La deuxième tirade d,Elvire... DONE ELVIRE: Ah ! que vous savez mal vous défendre pour un homme de cour, et...
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La deuxième tirade d,Elvire...
DONE ELVIRE: Ah ! que vous savez mal vous défendre pour un
homme de cour, et qui doit être accoutumé à ces sortes de choses !
j'ai pitié de vous voir la confusion que vous avez.
Que ne vous
armez-vous le front d'une noble effronterie ? Que ne me jurez-vous
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que vous êtes toujours dans les mêmes sentiments pour moi, que vous
m'aimez toujours avec une ardeur sans égale, et que rien n'est
capable de vous détacher de moi que la mort ? Que ne me dites-vous
que des affaires de la dernière conséquence vous ont obligé à partir
sans m'en donner avis; qu'il faut que, malgré vous, vous demeuriez
10 ici quelque temps, et que je n'ai qu'à m'en retourner d'où je viens,
assurée que vous suivrez mes pas le plus tôt qu'il vous sera possible ;
qu'il est certain que vous brûlez de me rejoindre, et qu 'éloigné de
moi, vous souffrez ce que souffre un corps qui est séparé de son
âme? Voilà comme il faut vous défendre, et non pas être interdit
15 comme vous êtes.
1,3: Deuxième tirade d'Elvire
_ _ _ _ _ _ QUESTIONS-----1 - Ligne 3: 'J'ai pitié...
" Faut-il, selon vous, prendre cette déclaration d'Elvire au pied de la lettre? Justifiez votre réponse.
Il est clair qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre cette
expression dans la bouche d'Elvire.
En réalité, elle feint de voler au
secours de celui qui l'a humiliée.
C'est donc sous le signe de l'ironie
qu'il faut placer la plupart des propos qui suivent cette déclaration.
La
jeune femme affecte en effet de fournir des excuses à un~homme dont
elle veut exploiter l'embarras apparent pour l'humilier à son tour.
2 - Relevez des anaphores et une répétition.
Commentez-les brièvement.
On peut relever trois anaphores : "Que· ne vous armez-vous ..."
"Que ne me jurez-vous ...
" "Que ne me dites-vous ...
" Cette figure
confère une certaine hauteur au discours d'Elvire qui apparaît ainsi
très maîtrisé.
La répétition la plus caractéristique est celle de "toujours" ("vous êtes toujours"...
"vous m'aimez toujours").
On peut
interpréter l'usage de cette figure comme une parodie du discours
amoureux que Don Juan a tenu à Elvire avant de se détourner d'elle.
Elvire ressert ainsi à Don Juan son propre boniment.
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3 - Citez une hyperbole et commentef-la.
"Rien n'est capable de vous détacher de moi que la mort" est
nettement hyperbolique ; cette formule enflammée caractéristique du
discours amoureux prend un autre sens lorsqu'elle est, comme ici,
proposée ironiquement, à titre de "dépannage", à un amant refroidi
et "interdit".
- - - - COMMENTAIRE COMPOSÉ - - - Introduction
- Présentation
du texte
-Annonce du
plan
Cédant à son irrépressible besoin de voler de
conquête en conquête, le héros du Dom Juan de
Molière a séduit, épousé et abandonné Elvire qu'il a
arrachée "à la clôture d'un couvent".
Or, tandis que,
préoccupé par un nouvel amour, il a, sans l'avertir,
changé de ville, Elvire survient, à la scène 3 de l'acte
I, pour lui demander des explications.
Accueillie de
façon particulièrement humiliante, la jeune femme
offensée entreprend ici de rendre coup pour coup.
Mais alors qu'elle s'efforce d'inverser les rôles, elle
laisse transparaître malgré elle la souffrance qui l'habite.
Agressivité et pathétique seront donc les deux
lignes directrices de notre lecture.
Agressivité est bien le mot qui convient pour désigner la colère froide de cette femme lucide qui choisit spontanément le registre de l'ironie.
Loin en effet
de se lamenter, de supplier ou même d'éclater en
reproches, ce qui serait encore une façon de donner
des gages à l'adversaire, elle affecte une surprise et
une déception douloureuses face à la médiocre pres-tours
tation de Don Juan.
Le recours constant, dans le texinterrogatifs et te, aux tours exclamatifs et interrogatifs : - ''Ah ! que
exclamatifs
vous savez mal vous défendre ...
", "Que ne vous
armez-vous le front ..." - traduit bien cette volonté de
souligner l'aspect piteux du grand séducteur tout-àcoup "interdit" c'est-à-dire balbutiant et embarrassé.
- inversion des
Elvire feint donc de s'adresser à un Don Juan "en
rôles
culottes courtes" qui ne serait pas à la hauteur de la
situation.
Elle opère ainsi une véritable inversion des
rôles en se présentant, non sans quelque impatience
condescendante - "J'ai pitié de voir la confusion que
vous avez" - comme un professeur de mensonge et
de cynisme qui consent à l'assister; c'est_ainsi qu'il
faut interpréter toutes ces suggestions jetées avec une
sorte d'exaspération pédagogique à un incapable qui
ne trouve pas les solutions élémentaires : "Que ne
me jurez-vous ...
"Que ne me dîtes-vous ...
" On touche
ici à l'essence de l'ironie, originellement interrogative, qui consiste, pour mieux le vaincre, à abonder
exagérément dans le sens de l'adversaire.
Mais cette ironie se complique encore dans la
-retour
mesure où elle permet à Elvire de resservir à froid au
ironique des
séducteur professionnel les clichés amoureux, les
clichés
stéréotypes, les formules toutes faites de sa panoplie :
les termes grandiloquents et absolus abondent dans
le discours d'Elvire et l'on sent qu'ils sont tout frais
dans sa mémoire : "jurez", "toujours" opportunément
répétés à une ligne de distance, "ardeur", "rien" et
"mort".
Appartiennent au même registre des expresI - Agressivité
Conclusion
partielle et
transition
sions comme "de la dernière conséquence", "le plus
tôt qu'il vous sera possible", "vous brûlez de me
rejoindre" qui éclatent, du fait de l'ironie, dans toute
leur facticité.
L'abondance même des suggestions dont est accablé Don Juan a, en outre, pour fonction de souligner
encore la pitoyable incapacité du séducteur.
C'est donc une femme habitée par une colère froide qui nous apparaît ici, tout entière animée par le
désir de ridiculiser un incompétent.
Mais,....
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