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[La conversion du héros] (chapitre premier) 5 10 15 20 25 Uimpitoyable bailli, qui ne pouvait réprimer sa fureur de...

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« [La conversion du héros] (chapitre premier) 5 10 15 20 25 Uimpitoyable bailli, qui ne pouvait réprimer sa fureur de questionner, poussa enfin la curiosité jusqu'à s'informer de quelle religion était M.

le Huron; s'il avait choisi la religion anglicane, ou la gallicane, ou la huguenote.

« Je suis de ma religion, dit-il, comme vous de la vôtre.

- Hélas! s'écria la Kerkabon, je vois bien que ces malheureux Anglais n'ont pas seulement songé àle baptiser.

- Eh! mon Dieu!disait Mlle de Saint-Yves, comment se fait-il que les Hurons ne soient pas catholiques? Est-ce que les révérends pères jésuites ne les ont pas tous convertis? » L'ingénu l'assura que dans son pays on ne convertissait personne; que jamais un vrai Huron n'avait changé d'opinion, et que même il n'y avait point dans sa langue de terme qui signifiât inconstance.

Ces derniers mots plurent extrêmement àMD- de Saint-Yves. « Nous le baptiserons! nous le baptiserons! disait la Kerka.bon à M.

le prieur.

Vous en aurez l'honneur, mon cher frère; je veux absolument être sa marraine; M.

l'abbé de Saint-Yves le présentera sur les fonts; ce sera une cérémonie bien brillante; il en sera parlé dans toute la Basse-Bretagne et cela nous fera un honneur infini.

» Toute la compagnie seconda la maîtresse de la maison : tous les convives criaient:« Nous le baptiserons!» L'ingénu répondit qu'en Angleterre on laissait vivre les gens à leur fantaisie; il témoigna que la proposition ne lui plaisait point du tout, et que la loi des Hurons valait, pour le moins, la loi des Bas-Bretons; enfin il dit qu'il repartait le lendemain.

On acheva de vider sa bouteille d'eau des Barbades, et chacun s'alla coucher. T INTRODUCTION 1Situer le passage Cette fin du premier chapitre du conte complète la caractérisation psychologique des personnages bretons et lance l'action.

En décidant de baptiser l'ingénu, la petite société engage un processus qui a des répercussions événementielles, psychologiques et philosophiques. 1Dégager des axes de lecture Voltaire présente ici le premier souper philosophique (➔ PROBLÉMATIQUE 5, p.

63).

Ce mode de présentation argumentatif permet de transcrire un échange d'idées, donc de varier les points de vue tout en respectant les codes de la narration, de creuser le caractère de chacun et de dessiner les jeux d'opposition et de conciliation.

Il permet aussi de privilégier un ensemble d'idées, ici le plaidoyer en faveur de la liberté de pensée revendiquée par l'ingénu. PREMIER AXE DE LECTURE RESTITUER UN ÉCHANGE ORAL VIF 1L'alternance des discours Le choix de Voltaire de présenter un débat d'idées suivant le principe du dialogue philosophique ne le conduit pas pour autant à rendre l'ensemble des paroles, ce qui serait trop long et manquerait ~ de dynamisme.

Il utilise tous les modes de restitution de la parole : f style direct, indirect, indirect libre et narration.

Les échanges directs se caractérisent par des répliques précédées de guillemets et de tirets.

Ils contiennent généralement une proposition incise qui précise l'intonation du personnage (« s'écria la Kerkabon », 1.

5-6). Nombreuses sont par ailleurs les propositions exclamatives dans l'extrait(« Nous le baptiserons!» 1.

15) ou interrogatives(«[•..] comment se fait-il que les Hurons ne soient pas catholiques? » 1.

8-9). LECTURES ANALYTIQUES 101 Le style direct, reconnaissable également aux jeux des pronoms, des temps verbaux et des démo~stratifs, est relayé par le style indirect qui résume les paroles du personnage et les inclut dans la narration, ce qui permet de fondre discours et récit.

Ainsi la série de répliques rapportées du Huron : « L'ingénu répondit qu'en Angleterre [...], il témoigna que[...]; enfin il dit qu'il[...]» Q.

22 à 26).

Le style indirect libre se situe entre les deux types de discours précédents : plus ou moins annoncé par un verbe de parole, par une conjonction (« que » ou « si »), il garde les termes et les tours employés par l'interlocuteur, comme dans l'interrogative indirecte du bailli (« s'il avait choisi la religion anglicane, ou la gallicane, ou la huguenote », 1.

3-4) ou la réponse de l'ingénu mise en valeur par l'italique (« et que même il n'y avait point dans sa langue de terme qui signifiât inconstance », 1.

12-13). Le génie de Voltaire consiste évidemment à mêler ces différents styles dans un souci de variété, de mouvement et de commentaire, comme lorsqu'il fait précéder les questions du bailli d'une double caractérisation psychologique (« L'impitoyable bailli, qui ne pouvait réprimer sa fureur de questionner[.•.]», I.

1-2) et l'italique que relève Ml'• de Saint-Yves:« Ces derniers mots plurent extrê- mement à M"• de Saint-Yves» (1.

13-14). 1Le souci de théâtralité Voltaire, auteur de théâtre reconnu au teur à ses heures (➔ PROBLÉMATIQUE XVIII" siècle, acteur ama- 5, p.

70), anime cet échange comme une pièce de théâtre, comme une comédie philosophique. II attache un soin particulier au rythme de l'échange, organisé en deux paragraphes, chacun d'eux composé autour d'une question ou d'une décision d'un membre de la petite communauté bretonne, assortie de la réponse de l'ingénu (« L'ingénu l'assura que [...].

L'ingénu répondit qu'en [.•.] »).

Le style personnalisé des répliques de chacun permet d'imaginer une mise en scène du passage.

Les répliques des deux femmes se caractérisent par un ton sensible avec des interjections (« Hélas! » « Eh! mon Dieu! ») 102 LECTURES ANALYTIQUES et des répétitions(« Nous le baptiserons! nous le baptiserons!»). Inversement, le style de l'ingénu est ferme et modéré dans son expression : rythme équilibré et sobriété de l'expression dans la réponse au bailli : « Je suis de ma religion, dit-il, comme vous de la vôtre » (1.

4-5).

La répartition des personnages apparâit au fil des répliques : chœur des Bas-Bretons (« Toute la compagnie seconda la maîtresse de maison: tous les convives criaient», I.

20 à 22); solitude et indépendance de l'ingénu, tempérées par les premiers émois de M0• de Saint-Yves. DEUXIÈME AXE DE LECTURE LA SATIRE D'UN MICROCOSME 1Le procès du prosélytisme 1 La petite communauté bretonne fait preuve d'un zèle suspect aux yeux de Voltaire pour convertir le Huron.

Cette volonté s'appuie d'abord sur une curiosité déplacée et indiscrète qui n'a rien à voir avec le souci objectif et intellectuel de s'informer, comme le montrent les termes« impitoyable » et« fureur».

Pour l'ensemble de la petite communauté, M"• de Kerkabon en tête et M11e de Saint-Yves comprise,.... »

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