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La dissertation économique : méthodes et conseils · - - - - L'exercice de la dissertation commence par une lecture...

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« La dissertation économique : méthodes et conseils · - - - - L'exercice de la dissertation commence par une lecture attentive du sujet.

Il est nécessaire de bien peser chaque terme du sujet et de s'interroger sur leur signification.

La mobilisation des connaissances théoriques et factuelles permet ensuite de dégager la problématique et de choisir le plan.

Une fois ce travail accompli, il est possible de rédiger. Nous proposons d'illustrer cette démarche en traitant le sujet proposé au concours HEC de 1998 (option économique) : Croissance, développement et inégalités sociales dans les PDEM depuis la fin du xrxe siècle. 1.

Argumenter 1.1.

La problématique 1.1.1.

Dégager une problématique, c'est transformer un sujet en problème(s) à résoudre Le libellé du sujet invite à étudier les relations réciproques entre la croissance, le développement et les inégalités sociales dans les PDEM au xxe siècle.

Une première approche permet de distinguer deux questions - La croissance économique des PDEM depuis la fin du xrxe siècle a-t-elle engendré le maintien, la réduction ou l'accroissement des inégalités sociales? - Quelle est l'influence des inégalités sociales et de leur évolution sur la croissance? D'une part, la croissance s'explique par la mise en œuvre du travail et du capital.

Or, au cours du processus de croissance, la répartition du surplus entre ces deux facteurs peut se modifier.

D'autre part, la dynamique de la croissance s'inscrit dans un mouvement de «destruction créatrice» qui génère des inégalités tout en créant des processus qui les réduisent.

Comment la répartition des surplus de croissance entre les revenus des deux principaux facteurs, les salaires et les profits, s'est-elle effectuée ? Quels ont été les processus de «destruction créatrice» ? La croissance a-t-elle réduit certaines ou toutes les formes d'inégalités sociales? N'a-t-elle pas créé d'autres formes d'inégalités? Les relations entre la croissance et les inégalités sociales sontelles identiques dans tous les· PDEM ? Les notions de «développement» et de «croissance »doivent être explicitées: - La notion de développement exprime la dimension qualitative de la croissance, et plus généralement, un ensemble de transformations structurelles qui rendent durable le processus de croissance.

Elle exprime aussi le souci de maîtriser la croissance et ses conséquences.

L'accumulation du capital et les mécanismes de marché sont aveugles aux finalités non économiques : la concurrence exclut les acteurs qui font preuve d'une efficacité économique insuffisante. L'observation d'un siècle de croissance économique au sein des PDEM révèle des transformations communes aux différents PDEM.

Il est possible, plutôt que de différencier croissance et développement, de retenir une définition synthétique de la croissance.

C'est l'attitude adoptée par S.

Kuznets avec la notion de Croissance Économique Moderne (CEM) : la réduction des inégalités de revenus est une des transformations structurelles caractéristiques de la CEM. Il est aussi possible de maintenir la différenciation entre la croissance et le développement en insistant sur les différences entre les PDEM. 1.1.2.

Dégager une problématique, c'est donner un sens au sujet posé À ce stade de la réflexion, il est possible de dégager le fil directeur suivant : - La croissance économique, dans le cadre d'une économie de marché, engendre des inégalités sociales mais crée aussi les conditions d'une réduction de ces inégalités. La réduction des inégalités sociales n'est pas une condition nécessaire à une plus grande efficacité, comme un surcroît d'inégalités n'entraîne pas nécessairement un surplus de croissance. Il existe donc des marges de manœuvre propres à chaque PDEM pour choisir le niveau d'inégalités sociales permettant une croissance économique qui corresponde au modèle de développement démocratiquement élaboré. 1.2.

L'étude des «faits» 1.2.1.

Choisir les indicateurs Préalable indispensable à la recherche de l'argumentation, l'étude des indicateurs présente certaines difficultés : - La croissance économique se traduit par une augmentation, pendant une période longue, de grandeurs macroéconomiques, notamment du PIB par tête, même si cet indicateur fait l'objet de critiques. - Les indicateurs de développement sont nombreux : répartition de la production et de la population active par secteurs d'activité, taille des entreprises, structure du commerce extérieur, etc. - Les inégalités sociales comportent de nombreuses dimensions : inégalités de droit/ de fait, inégalités des chances/inégalités des situations, entre autres.

Dans des économies et des sociétés marchandes, les inégalités de revenus représentent un facteur fondamental d'inégalité.

Parce qu'elles sont bien souvent à l'origine d'autres inégalités, c'est leur étude qui doit être privilégiée. Plusieurs indicateurs permettent d'apprécier les inégalités de revenus: Le classement des ménages par ordre croissant de revenu permet de mesurer les écarts entre les revenus les plus élevés et les revenus les plus faibles.

Les statisticiens utilisent la notion de décile (le premier décile, Dl, regroupe les 10 % de ménages dont le revenu est le plus faible) et celle de limite de revenu (Plü représente la limite supérieure de revenu en dessous de laquelle se trouvent 10% des ménages).

En France, en 1995, 10% des hommes touchent des salaires nets inférieurs à 5 860 francs par mois et 90 % des salaires nets supérieurs à 5 860 francs par mois.

Il est aussi possible de mesurer les écarts entre les revenus moyens des différentes catégories socioprofessionnelles. - La plus ou moins forte concentration des revenus est aussi un indice des inégalités.

La méthode utilisée consiste à comparer la part du revenu détenue par les 10 % ou les 20 % les plus pauvres à celle détenue par les 10 % ou 20 % les plus riches.

Pour mesurer la concentration globale des revenus, les statisticiens utilisent le coefficient de Gini, compris entre 0 (égalité parfaite) et 1 (une personne perçoit la totalité des revenus) et représentent cette concentration à l'aide de la courbe de Lorenz. - Le sociologue Louis Chauvel a mis au point une méthode permettant de représenter le partage du revenu entre différentes classes de revenus (classe de revenu supérieur ou «riches», classe de revenu médian, classe de revenu inférieur ou «pauvres») sous la forme de courbes appelées « strobiloïdes ». Dans une économie capitaliste, la répartition des revenus peut être analysée à partir du partage entre grandes catégories de revenus : rentes, profits et salaires. Dans des économies où les droits de propriété sont privés et transmissibles, il est, par ailleurs, nécessaire de mentionner, malgré les difficultés d'appréhension statistique, les inégalités de patrimoine, plus fortes que les inégalités de revenus. 1.2.2.

Dégager les grandes tendances Malgré de grandes incertitudes statistiques, notamment avant la Seconde Guerre mondiale, l'étude des indicateurs permet de dégager des tendances lourdes ou « faits stylisés» : - Pour N.

Kaldor (The Theory of Capital, 1961), la croissance économique des PDEM se caractérise, entre autres, par une croissance assez régulière de la production par tête (donc du revenu par tête) et par une répartition du revenu entre le capital et le travail remarquablement stable sur le long terme. - Pour S.

Kuznets (Modern Economie Growth : Rate, Structure, and Spread, 1966), les inégalités de revenus augmentent avec l'industrialisation, puis se stabilisent, pour enfin décroître avec le développement de la CEM. Cette évolution peut être représentée par une «courbe en U inversé».

Les calculs de S.

Kuznets montrent une baisse générale et substantielle des inégalités de revenus après la Seconde Guerre mondiale et jusqu'aux années soixante pour les États-Unis, la RFA, le Royaume-Uni et les pays scandinaves.

La remontée en force des inégalités de revenus, et plus particulièrement des écarts salariaux, depuis les années soixante-dix, remet en cause la «courbe en U inversé».

Toutefois, si les inégalités de revenus se sont fortement accrues depuis les années soixante-dix dans les pays anglosaxons, la tendance est moins nette pour les autres PDEM où les inégalités se sont plus déplacées qu' amplifiées. Cependant, les inégalités de revenus ne représentent qu'une partie des inégalités.

Les inégalités face à l'emploi touchent, plus ou moins fortement, tous les PDEM depuis la fin des années soixante-dix : chômage, formes précaires d'emploi, temps partiel subi, exclusion de la vie professionnelle, entre autres.

La condition salariale s'est fortement dégradée pendant cette période.

Cette dégradation doit être rapprochée des chiffres de la croissance et des indicateurs de développement.

En effet, de la fin du xrxe siècle aux années soixante-dix, on constate une corrélation positive, mais grossière, entre les indicateurs de croissance, de développement et de réduction des inégalités.

L'étude des périodes qui précèdent la Seconde Guerre mondiale révèle des moments historiques plus complexes.

Ainsi, la période de croissance des années vingt et la crise des années trente· demeurent difficiles à analyser si on prend en compte toutes les dimensions des inégalités sociales telles que les inégalités d'accès aux savoirs et aux connaissances ou les inégalités d'accès à la protection sociale.

Seules les « Trente Glorieuses» confirment l'image d'un cercle vertueux entre croissance, développement et réduction des inégalités.

L'étude de la période qui s'ouvre avec les années soixante-dix légitime, en partie, l'idée d'une rupture de ce cercle vertueux, encore que les trajectoires nationales des différents PDEM ne soient pas identiques. 1.3.

Les approches historiques et théoriques 1.3.1.

La dimension historique Les sujets de synthèse comportent presque toujours dans les sujets posés aux concours des écoles de commerce une dimension historique.

P.

Bairoch résumait ainsi l'apport de l'histoire économique : «S'il me fallait résumer l'essence de ce que l'histoire économique peut apporter à la science économique, je dirais qu'il n'existe pas de "loi" ou règles en économie qui soient valables pour toutes les périodes de l'histoire ou chacun des divers systèmes économiques.» (Mythes et paradoxes de l'histoire économique, 1995.) Ces principes généraux appliqués au sujet étudié nous invitent à plusieurs précautions : Les relations entre la croissance, le développement et les inégalités sociales ont évolué dans le temps.

Il est difficile d'établir de grandes lois historiques reliant les trois phénomènes. - Les périodisations les plus couramment utilisées ne sont pas forcément pertinentes.

Par exemple, la proposition : « Pendant les "Trente Glorieuses", c'est surtout la croissance qui a permis la réduction des inégalités» n'est pas à l'abri de contre-exemples.

Le Royaume-Uni connaît une croissance économique plus faible que les autres PDEM mais une réduction des inégalités salariales relativement plus forte.

Une seconde direction d'étude consiste à inverser la proposition.

Peut-on dire que, pendant cette période, la réduction des inégalités sociales a permis une croissance plus forte ? La société française connaît des inégalités sociales plus fortes que la société allemande alors que les taux de croissance économique sont comparables.

Par ailleurs, il est difficile de ne pas faire référence à la Seconde Guerre mondiale et à la compression des fortunes qu'elle a engendrée quand on tente de comprendre la période d'aprèsguerre. 1.3.2.

L'apport des modèles et des théories économiques L'étude des relations entre la création des richesses et leur répartition a donné naissance, depuis le xrxe siècle, à plusieurs approches : D.

Ricardo (Principes d'économie politique et de l'impôt, 1817) oppose les intérêts des «rentiers», en l'occurrence les propriétaires fonciers, aux capitalistes qui cherchent à maximiser leurs profits par l'investissement industriel : la répartition des revenus est un déterminant de la croissance. K.

Marx adopte la même approche mais le conflit principal oppose les capitalistes industriels aux salariés de l'industrie.

Pour D.

Ricardo comme pour K.

Marx, l'accroissement des inégalités entre les rentes et les profits ou entre les profits et les salaires tend à faire obstacle à la croissance économique. - La théorie néoclassique, à la fin du xrxe siècle, fait de la création des richesses l'objet del' économie et rompt la relation causale entre la création de richesses et leur répartition.

Dans le modèle de la concurrence parfaite, chaque acteur reçoit une rémunération égale à sa productivité marginale, c'est-à-dire à sa contribution productive.

Le processus de concurrence sur les différents marchés permet de parvenir à cet équilibre.

Mais la théorie considère comme exogène la dotation initiale des ressources précédant l'échange.

L'État peut alors intervenir sur la dotation initiale en supprimant, par exemple, l'héritage, et/ ou sur la répartition des richesses par un système fiscal redistributif.

À la différence des analyses des «classiques», une redistribution des revenus par la fiscalité est considérée comme plus efficace qu'une intervention sur le processus de production lui-même. - La «révolution keynésienne», en insistant sur la demande solvable, légitime les stratégies de réduction des inégalités de revenus.

Elle réconcilie ainsi la croissance, le développement, et la réduction des inégalités de revenus. - La théorie de la régulation, à partir des années soixante-dix, tente de concilier l'approche classique et certaines propositions de la tradition keynésienne pour mettre en évidence le cercle vertueux « fordîste » entre la croissance, le développement et la réduction des inégalités sociales. - Depuis les années soixante-dix, les économistes semblent abandonner les théories globales pour s'interroger sur des situations précises comme le lien entre salaire minimum, croissance et emploi. 1.3.3.

L'apport de la sociologie Les théories sociologiques recourent à des hypothèses plus complexes et moins restrictives que celles des modèles économiques.

Si les formalisations des sociologues sont moins rigoureuses et plus difficiles à tester empiriquement, elles éclairent certaines évolutions des sociétés contemporaines. L'analyse d' A.

Tocqueville des sociétés démocratiques comme un vaste processus d'égalisation des conditions, porté par une moyenne soucieuse de bien-être économique, est un fil directeur pertinent.

La réduction des inégalités sociales et l'égalisation des chances se révèlent source de contradictions puisqu'elles font naître une demande sociale forte d'égalité et, dans le même temps, une demande sociale de différenciation et de mobilité qui reproduit les inégalités.

Les réponses apportées par chaque société démocratique à ces contradictions expliqueraient alors les différences constatées dans les relations entre croissance, développement et inégalités sociales et dans les conceptions des inégalités, socialement légitimes, au sein des PDEM. 2.

Structurer 2.1.

Introduire 2.1.1.

Cerner le sujet Cerner le sujet, c'est, souvent, proposer un cadre chronologique et spatial.

Il convient de rappeler, brièvement, le cadre temporel, depuis la fin du x1xe siècle, et le champ spatial, l'ensemble des PDEM.

Il faut faire référence au double constat de la réduction de certaines inégalités, notamment l'accès massif aux biens et services, et le maintien, voire l'accroissement d'autres inégalités, sur le long terme et pendant certaines périodes. 2.1.2.

Définir les principaux termes du sujet La définition ou les définitions choisies ne doivent pas apparaître comme des définitions décoratives inutilisées ou même contredites dans le reste de l'argumentation.

Il convient, ici, d'introduire la distinction établie entre croissance et développement.

On peut choisir une définition large de la croissance comme celle de S.

Kuznets · «hausse de long terme (pour un pays) de sa capacité d'offrir à sa population une gamme sans cesse élargie de biens économiques, capacité fondée sur le progrès technique et les ajustements institutionnels et idéologiques qu'elle requiert.» Il est aussi possible de distinguer plus nettement la croissance du développement.

Reste à définir les inégalités sociales, expression large qui englobe des inégalités de ressources économiques, de connaissances, de prestige et de pouvoir. 2.1.3.

Problématiser et annoncer le plan Il faut poser les questions qui ont justifié le sujet et, déjà, suggérer les réponses possibles.

La rédaction de la problématique annonce le développement sans limiter ni élargir le sujet.

Elle doit, et c'est ce qui la rend difficile, être, tout à la fois, brève et englobante. L'annonce du plan se fait souvent (mais pas obligatoirement) sous la forme interrogative : le maintien des inégalités sociales dans les PDEM, depuis la fin du xrxe siècle, a-t-il contribué à leur croissance et à leur développement ou, au contraire, les a-t-il freinés? Ces questions préparent, souvent, des développements contradictoires.

Il faut se méfier des « fausses questions».

Si l'annonce de la première partie pose une question, la réponse apportée prépare les idées présentées dans la seconde partie.

Il est donc important que l'annonce soit cohérente.

Il est souvent préférable d'annoncer le plan sous la forme de propositions qui seront ensuite développées. 2.2.

Démontrer 2.2.1.

Des parties équilibrées Le développement est structuré en grandes parties, deux ou trois, et chaque partie en sous-parties, de deux à quatre.

L'architecture des parties et des sous-parties doit être équilibrée.

Il est conseillé d'annoncer, brièvement, les sous-parties pour faciliter la lecture de la copie par le correcteur. 2.2.2.

Une démonstration cohérente La démonstration doit tendre vers la cohérence.

Il est difficile d'échapper dans une dissertation aux contradictions, aux dérives vers d'autres sujets, aux digressions.

Annoncer les sous-parties, brièvement, établit un garde-fou et oblige à équilibrer les sous-parties.

Chaque sous-partie contient un, deux ou trois arguments au maximum.

Chaque argument doit être étudié sous plusieurs angles.

Correspond-il aux faits disponibles ? Est-il fondé quelle que soit la période et/ ou quel que soit l'espace géographique étudié ? Renvoiet-il à une théorie? Fait-il référence aux stratégies d'un ou de plusieurs acteurs comme les entreprises, les gouvernements ? Est-ce un argument «positif» - qui cherche à rendre compte de «ce qui est» - ou s'agit-il d'un argument «normatif» - qui cherche à rendre compte de «ce qui devrait être» - ? Comment l'articuler avec l'argument qui précède et avec celui qui suit ? Les arguments ont-ils le même poids dans la démonstration ? Il faut aussi faire état des débats qui se sont développés autour des différentes questions posées par le sujet.

Mais encore faut-il dire qu'il y a eu débat! Il est conseillé de dire le plus clairement possible qu'il n'y a pas de réponses claires à certaines questions. 2.3.

Conclure: Répondre au sujet mettre en perspective La conclusion doit, dans la mesure du possible, être rédigée, le plus précisément, après l'introduction et avant la rédaction proprement dite.

En lisant l'introduction et la conclusion, le lecteur doit pouvoir reconstituer schématiquement l'argumentation. La première partie de la conclusion répond au sujet posé.

La réponse peut être une synthèse brève de la démonstration.

Il est souhaitable de ne pas ajouter de nouveaux arguments. La seconde partie de la conclusion met en perspective le sujet.

Ainsi, pour.... »

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