Japon (1999-2000): Convalescence douloureuse La fin du gouvernement d'Obuchi Keizo, dans des conditions dramatiques, a plongé la politique japonaise dans...
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Japon (1999-2000): Convalescence douloureuse
La fin du gouvernement d'Obuchi Keizo, dans des conditions dramatiques, a plongé
la politique japonaise dans l'incertitude, alors même que la reprise économique
semblait enfin poindre.
Victime d'une embolie cérébrale en avril 2000 (il est
décédé un mois plus tard sans avoir repris connaissance), le Premier ministre
avait mis en œuvre une série de mesures très politiques en tentant de remettre
l'économie japonaise sur la "voie de la reprise".
Dans un environnement financier et social difficile (hausse du chômage et de
l'endettement des ménages), les signes de la reprise économique étaient pourtant
là : redémarrage de la croissance du PIB (2,4 % au premier trimestre 2000) et
des investissements industriels (+ 3,3 %, sur la même période), augmentation des
bénéfices des entreprises (+ 18,8 % prévu pour l'exercice 2000-2001), croissance
des exportations et des investissements directs et explosion de la consommation
de technologies de l'information.
"Le pire est passé pour l'économie japonaise",
pronostiquait mi-juin 2000 le nouveau Premier ministre Mori Yoshiro, tout en
prônant la poursuite jusqu'en 2001 d'une politique monétaire et budgétaire
expansionniste.
L'économie japonaise apparaissait donc en convalescence, mais la politique et la
société suscitaient doutes et interrogations.
Plusieurs déclarations aux relents
nationalistes de Mori Yoshiro, notamment sur le statut divin du Japon, ainsi que
les mensonges du porte-parole du gouvernement, Aoki Mikio, lors de la transition
politique en avril 2000 - il avait prétendu s'être entretenu avec le Premier
ministre sur les modalités de la succession de celui-ci après son
hospitalisation -, ont jeté le discrédit sur les plus hauts dirigeants de
l'État.
La cote de popularité du gouvernement Mori s'est effondrée pour
atteindre un record historique (moins de 20 % d'opinions positives) avant les
élections générales du 25 juin 2000.
Au printemps, une série de crimes commis
par des adolescents, dont le détournement sanglant d'un autobus, ont
profondément choqué une opinion publique s'interrogeant sur les erreurs d'un
système éducatif et d'une société engendrant "de tels monstres".
Éclatement de la coalition conservatrice
En 1999, la coalition dirigée par Obuchi Keizo a tenté de mettre en place les
conditions d'une sortie de crise, esquissant un projet d'ensemble pour "le Japon
du XXIe siècle".
Les conservateurs entendent préserver une partie du système
sociopolitique édifié dans les années cinquante-soixante et mis à mal à partir
de 1992 par la crise économique.
Mais cette mobilisation idéologique se heurte
souvent à la réalité d'une société urbaine plus atomisée et hédoniste, en bref à
un nouveau Japon moins monolithique.
Importance de l'éducation et de la famille, réhabilitation de la nation et de
l'empereur, respect de l'ordre social sont les maîtres mots des dirigeants du
Parti libéral-démocrate (PLD).
Dans cet esprit, des projets de loi controversés
ont été adoptés avec le soutien du Komeito (Nouveau parti de la justice), sous
influence de la secte Soka Gakkai, et du Parti libéral (Jiyuto), rassemblement
de réformateurs et de néoconservateurs, partenaire de la coalition
gouvernementale.
Tant la loi sur les écoutes téléphoniques que celle qui a
officialisé l'hymne national Kimi ga yo, ode à l'empereur, et le drapeau
national (hinomaru), toutes deux adoptées en août 1999, ou celle prévoyant
l'introduction en 2001 d'un système de retraites à l'américaine (par
capitalisation, où la responsabilité des placements incombe aux salariés) ont
brisé la tradition consensuelle qui obligeait jusque-là le gouvernement à tenir
compte des avis de l'opposition non communiste.
Certains y ont vu l'influence
des idées et du style du réformateur libéral Ozawa Ichiro, leader du Parti
libéral.
Mais cette politique ne satisfait pas complètement les attentes des
classes moyennes urbaines, des jeunes et des milieux d'affaires plongés dans un
environnement socioéconomique de plus en plus concurrentiel.
Le nombre de ceux
qui se désintéressent complètement de la politique, les mutohaso ("sans-parti"),
augmente, reflétant un décalage important entre les dirigeants politiques et une
partie de la population.
Au sein des formations politiques, un changement de génération s'opère malgré
tout.
En mai 2000, l'"homme fort" du PLD, Takeshita Noboru, a quitté la scène
politique, entraînant avec lui quelques vieux caciques : c'est toute la
génération de l'après-guerre qui se retirait, comme en a attesté le départ de
Murayama Tomiichi, ancien secrétaire général du Parti socialiste et Premier
ministre en 1994-1996.
La retraite de Takeshita a eu valeur de symbole, puisque
sa faction a "dirigé" le Japon à partir des années quatre-vingt et formé la
plupart des leaders politiques comme Hashimoto Ryutaro, Hata Tsutomu mais aussi
Ozawa Ichiro.
Les dissensions de ce dernier avec le PLD et le Komeito ont provoqué le retrait
du Parti libéral de la coalition et son éclatement début mai 2000.
À la tête
d'une formation divisée, puisque certains ont créé un nouveau Parti conservateur
(Hoshuto) et rejoint le nouveau gouvernement Mori, Ozawa Ichiro semblait de plus
en plus isolé.
Cet échec du trublion de la politique japonaise a permis à
l'opposition réformiste, menée par le Parti démocratique (Minshuto) de Hatoyama
Yukio, élu à la tête de cette formation en septembre 1999, d'incarner le seul
espoir d'alternance face au "système PLD".
Mais malgré une percée dans les grandes agglomérations lors des élections
générales du 25 juin, le Minshuto n'a pas réussi son pari de renverser le
gouvernement Mori.
La coalition PLD-Nouveau parti de la justice-Parti
conservateur a conservé de justesse la majorité (271 sièges sur 480), grâce au
vote des campagnes.
Le PLD a perdu 38 sièges, le Nouveau parti de la justice et
le Parti conservateur 11 chacun.
Le Japon des villes a donc voté massivement
pour l'opposition, le Minshuto devenant le deuxième parti à la Chambre basse
avec 127 sièges (+ 32).
Résultat de tractations difficiles entre courants du
PLD, le deuxième cabinet Mori, formé le 4 juillet 2000, répondait "plus à la
logique des luttes de factions qu'à une logique de compétence", comme l'écrivait
le quotidien Asahi.
Le mythe écorné d'un Japon homogène
Le mythe d'un Japon socialement homogène et
plus en plus ébranlé.
Mutations sociales et
l'apparition d'un Japon "à deux vitesses" :
côté, les laissés-pour-compte, victimes des
soudé économiquement s'est trouvé de
crise économique ont favorisé
les gagnants de l'ouverture d'un
restructurations (cols blancs de
40-50 ans, jeunes diplômés, etc.) de l'autre.
En outre, les régions sont plus exposées que Tokyo, alors que le tissu des PME
(petites et moyennes entreprises) japonaises est atteint de plein fouet par les
politiques de réduction des coûts menées par les grands groupes, comme l'a
montré l'exemple du constructeur automobile Nissan après sa prise de contrôle
par le français Renault.
Dans chaque secteur économique, le fossé se creuse
entre les gagnants de la globalisation (Sony représentant l'exemple le plus
significatif de cette catégorie) et les entreprises....
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