant a
été de 19 600 dollars contre 18 400 aux États-Unis.
Seuls les Suisses
devançaient l'empire du Soleil levant avec 20 000 dollars.
Un Tokyoïte qui veut
montrer que ses affaires vont bien achète une voiture étrangère, de préférence
allemande, et y fait installer le téléphone.
La croissance japonaise, qui ne fut que de 2,6% en 1986, a été de 4,4% en 1987,
un rythme comparable à celui d'avant le choc pétrolier de 1973.
Un nouveau
record a été atteint en matière d'excédent commercial au terme de l'année civile
1987: 96,46 milliards de dollars (92,83 en 1986).
Le volume des exportations
avait encore augmenté par rapport à l'année précédente: 224 milliards de dollars
(+9%).
En revanche, pour l'année fiscale qui s'est achevée au 31 mars 1988, et
pour la première fois depuis huit ans, l'excédent est apparu en diminution
(76,015 milliards de dollars).
Mais, si le solde s'est réduit avec les
États-Unis, il s'est accru avec la Communauté européenne, passant de 18 228
milliards à 20 115 milliards de dollars.
En dépit du grand séisme du mardi noir 20 octobre 1987 à Kabutô-chô, la Bourse
de Tokyo n'a baissé que de 16% au plus fort de la tourmente et l'année 1987 a
connu une progression globale de 9%.
Le Japon tout entier a fait front: non
seulement le ministère des Finances, les banques, les quatre plus grandes
maisons de titres (Nomura, Daiwa, Nikko, Yamaichi), mais aussi les petits
épargnants qui n'ont jamais cru au désastre et qui ont emprunté pour racheter
des titres.
Résultat: la maison "Japon" se porte bien.
Certes, les faillites
n'ont pas cessé, dans les PME principalement, mais leur nombre a diminué: 12 655
en 1987 contre 17 476 en 1986.
La fourmi insulaire
Le Japon est pressé de toutes parts et principalement par les États-Unis de ne
plus se comporter en fourmi insulaire engrangeant silencieusement son magot,
mais aussi en cigale dispensatrice d'aide, d'emplois, et de prendre sa part de
responsabilités internationales.
Lors de sa première visite aux États-Unis le 12
janvier, Noboru Takeshita, le successeur de Yasuhiro Nakasone au poste de
Premier ministre, a proposé de prendre en charge le salaire des 21 000 employés
japonais travaillant sur les bases américaines de l'archipel, montrant par là sa
volonté de participer plus activement aux dépenses militaires dans la région.
En 1988, les principaux bénéficiaires des aides dispensées par le Japon ont été
la Chine, les Philippines, l'Indonésie, la Thaïlande et la Birmanie, pays qui
faisaient partie de l'aire de co-prospérité à l'époque militariste du Grand
Japon.
Hasard?
Le Japon vend à tout le monde, aux Sud-Africains comme aux Soviétiques.
Les
"Blancs d'honneur" que sont les Nippons pour les Sud-Africains sont aussi leur
premier partenaire commercial.
Ils sont également les premiers partenaires
asiatiques de l'URSS avec 3,6 milliards de dollars d'exportations en 1987.
Le
monde entier veut consommer japonais.
Selon un sondage de l'hebdomadaire
Newsweek, 40% des Américains estiment que les produits japonais sont meilleurs
que les leurs.
Devant le tollé suscité par la vente de matériels technologiques "sensibles" par
la société Toshiba aux Soviétiques, les Japonais qui envisageaient de
construire, autour de Mitsubihi Heavy Industries, leur propre chasseur de combat
ont dû renoncer à ce projet et s'associer aux Américains pour la construction du
FSX.
Non seulement des milieux d'extrême droite, mais également de nombreux
membres du Parti libéral-démocrate (PLD) au pouvoir, estiment nécessaire une
révision de la Constitution....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓