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Jusqu’à la fin de sa vie, Paul Verlaine s’est défendu d’avoir composé avec son « Art poétique » un manifeste...

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« Jusqu’à la fin de sa vie, Paul Verlaine s’est défendu d’avoir composé avec son « Art poétique » un manifeste ou une définition du travail poétique.

En effet, le groupe complément « avant toute chose » exclut la possibilité d’une affiliation pure et simple du poème au genre musicale qui l’engloberait.

Toutefois, quiconque a jamais éprouvé une émotion d’ordre artistique en écoutant une composition musicale et une oeuvre poétique, ne peut que reconnaître la similitude des effets produits sur le spectateur, et ce faisant des forces mises en jeu par les deux pratiques.

Il importe donc d’explorer les points d’échanges possibles entre le musicien et le poète, si possible jusqu’à déterminer un point où les différences entre l’un et l’autre s’abolissent et perdent leur sens. I Le poème comme composition musicale _ La poésie et la musique trouvent une origine commune dans le chant, sans que le texte ne soit dissocié de sa récitation mélodique avant la fin de l’antiquité.

L’écriture poétique, telle qu’elle est pratique de nos jours ne se distingue du chant qu’en ce qu’elle conserve le tracé de son mouvement musical.

En ce sens, on pourrait définir le poème écrit comme un solfège qui s’attacherait d’avantage à lier l’articulation des sons que leur tonalité, quoique les expériences de couplage d’une partition et d’un texte soient nombreuses : le recours à la chanson dans le théâtre de Shakespeare, la collaboration du poète Hofmannsthal et Richard Strauss pour l’opéra Ariane à Naxos, les poèmes de Robert Desnos écrit avec des notes de musique (« Do-do-la-mi-ut-ré »), les innombrables reprises d’Aragon dans la chanson populaire... _ Ainsi envisagée, l’ambition poétique du symbolisme fait figure de retour au sources, et explique jusqu’à un certain point l’engouement du mouvement pour la poésie saphique, en particulier chez Verlaine.

Toutefois, la déclaration « De la musique avant toute chose » ne se contente pas d’énoncer un état de fait ; le projet verlainien ne se contente pas de révéler une fonction musicale du langage, mais d’en être le créateur.

Le poète se doit donc de débarrasser son chant de toutes les scories dont le langage courant est parasité, et que ce dernier désigne dans ce même poème comme « la pointe assassine, l’esprit cruel et le rire impur ».

Corollairement à cette exclusion, le poème se met lui-même en abyme, puisqu’il énumère les procédés à partir duquel il est construit (« Et pour cela préfère l’impair / Plus vague et plus soluble dans l’air / Sans rien en lui qui pèse ou qui pose »). II « Et tout le reste est littérature » _ Le dernier vers de l’ « Art poétique », bien plus radical que son ouverture, renvoie donc les éléments atones du langage à un univers purement littéraire, auquel la poétique ne se doit qu’en tant que construction linguistique, comme le musicien se sert des instruments que son époque lui propose.

Il convient donc de s’interroger sur la part non musicale de la restitution textuelle d’une voix.

La pensée classique se montre particulièrement prodigue en réflexions sur les procédés d’écritures, notamment Boileau.

Son Art poétique, auquel répond implicitement celui de Verlaine, prône la mise en place de procédés d’écriture poétique culturellement définis.

Si l’on admet la valeur d’une écriture telle que celle de Racine, force est de constater que la poésie gagne une virtuosité incomparable à développer des règles d’écriture.

Celles-ci apparaissent nécessaire, et même préalable à la possibilité du vague, puisque l’entreprise verlainienne de brouillage du langage commun n’est possible qu’à partir de sa détermination, qui lui est préalable. _ On peut donc opposer au principe musical.... »

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