Japon (1988-1989): Les conséquences de l'affaire "Recruit" Les premiers jours de 1989 ont vu, avec la mort de l'empereur Hirohito,...
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Japon (1988-1989): Les conséquences de l'affaire "Recruit"
Les premiers jours de 1989 ont vu, avec la mort de l'empereur Hirohito,
s'achever l'un des règnes les plus longs et les plus mouvementés de l'histoire
de cet archipel: soixante-trois années pour l'ère de Shôwa dont l'empereur
défunt porte maintenant le nom.
La lente agonie de l'empereur aura servi, d'une
certaine façon, à détourner un temps l'attention des Japonais d'un scandale
politico-financier, l'affaire Recruit, dans lequel le parti conservateur au
pouvoir (PLD - Parti libéral démocrate) jouait depuis de longs mois le rôle
d'accusé, les partis d'opposition, accusateurs, n'étant pas, à l'exception du
parti communiste, exempts de tout reproche.
Ce scandale de corruption du monde
politique par celui des affaires a entravé la réforme fiscale du Premier
ministre Takeshita Noboru, réforme dont l'un des aspects a été l'introduction
d'une taxe à la consommation sur les biens et les services (TVA) de 3% le 1er
avril 1989 (shôhizei).
A l'origine du scandale, se trouve Ezoe Hiromasa, président de la principale
société de services spécialisée dans les petites annonces.
Celui-ci, avant que
son entreprise ne soit cotée en Bourse, a proposé en 1984 à un certain nombre
d'hommes politiques de leur vendre des actions à 3 000 yens afin de leur
permettre de faire un profit substantiel en les revendant quelques jours après
leur entrée sur le marché boursier à 5 000 yens ou plus.
Le financement des
partis par le monde des affaires dans un pays où la politique n'est rien sans
l'argent est une pratique courante.
On a coutume de dire au Japon que l'argent
et la politique sont des frères siamois.
La démission de Takeshita Noboru
Ce qui a choqué dans cette affaire, c'est d'abord le nombre et la personnalité
des politiciens atteints, la force des dénégations de ces derniers et
l'importance des sommes touchées par quelques-uns.
76 personnes ont été
contactées en 1984, dont Miyazawa Kiichi, ministre des Finances ; Nakasone
Yasuhiro, ancien Premier ministre ; son fils Nakasone Hirofumi, sénateur ; Abe
Shintaro, secrétaire général du parti, gendre de l'ancien Premier ministre Kishi
et en qui chacun voyait le prochain Premier ministre, l'épouse de Abe Shintaro,
Hasegawa Takashi, ministre de la Justice chargé de l'enquête sur l'affaire
Recruit, le vice-ministre de l'Éducation Takaishi Kunio, le vice-ministre du
Travail Kato Takashi...
L'ancien président et grand maître "autoritaire" de la
privatisation de NTT (Nihon Telegraph and Telephon) Shinto Hisashi est également
mêlé à ce scandale.
Enfin, au centre de tous les soupçons, le Premier ministre
lui-même, Takeshita Noboru.
Ezoe Hiromasa, en finançant le PLD et en corrompant des fonctionnaires visait à
devenir homme politique dans le camp conservateur d'une part et à diversifier
son entreprise en pénétrant dans le marché des banques de données d'autre part.
Questionnés, les ministres soupçonnés répondaient très souvent qu'ils "ne se
souvenaient plus exactement" ou bien encore, quand ils ne pouvaient plus reculer
devant l'évidence des faits, que ces indélicatesses étaient dues à leur
secrétaire qui aurait utilisé leur signature à leur insu.
Devant ces pauvres
mensonges et les preuves nouvelles que la presse japonaise distillait presque
quotidiennement, tel un feuilleton, les sondages d'opinion montraient
régulièrement que l'homme de la rue nippon ne se faisait guère d'illusions.
Le
16 avril 1989, quatre jours après qu'il eut enfin reconnu publiquement qu'entre
1985 et 1987, il avait touché de la société Recruit 151 millions de yens (7,5
millions de francs), un sondage de l'agence Kyodo révélait que le Premier
ministre ne recueillait plus le soutien que de 3,9% de la population.
Devant le
refus des partis d'opposition de se joindre au PLD pour voter comme chaque année
le budget en début de session parlementaire, le Premier ministre a dû promettre,
le 25 avril, de démissionner dès que ledit budget serait voté.
Les scandales
politiques au Japon sont bien souvent accompagnés de suicides.
On en a compté
une trentaine depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le "recruitgate",
comme on dit à Tokyo, n'a pas dérogé à ce sombre rituel.
Le lendemain de
l'annonce de la démission du Premier ministre, "l'aide de camp" de celui-ci,
Aoki Hideo, se pendait chez lui.
Il était le secrétaire particulier de Takeshita
depuis sa première élection en 1958.
Le PLD à la recherche d'un "Monsieur Propre"
La plupart des factions du Parti libéral démocrate ont trempé dans l'affaire
Recruit au premier rang desquels les principaux barons.
Certes le président de
l'entreprise, Ezoe Hiromasa, a été arrêté, ainsi que quelques autres à partir du
14 février 1989, mais ceux qui ont corrompu sont-ils plus coupables que ceux qui
se laissent corrompre? Qui pouvait succéder à M.
Takeshita qui ne soit pas mêlé
peu ou prou à aucun scandale?
Pourtant, à l'exception du Parti communiste japonais, les rangs de l'opposition
ne sont pas sans taches dans cette affaire.
Certains députés ont aussi bénéficié
des largesses de Ezoe Hiromasa.
Qu'a donc voulu l'opposition au juste? D'une
part, que l'ancien Premier ministre Nakasone vienne au parlement devant ses
pairs répondre à un certain nombre de questions car, après tout, c'est pendant
qu'il était Premier ministre que toutes ces irrégularités ont eu lieu...
M.
Nakasone a résolument campé dans une attitude hautaine de refus d'obtempérer.
Jusqu'à quand? L'opposition a demandé la dissolution du Parlement et la tenue de
doubles élections en juillet 1988, les conservateurs s'y refusant obstinément.
Pourtant que pouvaient-ils craindre? Certes, les postes de gouverneurs de
Fukuoka (février 1989) et de Miyagi (mars 1989) ont été gagnés par l'opposition,
mais le candidat conservateur ne peut que l'emporter quand il est soutenu par
les autres partis de l'opposition (PS, parti bouddhiste Komeitô, PSD) et qu'il
est opposé au candidat du Parti communiste comme ce fut le cas pour les
élections au poste de gouverneur des préfectures de Chiba et de Nagoya.
Bien des Japonais perplexes se demandent où est la ligne de partage entre
l'opposition et la majorité.
D'un côté, à Tokyo, le Parti socialiste, par la
voix de sa présidente Doi Takako, et les autres partis d'opposition attaquent le
PLD avec virulence, non seulement dans l'affaire Recruit, mais aussi pour sa
politique fiscale, pour sa politique de privatisation...
De l'autre, ces mêmes
partis d'opposition concluent....
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