La comédie au xv111e siècle À l'image de la société française, le genre de la comédie évolue au xvme siècle....
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La comédie
au xv111e siècle
À l'image de la société française, le genre de la comédie évolue au
xvme siècle.
Quelques auteurs comiques continuent certes de suivre
les traces de Molière, mort en 16731.
Les plus talentueux cherchent
toutefois à explorer des voies nouvelles : c'est le cas, dans la pre
mière moitié du siècle, de Marivau❖ (1688-1763) et, dans la seconde
moitié, de Beaumarchais (1732-1799).
MARIVAUX
1720 : Arlequin poli par l'amour
1730: Le Jeu de l'amour
etdu hasard
1722: La Surprise de l'amour
1732: Le Triomphe de l'amour
1723: La Double Inconstance
1737: Les Fausses Confidences
1725 : !:lie des esclaves
ILa « surprise de l'amour >>
« J'ai guetté dans le cœur humain toutes les niches différentes où
peut se cacher l'amour lorsqu'il craint de se montrer, et chacune de
mes comédies a pour objet de le faire sortir d'une de ces niches »,
disait Marivaux2.
De là vient parfois l'impression que toutes ses comédies se res
semblent parce que, fondamentalement, elles sont construites sur le
même ressort.
Leur originalité n'en est pas moins réelle.
1.
Regnard (1655-1709), Dancourt (1661-1725) ou Piron (1689-1773) adoptent avec plus
ou moins de bonheur les procédés du théâtre de Molière.
2.
Texte cité par d'Alembert dans son Éloge de Marivaux.
1Un nouveau ressort comique
Dans les comédies de ses prédécesseurs, les obstacles que rencontre la passion sont extérieurs aux jeunes gens qui s'aiment : il
s'agit le plus souvent, chez Molière, par exemple, de l'opposition
d'un des deux parents au mariage de son fils ou de sa fille.
Chez Marivaux, au contraire, point d'interdit moral, ni d'opposition
familiale.
D'extérieur, l'obstacle devient intérieur.
Les personnages
doivent lutter contre eux-mêmes.
Par timidité, par crainte de n'être
pas aimés pour ce qu'ils sont, par amour-propre ou parce qu'ils ont
été blessés lors d'une précédente expérience sentimentale, ils ne
veulent ni reconnaître publiquement ni s'avouer à eux-mêmes qu'ils
sont amoureux.
L'action des comédies de Marivaux se déroule dans cette période
de trouble, d'émoi, où le héros aime, sans encore le savoir, où il
découvre qu'il aime et où il finit par se laisser porter par sa passion.
Pour s'imposer, l'amour doit donc ruser avec la raison, avec la fierté,
que le personnage appelle à SOI') secours.
Les Fausses Confidences
Dorante, jeune bourgeois ruiné, s'est secrètement épris
d'Araminte, veuve d'un riche financier.
Grâce à Dubois, son ancien
valet passé au service d'Araminte, il obtient chez celle-ci un poste
d'intendant.
Dubois se fait fort de faire aimer Dorante par Araminte.
Par de « fausses confidences
»
savamment distillées, par des lettres
judicieusement perdues, par une subtile manipulation des sentiments d'Araminte, il parvient en effet à ses fins.
Le mariage aura lieu.
Un nouveau personnage :
le valet « meneur de jeu »
Dans la découverte de soi qu'effectue le personnage, les valets
jouent souvent un rôle essentiel, parce que ce sont eux qui connaissent le mieux leurs maîtres.
Ils les obligent à regarder la vérité en
face.
Ainsi, dans Les Fausses Confidences, Dubois se révèle-t-il un valet
stratège.
Obtenir qu'Araminte épouse Dorante n'est pas une tâche
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LA
COMÉDIE
aisée.
Dubois ne doute pourtant pas de sa réussite.
Comme il le dit
à Dorante ·
Je m'en charge, je le veux, je l'ai mis là [dans ma tête] ; nous
sommes convenus de toutes nos actions ; toutes nos mesures sont
prises ; je connais l'humeur de ma maîtresse ; je sais votre mérite,
je sais mes talents,je vous conduis; et on [Araminte] vous aimera
toute raisonnable qùon est; on vous épousera toute fière qu'on est;
et on vous enrichira tout ruiné que vous êtes3.
La mission de Flaminia, dans La Double Inconstance, est encore
plus ardue.
En effet, il lui faut détacher sentimentalement Arlequin de
Silvia et faire que Silvia aime le Prince, c'est-à-dire provoquer la fin
d'un amour pour susciter la naissance d'une nouvelle passion.
Flaminia y parviendra.
IUn plaisir de l'esprit
Les comédies de Marivaux engendrent un comique très particulier.
C'est rarement un rire franc, mais bien plutôt un sourire.
Informé des
intentions du valet meneur de jeu, le spectateur se trouve en position
de supériorité par rapport aux personnages manipulés : il sait ce que
ceux-ci ne savent pas.
Aussi s'amuse-t-il des réactions de ces
amoureux qui n'osent pas encore se dire qu'ils s'aiment.
Sur le fond,
de telles aventures et machinations pourraient inquiéter.
Mais
comme tout se termine heureusement par un mariage, rien ne vient
assombrir l'atmosphère de la pièce.
1Comique et langage
Chez Marivaux, le comique est lié à l'utilisation du langage comme
moyen d'investigation psychologique.
Dans ses comédies, les
paroles disent plus qu'on ne le souhaite.
Elles dévoilent des sentiments profonds, qui n'ont pas encore émergé à la conscience claire.
Elles trahissent des réactions spontanées.
Elles anticipent sur le
comportement.
3.
Les Fausses Confidences, I, 2.
Sur le rôle des valets dans la comédie du xvm• siècle,
on pourra consulter le Profil n° 231, Maîtres et valets dans la comédie du XVJJ/8 siècle.
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Dans La Double Inconstance, par exemple, Silvia promet et se
promet de toujours demeurer fidèle à Arlequin, auquel elle est fiancée.
Mais elle n'est pas insensible au charme d'un « officier du
palais » (le Prince, en réalité) ; elle avoue naïvement : « C'est dommage que je n'aie pu l'aimer dans le fond
»
(Il, 1).
Silvia ne se rend pas compte que ce qu'elle dit sur le mode du regret
révèle en fait un espoir, qu'elle n'ose pas encore formuler.
Le spectateur; lui, a déjà compris.
La naïveté de Silvia ne peut que le divertir.
Cette utilisation particulière du langage constitue l'essentiel de ce
qu'on appelle le marivaudage.
BEAUMARCHAIS
Le Barbier de Séville (1775) et Le Mariage de Figaro (1784) sont les
comédies les plus célèbres de Beaumarchais.
1Le retour de la comédie d'intrigue
Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro renouent avec la
comédie....
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