LA CRITIQUE MARXISTE Que la doctrine des droits de l'homme ait été attaquée par des penseurs conservateurs est assez naturel...
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LA CRITIQUE
MARXISTE
Que la doctrine des droits de l'homme ait été
attaquée par des penseurs conservateurs est
assez naturel ; plus surprenante est la critique
qui lui fut adressée par un progressiste comme
Marx.
C'est que, pour lui, cette doctrine ne
conduit pas à une émancipation réelle des
hommes, mais dissimule en réalité les intérêts
égoïstes d'une classe sociale particulière, la
bourgeoisie.
Une fonction
idéologique
Selon Marx, la doctrine des droits
de l'homme n'est qu'une idéologie,
celle de la société bourgeoise, qui
bien que marquant un progrès par
rapport à celle de la société féo
dale, doit être dépassée si l'on veut
atteindre à une émancipation réelle
et complète de tous les hommes.
Par idéologie, Marx entend une doctrine
qui pense exprimer une réalité objective
alors qu'elle n'exprime que les intérêts
matériels de la classe de ceux qui l'éla
borent : l'idéologie croit ainsi se dévelop
per abstraitement et de manière autonome
sur ses propres données alors qu'elle est
déterminée par les conditions socio
économiques de ceux qui l'élaborent.
La doctrine des droits de l'homme
défendrait en effet essentiellement
les valeurs égoïstes de la société
bourgeoise qui font de l'homme
une «monade», c'est-à-dire un
individu isolé des autres hommes,
atomisé, alors que l'homme est
avant tout un être social qui ne
peut se réaliser que dans et par la
communauté sociale, c'est-à-dire
dans sa relation avec les autres
hommes.
Ainsi:
- le droit de liberté, défini simple
ment comme le droit de faire tout
ce qui ne nuit pas autrui, est au
fond le droit de se désintéresser
des autres hommes, le droit pour
l'individu de se repli'3r égoïstement
sur lui-même.
- le droit de propriété est égale
ment celui de jouir de ses biens
sans se soucier des autres, notam
ment de ceux qui ne possèdent
rien;
- le droit de sûre(é, enfin, est le
droit d'exiger de l'Etat de garantir
cet égoïsme.
Des droits
seulement
formels
Les droits énoncés par la Déclara
tion apparaissent donc à Marx
comme des droits seulement for
mels dès lors que les hommes ne
sont pas placés dans la situation
matérielle réelle que ces droits ont
en réalité pour fonction de défen
dre - celle de la bourgeoisie.
De
quelle utilité peut être en effet le
droit de «liberté» pour celui qui
économiquement est entièrement
dépendant de son patron? Le droit
de propriété pour celui qui ne pos
sède rien? Le droit de sûreté pour
celui qui meurt de faim? Même les
droits économiques et sociaux
n'ont de sens que s'ils ne sont pas
simplement proclamés, mais réel
lement garantis par l'établissement
de conditions socio-économiques
permettant l'exercice effectif de
ces droits : de quelle utilité peut
être le droit au travail pour le chô
meur qui ne peut en trouver?
Quel
«homme»?
L'idée même de définir des droits
de l'homme à partir de la«nature»
humaine est repoussée par Marx.
Cette nature est en effet une
essence abstraite.
Or, « l'essence
de l'homme n'est pas une abstrac
tion inhérente à l'individu isolé.
Dans sa réalité, elle est l'ensemble
des rapports sociaux» (Thèses sur
Feuerbach, VI).
Les droits et les
libertés ne sont donc pas des attri
buts propres à un «homme»
intemporel et anhistorique, mais
appartiennent à des individus his
toriquement situés et engagés
dans le processus social de pro
duction: les droits de l'homme
sont inséparables de l'état de déve
loppement socio-économique, poli
tique, etc., de la société et varient
avec lui.
Dé,? asser
le droit
Le droit égal est inégal
C'est en réalité la notion même de
droit qu'il convient de dépasser,
mais non pas pour lui substituer
celle de devoir, comme le veulent
l'idéologie conservatrice ou le posi
tivisme d'A.
Comte.
En effet, le
droitJ observe Marx, est lié à l'État,
et l'Etat est toujours l'expression
d'une classe dominante en même
temps que son instrument de domi
nation sur les autres classes : « Le
droit ne peut jamais être plus élevé
que l'état économique de la société
et que le degré de civilisation qui
y correspond.
» Le droit est ainsi
nécessairement un droit qui
opprime : le droit est toujours iné
gal, même celui qui proclame l'éga
lité des hommes devant la loi - le
droit bourgeois.
« Nous savons aujourd'hui, note Engels,
que ce règne de la raison n'était rien
d'autre que le règne idéalisé de la bour
geoisie, que la justice éternelle telle
qu'elle fut alors proclamée trouva sa réa
lisation adéquate dans la justice bour
geoise.
» (Anti-Dürhing)
Par le fait même qu'elle affirme l'égalité
des hommes en droit, cette justice bour
geoise est injustice.
En effet, écrit Marx,
« ce droit égal est un droit inégal pour un
travail inégal.
Il ne reconnaît aucune dis
tinction de classe, étant donné que cha
cun est un travailleur comme un autre,
mais il reconnaît tacitement l'inégalité des
talents individuels et par suite des capa
cités productives comme des privilèges
naturels.
C'est donc d'après son contenu
un droit de l'inégalité comme tout droit.
De par sa nature le droit ne peut consis
ter que dans l'emploi d'une mesure égale
pour tous.
Mais les individus inégaux (et
ce ne seraient pas des individus distincts
s'ils n'étaient pas inégaux) ne sont mesu
rables d'après un étalon commun
qu'autant qu'on les considère d'un même
point de vue, qu'on ne les regarde que
sous un aspect déterminé, par exemple,
dans le cas présent, exclusivement sous
l'aspect de travailleurs, et qu'on ne voie
en eux rien d'autre en faisant abstraction
de toute autre détermination.
Pour éviter
ces inconvénients, le droit devrait être non
pas égal mais inégal.
» (Critique des pro
grammes de Gotha, trad.
E.
Bottigelli).
Un droit devenu inutile
Pour Marx donc le droit de l'État
sqcialiste restera un droit inég�I et
l'Etat oppresseur, puisque l'Etat
restera l'expression d'une classe,
celle du prolétariat.
Mais cette
«dictature du prolétariat» ne doit
être qu'une phase de transition :
dans la phase finale de l'histoire,
celle du ç::ommunisme, disparaî
tront et l'Etat et le droit: dès lors
en effet qu'il n'existera plus de
classes, ni de division du travail, ni
d'insuffisance de production éco
nomique, le droit même deviendra
inutile, puisque tous les besoins
des hommes seront satisfaits :
« Dans une phase supérieure de la société
communiste, quand auront disparu
l'asservissante subordination des indivi
dus à la division du travail et, avec elle,
l'opposition entre le travail intellectuel et
le travail manuel, quand le travail....
»
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