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Kant: Liberté d'expre&&ion et Libe_rté de pe_n&ée À la liberté de pen6_er 6'oppo6e, en premier lieu, la contrainte civile. On...

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« Kant: Liberté d'expre&&ion et Libe_rté de pe_n&ée À la liberté de pen6_er 6'oppo6e, en premier lieu, la contrainte civile.

On dit, il e6t vrai, que la liberté de parler ou d'écrire peut nou6 êtr� ôtée par une puiMance 6Upérieure, mai6 non pa6 la Libert� de pen6er, Mai6 pen6erion6-nou6 beaucoup,_ et pen6erion6-nou6 bien, 6i nou6.

ne pen5 6ion6 pa6 pour ain6i dire en commun avec d'autre6, qui nou6 ùont part de leun pen6éea et auxquel6 nou6 communiquQn6 le6 nôtre6 ? Au66i bien, l'on peut dire que cette putMance extérieure qui enlève aux homme6 la liberté de communiq'Ller publiquement leur6 pen6ée6, leur ôte également la liberté- de �en6er - l'unique tré�or qui nou6 re6te encore en 10 dépit de to7J,te6 l�.6 c_hargeo civile6__ et qui peut 6eul apporter un remède à tou6 le6 mau,x qui 6'attachent à cette condition. en ùcond lieu, la liberté de pen6er e6t pri6e au 6en6 où elle f qppo6e à la contrainte exercée 6Ur la conocience.

C'e6t là ce qui 6_e paMe lor6qu'en matière de religion en dehor6 de toute contrainte externe, de6 citoyen6 15 6e pp6ent en tuteur6 à l'égard d'autre6 citoyen6 et que, au lieu de donner de6 argument6, il6 6'entendent, au moyen de ùormule6 de ùoi obligatoire6 et en in6pirant la crainte poignante du danger d'une recherche penon­ nelle, à bannir tout examen de la rai6on grâce à l'impreMion produite à temp6 6Ur le6 e6prit6. 20 en troi6ième lieu, la liberté de pen6er 6igniùie que la rai6on ne 6e 6oumette à aucune autre loi que celle qu'elle 6e donne à elle-même.

E:t 6on contraire e6t la maxime d'un U6age 6an6 loi de la rai60n = aùin, comme le génie en ùait le rêve, de voir plu6 loin qu'en re6tant dan6 le6 limite6 de 6e6 loi6.

Il 6'en6uit comme, naturelle con6équence que, 6i la 25 rai6on ne veut point être 6oumi6e à la loi qu'elle 6e donne à elle-même, il ùaut qu'elle 6'incline 60U6 le joug de6 loi6 qu'un autre lui donne; car 6an6 la moindre loi, rien, pa6 même la plu6 grande ab6urdité, ne pour­ rait 6e maintenir; bien longtemp6. KANT, Qu'e.st-ce que 6'orienter-dan6 la pen6_ée? Rien ne semble s'opposer à l'entière liberté intérieu_re de la pensée: ne sommes­ nous pas immédiatement maîtres de nos pens_ées en notre for-intérieur, sans que rien ne nous contraigne à penser ceci pll!tôt que cela? 1outefois, cette apparente_ facilité à maîtriser notre pensée peut être remise en question: cro½ant p�nser: de façon u_niv�rselle,, nous - n'affirmo_ns souvent que la particularité fun� opinion; _ ç_royant_�enser; de façon p_ersonnelle, nous répéto_ns_ en fait ce qu· on a toujour� dit q_utour d_e nous;.un� pensée que_ r:ious_ croyions profontj_�.s:é!,vère n'être que l� frl,Jit de notre illogisme.

Nous soupçonnons alors que bien des contraintes s'exercent à notre insu sur ce qui se présente d'abord comme non contraint: la pensée. Le problème se pose donc de savOir si la liberté de la pensée est immédiate, comme il le semble au premier abord, ou bien si elle est à conquérir sans trêve par un difficile travail de libération.

Nous sommes donc amenés à questionner l'essence de la pensée et l'essence de la liberté: qu'est ce que penser? Peut-on envisager une liberté de la pensée autrement que conquise contre ce qui lui_ fait obstacle? Kant ici montre que penser est un travail de libération: la liberté de la pensée est à conquérir contre trois obstacles: les États qui ne permettent pas un libre usage public de la parole et de l'écriture ; notre propre paresse et lâcheté qui mettent notre pensée sous tutelle; notre étourderie qui nous fait confondre penser et divaguer.

On peut déjà mesurer les enjeux d'un tel texte : il nous apprend que penser est tout autre chose qu'avoir des opinions; qu'il n'y a pas de liberté sans effort de libération ; que ce qui est à l'horizon d'un tel effort, c· est notre dignité d'homme, qui nous impose d'être vigilants en face de toutes les entreprises déshumanisantes. Il y a ainsi, selon Kant, trois obstacles à surmonter : la contrainte de la censure que certains Etats imposent par la force [l.

1 à 11]; la contrainte à laquelle nous consentons : celle des tutelles qui nous dispensent du travail et du risque de penser [l.

12 à 19] ; et, paradoxalement, le refus de la seule contrainte qui serait libératrice: celle des lois de la raison [l.

20 à 28]. Que la censure d'un État totalitaire empêche la liberté de la pensée en entravant la liberté d'expression, voilà qui n'a rien d'évident pour les contemporains de Kant: il lui faut argumenter pour les convaincre [l.

1 à 11]. Kant [l.

1] rappelle en effet fermement à ses contemporains '[nous sommes en 1786, trois ans avant la première Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont l'article 11, précisément, affirme la liberté d" expression et de presse comme un droit] que la Libert� spirituelle a des conditions politiques.

Voici ce qu'il entend « déclarer», au sens de « rendre clair», de faire venir à la conscience ce qui n'était alors que confusément ressenti: la première [« en premier lieu»] contrainte à la liberté de la pensée est celle qu'exerce la censure de l'État.

La première urgence, donc, est de combattre un tel État, si on veut se donner quelque chance de; penser librement.

Que la contrainte s· oppose à la liberté ne nous étonne pas: @ la contrainte est une force qui s'impose à un être pour l'entraver et l'empêcher d'agir selon sa nature propre, son initiative propre, sa spontanéité.

Ce qui nous étonne davantage, c· est qu'une force extérieure - la force publique de l'État qui censure - puisse faire à ce point obstacle à ce qui semble d'ordre si intérieur, si privé: la pensée. Il est en effet une croyance très répandue (« on dit», l.

1 à 3] qui consiste à faire de la pensée une affaire strictement privée.

Croyance, il est vrai, qui semble pou­ voir s'autoriser de certaines affirmations stoïciennes.

Ainsi Épictète posait que même le tyran ne peut rien contre celui qui a, par la fermeté de son jugement, pleine maîtrise intérieure sur sa pensée: impuissance du tyran qui ne peut tuer la pensée libre qu· en tuant le libre penseur ! Cette croyance semble aussi pouvoir s'autoriser de la distinction que fait Spinoza, ici reprise par Kant, entre la liberté de penser et la liberté d'agir.

Ainsi la«liberté de parler et d'écrire» serait de l'or­ dre de l'action, que la loi et la force civiles ont pouvoir d'entraver.

Au contraire, la «liberté de penser» en sa pure intériorité échapperait par nature à l'emprise de la contrainte civile, qui n'a de pouvoir que sur les actions.

Il faudrait donc distinguer entre ce que peut l'État [empêcher la libre communication extérieure des pensées) et ce qu'il ne peut pas [empêcher la liberté intérieure de la pensée). Il faut voir toutefois [l.3 à 6) que cette croyance repose sur une cécité à propos de l'essence de la pensée, et à propos de l'essence de la communication.

Communiquer, en effet, ce n'est pas transmettre une pensée déjà toute constituée, c· est mettre en commun nos efforts pour constituer ensemble une pensée, comme l'a montré Socrate.

Penser, c· est donc dialoguer, inventer les questions propres à susciter des réponses, elles-mêmes à interroger de nouveau, à examiner.

C'est donc un travail qu'on n'a pas, d'abord, la force de faire seul: c'est le dialogue avec l'autre qui forme à ce dialogue avec soi qu'est la pensée.

Et si la contrainte extérieure d'un État n'a pas le pouvoir d'entraver la liberté d'une pensée qui serait déjà libre, elle peut en revanche empêcher la pensée de se constituer, en la privant de la possibilité du dialogue.

Il faut en effet« penser en commun avec d'autres», pour penser«beaucoup»: sans cet échange, chacun est limité à ses premières pensées, qui sont d'ailleurs des opinions plus que des pensées, faute d'être développées, examinées, confrontées avec d'autres pensées.

Car on ne penserait pas non plus «bien» sans penser en commun avec d'autres : bien penser, c'est bien juger, en s'efforçant de juger en se mettant à la place de tout autre.

Il n'y a de pensée qu'à vocation universelle.

Or, en me privant du droit de penser en commun avec d'autres, un État qui censure la liberté d'expression me condamne à être borné, à rester enfermé dans une perspective particulière, jamais questionnée. Privée de sa dimension d'universalité, ma pensée reste esclave des conditions subjectives du jugement. Une fois que l'on a saisi ce qu'est penser et ce qu'est communiquer, on ne peut donc [l.

6 à 9) que reconnaître le bien-fondé de la position kantienne : si penser, c'est penser en commun avec d'autres, en s'efforçant de juger d'un point de vue universel, impossible de penser vraiment dans un État dictatorial qui empêche la libre communication des opinions et des pensées.

Comment en effet dépasser l'opinion elle-même par l'effort de penser, si pn ne la laisse pas d'abord s· exprimer? Comme le montrera fortement H.

Arendt, «sans une vie publique politiquement garantie», qui nous protège de la tyr�nnie politique, aucune liberté intérieure de la pensée n'est vraiment possible, car avant d'être un attribut de la pensée, la liberté est le statut de l'homme politiquement libre.

La liberté intérieure elle aussi est affaire publique, et ne peut pas prendre son essor si on en reste à l'intimité des rapports privés: on ne peut faire l'économie d'une éducation au libre jugement, par une éducation publique. Cette Liberté de la pensée, que seule garantit la république, est ce qu'il y a de plus précieux aux yeux de Kant (l.

9 à 11 ].

Elle est qualifiée d'« unique trésor».: si la pensée constitue la spécificité de l'homme et fait toute sa grandeur, une pensée libre est pour lui le seul vrai bien, celui qui constitue son être même d'homme, par opposition aux rôles extérieurs qu'il doit jouer, par opposition aux faux biens relatifs à l'avoir, au pouvoir et au paraître.

Cette liberté intérieure, valeur suprême, est aussi l'unique« remède» à tous les maux nés des faux prestiges de l'avoir, du pouvoir et du paraître.

Ici, les accents sont rousseauistes : avec la condition sociale et civile, apparaissent l'amour-propre, l'ambition, le mal que les hommes se font mutuellement en entrant ainsi en compétition pour l'avoir, le pouvoir et le paraître ..

Seule une pensée libre peut guérir de ces maux. Si cette.... »

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