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La fascination de l'héroïsme de la vie politique d'une façon moderne. Et il a découvert une vérité essentielle : la...

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« La fascination de l'héroïsme de la vie politique d'une façon moderne.

Et il a découvert une vérité essentielle : la politique est une traduction des mots en actes.

Comme Pascal, Corneille est hanté par le rôle destructeur des mots dans les affaires politiques.

Les per­ sonnages de Corneille se prêchent, littéralement, des haines inexpiables.

La déclaration solennelle (la tirade) entraîne l'esprit à une excessive rigueur; les mots nous emportent vers des situations idéologiques d'où nous ne pouvons plus battre en retraite.

C'est là le tragique fondamental de la poli­ tique.

Slogans, clichés, abstractions verbales, fausses anti­ thèses s'emparent de l'esprit : le Reich de mille ans, la reddition inconditionnelle, la guerre des classes.

La conduite politique cesse d'être spontanée ou sensible à la réalité; elle cristallise autour d'un noyau de mots morts.

Au lieu de rendre la politique dubitative et provisoire à la manière de Montaigne (qui savait que les principes ne sont suppor­ tables qu'à titre d'expérience), les mots enferment les hommes politiques dans l'aveuglement de la certitude ou l'illusion de la justice.

La vie de l'esprit est rétrécie ou paralysée par le poids de l'éloquence.

Au lieu de devenir maîtres des mots, nous en devenons les esclaves.

» - Analysez ce texte très riche.

Éclaircissez les allusions : « Reich de mille ans»;« reddition inconditionnelle»;« guerre des clâsses ». - Quels sont les mots de la tragédie qui vous paraissent entraîner et même souvent « aliéner » (précisez le sens de ce terme marxiste).

Horace, Camille, le vieil Horace, Curiace? La fascination de l'héroïsme Depuis longtemps déjà, on a rejeté le fameux parallèle établi par LA BRUYÈRE : Corneille « peint les hommes comme ils devraient être », Racine « les peint tels qu'ils sont».« Cela est éblouissant, commente Voltaire, mais cela est faux.» L'éthique cornélienne, montrent bien OCTAVE NADAL et REINHOLD SCHNEIDER, est une éthique de la « gloire », comme cela est particulièrement sensible dans Horace.

Cette gloire est pra­ tiquement orientable en tous sens, comme le courage, mais elle constitue, pour Corneille, « le signe évident de cette noblesse qui appartie_nt à l'homme capable de devenir peu à peu son propre maître, de triompher de soi-même [...]. Elle signifie le dépassement de la personne, l'élan qui entraîne l'homme au-delà de l'humain ....

Ce qu'exige la gloire, c'est dans chaque cas la décision qui coûte le plus à la vie personnelle, qui taille le plus à vif dans la chair de l'homme» (Reinhold Schneider). On comprend pourquoi les critiques modernes rattachent les héros de Corneille aux philosophies et aux mystiques de la volonté, en soulignant d'ailleurs que cette volonté ne l'emporte pas toujours. Selon JACQUES MAURENS, « l'effort de Corneille, du Cid à Polyeucte, ne va qu'à figurer dramatiquement l'idée néo-stoï­ cienne et cartésienne de la générosité ...

.

C'est la lutte intime entre l'être naturel et l'être idéal (tel que se l'est formé---< le p�rsonnage) qui impose au spectateur l'évidence d'un héroïsme non plus donné mais conquis ». PAUL Bizos découvre chez Horace la« volonté de puissance» chère à Nietzsche (voir p.

55). ANDRÉ STEGMANN, SERGE DOUBROVSKY citent HEGEL : « Des individualités animées d'une force unique, parvenues à cette hauteur où ce qu'il y a de purement accidentel dans l'indi­ vidualité immédiate disparaît, voilà les héros tragiques, dit Hegel.

Qu'ils incarnent les grandes puissances substantielles régissant le vouloir humain (amour, affections familiales, patriotisme, sentiment civique, volonté des chefs) ou qu'ils s'imposent par le courage et la fermeté que leur conquiert la libre assurance qu'ils ont d'eux-mêmes, ils s'élèvent pour ainsi dire par leur propre création au rang d'œuvres d'art vivantes » (Esthétique, III, 2, 3). Louis HERLAND, pour sa part, va jusqu'à découvrir chez Horace « la vocation du sacrifice, une volonté tendue vers le dépouillement et la purification intérieure, et, pourquoi ne pas le dire? vers la sainteté (étant entendu que vouloir être un saint ne suffit pas) ». ROGER CAILLOIS, au contraire, montre l'échec tragique, la chute d'un grand nombre de héros cornéliens, - dont Horace. « Il ne s'agit pas de devoir, mais de fascination [...].

Telle est la gloire, cime redoutable et abrupte où précipite la géné­ rosité : une chute vers le haut.

J'écris chute à dessein, pour souligner l'irrésistible de l'aimantation [...].

Le devoir chez Corneille, d'ailleurs infiniment variable et personnel, n'est jamais que décision d'obéir aux consignes d'un honneur insa­ tiable et secret, contagieux et jaloux, qui enivre sa proie, puis la laisse solitaire et parfois dévastée.

» - Curiace décide, dit-il, de « faire son devoir » (vers 462). Parvient-il à se mettre dans les conditions de le faire bien? Pourquoi ne demande-t-il pas à être remplacé lorsqu'il le peut (vers 781-792) puisqu'il juge ce qu'il va faire« inhumain»? Pourquoi accumule-t-il, pendant le combat, les fautes de tactique les plus grossières? - Afin que Rome ne soit pas sujette, et par passion de la gloire, Horace se force à ne plus connaître Curiace.

Y par­ vient-il? Reste-t-il maître de sa volonté jusqu'au bout, à votre avis? Est-ce par « raison », et pour accomplir un acte de justice, qu'il tue sa sœur Camille (vers 1319 et 1323)? Une œuvre de circonstance, d'une vérité toujours actuelle - Des trois personnages actifs de la pièce, Horace, Curiace, Camille, c'est Camille qui obtient le plus exactement, au qua­ trième acte, ce qu'elle veut de tout elle-même; venger celui qu'elle aimait, transformer Horace en vulgaire assassin, lui ravir la gloire dont il est si fier.

En êtes-vous étonné'? La revanche de l'inconscient Beaucoup de critiques l'ont remarqué, en particulier ANDRÉ GIDE, LOUIS HERLAND, JEAN STAROBINSKI, « Corneille igno­ rait (et pour cause) les théories modernes de l'inconscient, mais ses fictions ressemblent si bien à la vie qu'à plus d'une les méthodes de la psychanalyse semblent s'adapter à mer­ veille » (Louis Herland). Horace veut se créer un« Sur-Moi » conforme à son adora­ tion pour Rome et à son culte de la gloire; pour faire ce qui lui est ordonné, il « refoule » son amitié très profonde pour Curiace et parvient à la faire disparaître pendant le combat... Mais l'épreuve terminée, dans l'ivresse de sa victoire, l'image de son « autre » lui-même (vers 444) revient invinciblement à son esprit; il ne peut la chasser, Camille la lui rappelle sans cesse avec une rage vengeresse.

Dès lors il la tue.

« Il ne sait pas qu'il la tue surtout pour échapper au souvenir de Curiace, dit Louis Herland, et qu'à travers elle c'est l'ombre de Curiace qu'il veut anéantir.

» - Estimez-vous probable que ce soit là la vraie cause du meurtre, la seule? Ou bien direz-vous qu'Horace tue sa sœur par colère et par passion à la fois, parce qu'elle insulte Rome et appelle sur elle la vengeance des dieux? - Etudiez, à la lumière de la psychanalyse, le récit de Camille (vers 183 et suiv.), ses rêves (vers 216 et suiv.), sa réaction à ses rêves (vers 223 et suiv.). Une œuvre de circonstance, d'une vérité toujours actuelle Nous avons souligné, dans notre introduction (p.

14 à 20), qu'Horace était une œuvre « engagée », une œuvre de cir­ constance écrite en pleine guerre contre l'Espagne pour soutenir la politique de Richelieu.

CEoRGES CoUTON,ANTOINE ADAM, BERNARD DORT font la même analyse.

La raison d'Etat triomphe des sentiments humains aussi bien que de la jus­ tice, le crime même de fraticide est « dissimulé » (vers 1755t étouffé.

« Le roi, écrit BERNARD DORT, récupère le héros cor­ nélien, convertissant l'affirmation éperdue de son seul moi en une adhésion à l'Etat et faisant de ce féodal métaphy­ sique, un serviteur, le soutien même de l'Etat.

» Mais la monarchie n'est pas le seul régime à réussir pareille récupération.

« Horace, explique ANTOINE ADAM, est imbu Dossier pédagogique de ce qu'on appelle aujourd'hui une conception totalitaire de l'État [...

].

Nous imaginons aisément, trop aisément hélas, la vie de ce jeune héros, et par quelles voies une éduca­ tion fanatique l'a mené jusqu'à l'héroïsme et jusqu'au crime.

» - Le même homme peut-il être, à votre avis, un héros et un fanatique, un héros et un assassin? Pourquoi Horace accepte-t- -, il d'obéir aveuglément (v.

492), avec allégresse (v.

499), à n'importe quel ordre de Rome, contre qui que ce soit (v.

491), c'est-à-dire même contre ses plus proches amis, ses plus proches parents? - Le même homme peut-il être à la fois courageux, humain, résolu à faire son devoir, - et le faire mal, causer sans le vouloir certes, mais par sa faute, sa propre perte et celle de son pays? Qu'est-ce qui condamne finalement Curiace? Est-ce son « humanité »? - Le vieil Horace vous paraît-il plus, ou moins,.... »

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