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Japon (1994-1995): Une société traumatisée Le Japon a connu en 1995 - par ailleurs date du cinquantième anniversaire des bombardements...

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« Japon (1994-1995): Une société traumatisée Le Japon a connu en 1995 - par ailleurs date du cinquantième anniversaire des bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki -, des chocs à répétition qui ont ébranlé nombre de certitudes sur lesquelles le Japon de l'après-guerre avait fait reposer son dynamisme.

Les phénomènes négatifs intervenus pendant ces six mois - séisme à Kobe, hausse du yen, attentat au gaz de la secte Aum, crise politique - ont en effet relevé d'évolutions pas fondamentalement nouvelles, mais ont choqué par leur violence et leur concomitance. Un séisme là où on ne l'attendait pas Mardi 17 janvier 1995 à 5 h 40, un séisme de force 7,2 sur l'échelle de Richter a ravagé plus de 100 hectares d'habitations à Kobe, sixième plus grande ville du pays (1,47 million d'habitants) et deuxième port du Japon.

On a dénombré 5 500 morts, des milliers de blessés et plus de 310 000 personnes sans abri.

Le pays n'avait pas subi une telle catastrophe depuis le grand tremblement de terre de Tokyo survenu le 1er septembre 1923 et qui avait coûté la vie à 142 000 personnes.

Le cataclysme qui a frappé Kobe a fait disparaître en un instant un certain nombre de certitudes, avant tout celle que les constructions japonaises modernes pouvaient résister à de forts séismes.

On en est ensuite venu à douter que les responsables tant politiques qu'administratifs avaient pris toutes les précautions pour intervenir vite et sauver le maximum de personnes.

La réponse tardive du Premier ministre Murayama Tomiichi, le désarroi du préfet Kaihara Toshitami et du maire Sasayama Kazutoshi de Kobe, l'attentisme étrange des forces d'autodéfense, les hésitations voire les refus d'accepter l'aide d'équipes de secours du monde entier ont fait prendre conscience du peu de poids des discours rassurants tenus jusqu'alors. Les pertes pour la ville sont énormes puisque 40% de ses revenus provenaient du port, inutilisable pour sa plus grande partie, qui fournissait en outre 110 000 emplois.

Décès de proches, solitude, abandon, disparition de tous ses biens (3% seulement des habitants de Kobe avaient contracté une assurance immobilière contre les séismes, contre 16% à Tokyo), faillites multiples, impossibilité de rembourser des prêts engagés: la liste des malheurs est longue et de nombreuses personnes ont dû se résoudre à habiter pendant de longs mois sous des tentes ou dans des bâtiments préfabriqués installés un peu partout sur le port, dans les jardins publics ou dans les cours d'écoles. Les experts ont évoqué un délai de trois à quatre ans pour reconstruire la ville, avec un budget représentant 2% à 3% du PNB nippon - certaines estimations prenant en compte les personnes réduites au chômage, les faillites multiples, le manque à gagner de toute une ville tournée vers l'exportation allaient jusqu'à près de 10%. Un séisme n'excluant pas la menace d'un autre et celui de l'île de Sakhaline, le 6 juin 1995, ayant fait 2 000 morts, les avertissements des experts prévoyant un tremblement de terre de force majeure dans la région de Tokyo d'ici 2010 ont été pris très au sérieux.

Si un séisme semblable à celui de Kobe frappait la capitale, les simulations prévoient au moins 150 000 morts, et plus de 2 millions de sans-abri.

Or Tokyo concentre le quart de la population, 82% de l'activité boursière et 60% des grandes entreprises; 32% du PNB provient de cette ville où 50 000 fonctionnaires travaillent dans les administrations centrales.

Un cataclysme important risquerait ainsi de mettre en péril l'économie de tout le Japon.

Le thème de la délocalisation de la capitale a ainsi été remis à l'ordre du jour en 1995. Hausse du yen et concurrence des voisins asiatiques Malgré les demandes insistantes faites par les États-Unis au Japon depuis plusieurs années de réduire le déséquilibre commercial, en exportant moins et en important davantage de produits américains, le déséquilibre s'est encore accusé en 1994.

Le dollar se négociait à environ 100 yens vers la fin 1994 et beaucoup pensaient que cette nouvelle parité serait stable.

Le yen a cependant continué à s'apprécier par rapport à un dollar en effondrement, entre janvier et avril 1995, gagnant jusqu'à 20% de sa valeur de décembre 1994.

A l'inverse, l'indice Nikkei du Kabutocho (Bourse de Tokyo) a considérablement chuté en l'espace de quelques mois. La hausse vertigineuse et accélérée du yen est apparue constituer un grave danger pour une économie japonaise risquant de ne pas pouvoir s'adapter à cette nouvelle donne.

Le ministre des Transports, Kamei Shizuka, a accusé les États-Unis de "laisser filer" volontairement le dollar pour faire tomber le Japon.

Il est vrai que la réunion des ministres des Finances au "sommet" du G-7 à Washington en avril 1995 n'a pas semblé avoir eu une répercussion immédiate sur le taux de change.

Certains ont continué de parler d'un bras de fer nippo-américain et rien n'indiquait que les États-Unis, tenant peut-être là une arme efficace, aient envie d'en changer. En mai 1995, le dollar s'échangeait encore à 83 yens, ce qui était insuffisant pour assurer au Japon un taux de croissance significatif, la main-d'oeuvre et les produits nippons courant le risque d'être pénalisés dans la compétition internationale parce que trop chers.

Tokyo devait donc très rapidement prendre des mesures aux répercussions économiques et sociales énormes. La plus importante de ces mesures a été la délocalisation en Asie de nombreuses entreprises, non seulement des multinationales, mais aussi des PMI (petites et moyennes industries), avec des conséquences immédiates sur l'emploi.

Le taux de chômage officiel était de 3,2% en mai 1995 (2,1 millions de chômeurs, pour 63,8 millions d'actifs).

Au cours de l'année fiscale 1994 (qui s'est terminée fin mars 1995), il n'y aura eu que 64 offres d'emploi pour 100 demandeurs (contre 71 l'année précédente).

La presse s'est fait l'écho des entreprises ayant projeté d'introduire sous peu le salaire au mérite et licenciant leur personnel en sureffectif.

Ainsi un autre grand mythe, celui du "made in Japan", a-t-il commencé de disparaître.

Les entreprises japonaises implantées en Thaïlande ou en Indonésie exportent directement aux États-Unis ou même au Japon (Canon ou le constructeur automobile Hino).

La grande chaîne de magasins Daiei vend sans complexe, pour la plus grande joie du consommateur japonais, tout une gamme de produits asiatiques (réfrigérateurs coréens, chaînes haute-fidélité malaisiennes, lecteurs de CD chinois, et magnétoscopes indonésiens). La stratégie du Japon a toujours été de préserver ses transferts de technologie, au grand dam de ses voisins et concurrents.

Là encore, la hausse du yen a eu des conséquences heureuses pour ces derniers.

Pour abaisser au maximum le coût des produits, les entreprises japonaises sont amenées à délocaliser une part croissante des opérations de production à l'étranger, où des ingénieurs japonais sont envoyés et où l'on forme et recrute de plus en plus d'ingénieurs locaux (29 ingénieurs pour 10 000 personnes en 1990 à Singapour; 40 pour 10 000 en 1992). Ce précieux savoir transféré dans des entreprises chinoises, coréennes ou malaisiennes menace les produits japonais dans le pays même.

Les gérants coréens s'installent au Japon et, connaissant bien le piège que représente la distribution japonaise, vendent directement leurs produits.

De jeunes diplômés japonais de haut niveau, faute de trouver un emploi dans le pays, partent travailler dans un autre pays asiatique.

Des ingénieurs mis à la retraite anticipée se font.... »

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