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Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) Les Rêveries du promeneur solitaire, 1782 J'ai pensé quelquefois assez profondément ; mais rarement avec plaisir, presque...

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« Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) Les Rêveries du promeneur solitaire, 1782 J'ai pensé quelquefois assez profondément ; mais rarement avec plaisir, presque toujours contre mon gré et comme par force : la rêverie me délasse et m'amuse, la réflexion me fatigue et m'attriste ; penser fut toujours pour moi une occu­ pation pénible et sans charme.

Quelquefois mes rêveries finissent par la méditation, mais plus souvent mes médita­ tions finissent par la rêverie, et durant ces égarements mon âme erre et plane dans l'univers sur les ailes de l'imagination dans des extases qui passent toute autre jouissance. Tant que je goûtai celle-là dans toute sa pureté, toute autre occupation me fut toujours insipide.

Mais quand, une fois jeté dans la carrière littéraire par des impulsions étran­ gères, je sentis la fatigue du travail d'esprit et l'importunité d'une célébrité malheureuse, je sentis en même temps lan­ guir et s'attiédir mes douces rêveries, et bientôt forcé de m'occuper malgré moi de ma triste situation, je ne pus plus retrouver que bien rarement ces chères extases qui durant cinquante ans m'avaient tenu lieu de fortune et de gloire, et sans autre dépense que celle du temps, m'avaient rendu dans l'oisiveté le plus heureux des mortels. Septième Promenade. SUJETS ET PISTES COMMENTAIRE LITTERAIRE Première partie : 4 points 1.

Relevez et étudiez les adverbes de temps dans la première phrase.

(2 points) 2.

Quel est le temps verbal dominant dans chacun des paragraphes ? Comment expliquez-vous le passage de l'un à l'autre ? (2 points) Deuxième partie : 16 points Vous ferez un commentaire composé de ce texte. ETUDE LITTERAIRE Première partie : 8 points 1.

Dans le premier paragraphe, quels sont les procédés par lesquels Rousseau fait valoir la distinction entre la rêverie de la réflexion? (4 points) 2.

Relevez des reprises de termes entre le premier et le second paragraphe.

(2 points) 3.

Quelle nuance de sens percevez-vous entre « rêverie » au singulier et au pluriel ? Que désigne ce mot, dans le titre et dans le texte ? (2 points) Deuxième partie : 12 points 1.

Quelles sont les caractéristiques de l'autobiographie dans ce texte? (6 points) 2.

Comment Rousseau argumente-t-il en faveur de la rêverie ? (6 points) 1 f· D'ETUDE 85 SUJETS ET • Commentaire littéraire PISTES D'ETUDE 1 Première partie 1 ) Les adverbes de temps dans la première phrase Les adverbes circonstanciels de temps utilisés dans la première phrase expriment tous la fréq uence, mais en opérant une gradation du moins fréquent au plus fréquent : • • • • « rarement» « quelquefois » « (presque) toujours » « toujours » L'adverbe d'intensité « presque» introduit une nuance de degré restrictive par rapport à « toujours », superlatif négatif de« rarement». Les trois premiers adverbes se rapportent à des compléments circonstanciels de manière, caractérisant l'exercice de la réflexion.

Plus le sens de ces compléments est négatif, plus l'adverbe exprime une fréquence importante.

Exemple : « rarement » (fréquence faible) associé à « plaisir » (sens positif) ; « presque toujours » (fréquence élevée) suivi de « contre mon gré» (sens négatif) ». 2 ) Les temps verbaux Le temps dominant du premier paragraphe est le présent à valeur de vérité générale, par le moyen duquel Rousseau établit les caractères distinctifs de la rêverie et de la méditation tels qu'ils se sont révélés à lui par l'expérience.

Le propos est descriptif. Le second paragraphe, narratif, se caractérise par l'emploi du passé simple.

Il rapporte les événements qui ont conduit l'auteur à perdre la jouissance de la rêverie.

D'où l'opposition, temporelle, à la fin du texte, entre le passé simple (présent du passé) et le plus-que-parfait (passé du passé). L'opposition philosophique entre rêverie et réflexion se poursuit dans le second paragraphe, opposition à laquelle 86 SUJETS ET PISTES D ' ETUDE Rousseau ajoute une mise en perspective autobiographique, distinguant le temps heureux de la rêverie et de l'oisiveté de l'époque de la « célébrité malheureuse ». Deuxième partie voir p.

90 • Etude littéraire 1 Première partie 1 J Rêverie et réflexion Rousseau fait valoir la différence entre rêverie et réflexion en opposant tout d'abord ces deux activités, puis en distinguant deux sortes de rêveries. Le contraste entre rêverie et réflexion est nettement marqué par : - des oppositions lexicales : vocabulaire négatif se rapportant à la méditation (« contre mon gré », « par force » , « occupation pénible et sans charme ») ; vocabulaire positif s'attachant à la rêverie ( « extases » ).

On relève une opposition terme à terme dans le parallélisme : « la rêverie me délasse et m'amuse, la réflexion me fatigue et m'attriste » ; - l'usage des adverbes de temps, défavorables à la méditation (voir question 1 du commentaire littéraire) ; - des procédés d'accumulation qui affectent la méditation de qualités négatives : « contre mon gré et comme par force » ; « quelquefois ...

mais » (double restriction). l 1 Puis Rousseau envisage la nuance, après avoir opposé les valeurs propres à la rêverie et à la méditation.

Il distingue ainsi la rêverie imparfaite qui échoue en méditation, de la rêverie accomplie, parfaite.

Le texte mime alors, par la structure de la phrase, le dépassement opéré dans le second type de rêverie : mouvement d'amplitude, superlatif absolu (« des extases qui passent toute autre jouissance » ). 87 SUJETS ET PISTES D'ETUDE - 2 ) Les répétitions Des reprises de termes entre le premier et le second paragraphe assurent une unité de propos.

On retrouve l'opposition méditation /rêverie par l'intermédiaire des termes : • « me fatigue », le verbe, repris sous forme de substantif« la fatigue»; • « par force » / « forcé » ; • le mot « rêveries » ; • « extases ». Mais cette opposition logique,.... »

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