La communication représente un nouvel horizon des utopies totalisantes, prenant le relais du « progrès sans fin » Where conquest...
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La communication représente un nouvel horizon des utopies totalisantes, prenant
le relais du « progrès sans fin »
Where conquest has failed, business can succeed » : telle est la profession de
foi de la nouvelle élite mondiale.
Tout en s’affichant ouvertement apolitique,
l’auto-nommée Global Business Class se veut, sur fond de dérégulation et de
privatisation, une « sorte de conscience sociale globale» colportant la croyance
eschatologique en l’avènement de l’ultime phase de l’histoire de l’humanité : la
société de communication.
Le mariage des imaginaires de la communication et du progrès n’est, certes, pas
une nouveauté.
Il est à la source même du projet universaliste de la modernité
occidentale et a cheminé de concert avec la représentation d’un monde en
mouvement, susceptible de perfectibilité, et avec le déclin des certitudes sur
les cycles temporels et la répétition des événements.
Religare : n’est-ce pas
ainsi que les réformateurs utopistes du XIXe siècle envisageaient la fonction «
progressiste » dévolue aux réseaux de communication, consacrés « agents de
civilisation » ? À l’instar de la religion, ces réseaux reliaient les nations et
les individus entre eux.
Pour les premiers idéologues du libre-échange, ce lien
social devait permettre le plein exercice de la nouvelle division internationale
du travail.
Pour les précurseurs du socialisme, il était le vecteur de l’«
association universelle » de l’humanité.
Les uns et les autres croyaient que les
réseaux conjureraient définitivement le spectre de la guerre, libéreraient les
forces du progrès et rapprocheraient ainsi le genre humain de l’idéal de bonheur
auquel il était prédestiné.
Tributaire de la conception chère aux Lumières de
l’échange comme créateur de valeurs, la vision prophétique des dispositifs de la
communication s’est renouvelée au gré des générations techniques.
De la
communication à longue distance à Internet, chaque nouveau vecteur a porté
l’espoir de retrouvailles avec l’âge d’or de l’abondance pour tous et d’une
agora élargie à l’échelle du monde.
Une utopie aux fondements ultralibéraux
Depuis le milieu des années 1980, la techno-utopie d’une modernité sans projet a
balayé le rêve émancipateur d’un projet de modernité fondé sur le désir d’en
finir avec les inégalités et les injustices.
La pensée gestionnaire incite
d’ailleurs ouvertement à croire que cet idéal est révolu.
Lorsqu’il a proposé en
mars 1994 à la « grande famille humaine » son projet d’autoroutes de
l’information ou Global Information Infrastructure, le vice-président des
États-Unis Albert Gore a bien fait miroiter les vertus de la « conversation
globale » que ce réseau des réseaux devrait, selon lui, permettre : étendre
l’idéal démocratique athénien à l’ensemble de la planète tout en sortant les
peuples démunis de leur « sous-développement ».
Mais, en même temps, il a
lourdement insisté sur la condition sine qua non de la réussite de cette
prothèse de salut : que les États ouvrent totalement leur marché des
télécommunications aux entreprises privées.
En sacrifiant au culte de la communication, le nouveau libéralisme a, par le
truchement de son déterminisme technique, donné un nouveau souffle à la
conception déterministe des « forces du marché ».
Or, de toute évidence, les
modalités d’implantation des technologies creusent les écarts, engendrent de
nouvelles hiérarchies et exclusions, au point que certains analystes parlent à
bon droit de « techno-apartheid ».
Les prétentions hégémoniques de la pensée unique
Cette religion de la communication reconduit l’idéologie diffusionniste de la
modernisation trimbalée par la vieille religion du progrès.
Point de salut pour
les damnés de la Terre hors le modèle occidental.
Dans un ouvrage sur la Société
post-capitaliste, forme qu’est appelée, selon lui, à prendre la société de
l’information, le gourou de la doctrine managériale Peter Drucker n’affirme-t-il
pas sans ambages que « l’homme instruit de demain devra s’attendre à vivre dans
un monde globalisé, qui sera un monde occidentalisé » ? On en oublierait presque
le dramatique fiasco enregistré par l’idéologie du développement [voir « Aux
déconvenues suscitées par l’idéologie développementiste ont succédé de nouveaux
credo »] comme progrès unilinéaire dans les années 1970, pour cause de négation
des particularités culturelles et historiques ! Et pour réaliser cette société
présentée comme « libre de frictions », Drucker exhorte les intellectuels à
souscrire l’alliance avec les managers.
Le géopoliticien....
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