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Jérôme Binde reproche 'aux jeunes un idéal sans ambition, modeste, sans grand dessein, qui se résume aux trois mots «cœur,...

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« Jérôme Binde reproche 'aux jeunes un idéal sans ambition, modeste, sans grand dessein, qui se résume aux trois mots «cœur, chaumière et compte en banque».

Ce souci de tranquillité nie tout esprit d'aventure. Certes, la passion amoureuse constitue à elle seule une aventure si l'on imagine que celle-ci s'accompagne de souffrances, de risques et d'émotions.

Mais il est évident que le contexte fait référence à un sentiment plus paisible et presque douceâtre, bien éloigné de l'errant qui, dans sa course, ne s'attache rJas longtemps.

Au reste, le voyageur est souvent solitaire.

Toute une tradition historique, littéraire et culturelle fait de la femme l'antidote de l'aventure qui est surtout un monde d'hommes.

Qu'on pense simplement à la place jdes femmes dans le western : elles n'interviennent généralement qu'à la fin pour stabiliser le héros.

S'il existe des aventurières, elles vivent généralement des amours malheureuses. La chaumière évoque davantage encore l'implantation dans un lieu bien défini.

En outre, le monde rural suppose l'enracinement dans une terre.

Tout cela exclut le voyage, l'évasion fortement liés à l'aventure.

La maison protège et écarte les risques.

Si l'on veut actualiser le sujet, on dira même que l'accession à la propriété assure contre l'insécurité! Par ailleurs, la modestie du projet contredit l'ambition un peu vague de celui qui part et quitte tout. Enfin, le «compte en banque», par l'intermédiaire de l'argent, représente aussi la sécurité.

Il est vrai que l'aventurier, sans le sou, recherche la fortune.

Chercheurs d'or, pirates, explorateurs parfois, connaissent cette fièvre.

Mais elle n'est plus de notre temps.

Et l'auteur ne pense certainement pas à l'acquisition brutale et souvent illégale de sommes considérables, il parle de biens qui mettent simplement à l'abri des vicissitudes de la vie.

Il permet la meilleure intégration sociale et non la marginalisation. Après avoir défini cet «idéal», après avoir montré comment il est incompatible avec l'esprit aventureux, nous pouvons nous interroger sur ses motivations. — La première interprétation consisterait à dire que la jeunesse choisit la sécurité par dépit : l'aventure est devenue impossible.

Le temps des grandes découvertes, des explorations est passé.

La terre est connue et n'offre plus de visage nouveau.

Les reportages accentuent cette impression. De plus, le monde contemporain s'insère dans tout un réseau de réglementations.

Tout en imposant un ordre plus despotique, le passé laissait une grande marge d'action aux individus.

Les moyens de contrôle efficaces découragent l'apprenti aventurier qui pense ne pouvoir échapper aux fiches, aux législations. Il resterait peut-être de se consacrer à la société dans laquelle on vit.

Nous avons vu que l'argent est un des mobiles qui animent l'aventurier.

Mais il en existait d'autres sortes, ceux qu'on appelle les bâtisseurs d'empire, ceux que définissent par exemple Balzac avec le baron de Nucingen et Zola avec Octave Mouret.

Mais cette sorte d'ambition est fortement dépréciée.

Car tout un courant fait de l'argent un motif vil.

Si on l'accepte comme souci personnel, comme compte en banque, on refuse d'en faire la valeur suprême.

Une société bloquée sur ses acquisitions ne voit pas en Rastignac son modèle. Ajoutons d'ailleurs — et ce serait, en apparence, contredire la citation de Jérôme Binde — que des aspirations généreuses refusent complètement la suprématie de l'argent et que la jeunesse se retrouve peut-être sur ce point.

Mais le pessimisme serait alors total : les jeunes accepteraient un principe qu'ils réprouvent moralement simplement parce qu'ils savent que l'on ne peut rien faire sans argent.

(Voir la citation d'Emile Zola.) — Une deuxième interprétation justifierait le choix supposé de la sécurité pour des 'raisons différentes : en effet, si le monde contemporain élimine l'aventure, au sens traditionnel du terme, il n'en est pas pour autant paisible.

Toutes sortes d'éléments créent une impression d'instabilité, d'incertitude.

Par la «chaumière et le compte en banque» la jeunesse manifesterait alors le souci de se préserver des différents remous de l'époque.

De plus, on met souvent en cause l'anonymat, les relations froides et distendues de la société moderne.

L'appel au sentiment stable correspondrait alors à un profond besoin d'affection, de chaleur humaine. En allant plus loin, on peut dire aussi que des hommes comme Rimbaud, que les héros de Cendrars refusent le monde dans lequel ils vivent.

Ne peut-on envisager que l'idéal des jeunes s'explique aussi parce qu'ils se satisfont de leur environnement.

Jérôme Binde y voit le signe d'un esprit étroit, d'une démission; on peut l'interpréter comme un succès de la société. Il reste à se demander pourquoi cet idéal demeure «secret».

La critique du monde adulte, la contestation sont profondément ancrées dans la jeunesse.

Se rallier aux idéaux précités représente une sorte de capitulation que l'on n'ose avouer.

On affiche donc le goût.... »

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