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La folie Avec « Le Journal d'un fou», Gogol s'inscrit explicite­ ment dans une tradition littéraire du thème de la...

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« La folie Avec « Le Journal d'un fou», Gogol s'inscrit explicite­ ment dans une tradition littéraire du thème de la folie. Expérience-limite, tragique, la folie a intéressé les écrivains depuis !'Antiquité. Dans la première moitié du x1xe siècle, bien que la médecine ait commencé à étudier la folie, celle-ci reste entourée d'un certain mystère, Elle paraît à la fois plus proche qu'autrefois et toujours redoutable.

À l'époque de Gogol, de nombreux écrivains, Balzac, Hoffmann, Edgar Poe s'intéressent à ce phénomène. .

. La titre « Le Journal d'un fou» annonce une omnipré­ sence de la folie dans ce texte.

Mais la folie est présente également dans les autres nouvelles de Gogol, identifiable par le vocabulaire : les mots «folie», «démence», «délire» y figurent à plusieurs reprises.

« Le Nez» fait exception : aucun personnage n'est décrit comme fou.

C'est l'histoire qui relève elle-même de l'absurde. Quelles sont les formes de la folie? Quelles en sont les causes, donc les significations? FORMES DE LA FOLIE Dans les Nouvelles de Pétersbourg, la folie prend des formes variées.

Mais seul « Le Journal d'un fou», centré sur la folie, analyse celle-ci selon une évolution qui conduit le fou vers l'internement.

Évoquons d'abord les autres nouvelles afin de mieux montrer l'originalité du «Journal d'un fou». La folie dans « Le Portrait», « Le Manteau » et « La Perspective Nevski » • Formes mineures Certains personnages connaissent des formes mineures de la folie, du moins en apparence.

Telles sont (au début) la « joie délirante» (p.

123) de Tchartkov, invité dans la haute société, ou celle du « personnage important» du «Manteau» recevant son titre d'excellence(« ...

son esprit s'égara», p.

266). Mais, à moyen terme, Tchartkov, devenu peintre à la mode, perdra son talent.

Il se sera donc perdu lui-même.

À court terme, la folie du « personnage important» l'amènera à perdre « tout contrôle sur soi-même » (p.

266) et à se comporter de façon « insupportable» envers ses inférieurs.

Cette folie provoquera la mort d'Akaki puis sa vengeance posthume. • La folie furieuse La perte de soi-même, celle d'autrui, ou les deux, sont les conséquences de formes de folie furieuse. Dans « Le Portrait», la folie furieuse domine, que ce soit celle de Tchartkov ou celle du peintre B***.

Ils en sont atteints lorsqu'ils ont pris conscience de la perte de leur talent et deviennent tourmentés par l'envie. · Chez Tchartkov ce sont d'abord, devant le chef-d'œuvre d'un autre peintre, des réactions qui échappent au contrôle de sa raison : larmes, sanglots (p.

135}.

Puis il gravit un palier dans la folie par ses actes de vandalisme.

Il se conduit alors en bête féroce : « Quand il avait payé très cher un tableau, il [.

,.] se jetait dessus comme un tigre pour le lacérer, le mettre en pièces, le piétiner en riant de plaisir» (p.

137).

Enfin cette folie devenue « infernale manie», « monstrueuse passion », le transforme aux yeux de son entourage en démon et en « terrible fléau» (p.

137).

Il n'est plus lui-même mais agit comme un instrument du « ciel en courroux» (p.

137). Dans la seconde partie du «Portrait», la folie furieuse pousse des personnages vers la persécution, le meurtre ou la tentative de meurtre.

Tels sont le mécène, avec ses « effroyables accès de folie furieuse» (p.

148) et le prince R***.

Seul le père du peintre se domine, après avoir été dominé par l'envie.

Il retourne son agressivité contre le portrait maléfique qu'il a lui-même peint: « Il [...

] s'empara du portrait de l'usurier, réclama un· couteau et fit allumer du ·feu afin de le couper en morceaux et de le livrer aux flammes» (p.

155-156).

C'est opposer le feu purificateur au feu de l'enfer et donc, ici, sortir de la folie. En revanche, cette folie furieuse finit par dévorer Tchartkov comme Akaki Akakiévitch, dont le narrateur décrit l'agonie ainsi : il « délira sans arrêt jusqu'à sa dernière heure» (p.

270). À propos de Tchartkov, Gogol prend soin de distinguer, à l'aide de termes médicaux, les maladies physiques (« fièvre maligne», « phtisie galopante») et « les symptômes d'une démence incurable» (p.

138).

Il note deux séries de symptômes auxquels ressemblent ceux qui affectent Akaki lorsqu'il est à l'agonie : des hallucinations et un dérèglement du langage. Pour Tchartkov comme pour Akaki, le lecteur peut observer des effets de grossissement des souvenirs.

Ceux-ci se transforment en visions : d'«yeux» chez le premier, d'un effrayant « manteau » chez le second.

Chez le peintre s'ajoutent des effets de multiplication des visions et de déformation du réel: « la pièce s'élargissait, se prolongeait à l'infini» (p.

138). On rapprochera également les « paroles décousues» et les « abominables lamentations » de Tchartkov des « horribles jurons» et des « paroles incohérentes» d'Akaki (p.,.270). Dans « La Perspective Nevski », le narrateur suit étape par étape la folie du peintre Piskariov à partir de la première déception que lui cause sa belle «inconnue».

C'est d'abord un rêve.

Il rêve qu'il cherche la femme aimée au milieu d'une foule, proliférante, étouffante : « Il se précipita comme un fou à travers la cohue» (p.

66).

Puis, le narrateur évoque le début d'une schizophrénie du héros, c'està-dire d'un dédoublement de sa personnalité, ici entre des journées vides et des nuits peuplées de songes.

Le héros prend certes conscience de ce dédoublement, un « éternel divorce entre le rêve et la réalité» (p.

70-71 ), mais il l'a déjà accru par l'opiomanie : « L'usage de l'opium surexcitait davantage encore ses pensées» (p.

71 ). L'échec de sa demande en mariage, et surtout les propos, vulgaires et « l'existence vile» (p.

74) de la jeune femme, aggravent encore la folie de Piskariov.

Gogol évoque l'errance de Piskariov et son apparence hallucinée: « blême, l'air hagard, les cheveux en désordre, le visage marqué des signes de la folie» (p.

74). L"'originalité du « Journal d'un fou » « Le Journal d'un fou» est apparu dans la tradition littéraire comme un exemple d'analyse clinique de la folie.

Il se distingue des autres Nouvelles de Pétersbourg comme le seul récit qui soit écrit à la première personne. Mais cette écriture à la première personne n'est pas l'originalité essentielle du texte, ni par rapport aux œuvres de l'époque sur la folie, ni par rapport aux autres nouvelles.

Cette originalité réside dans le statut inhabituel du personnage de fou.

En effet, ce n'est ni un artiste ni un esthète riche et oisif.

La folie touche ici un « conseiller titulaire», c'est-à-dire un petit fonctionnaire 1 , Gogol rend ainsi la folie de son héros encore plus proche du lecteur. Ainsi, Gogol se met à la place de son fou.

Il parvient à nous montre~, palier par palier, la progression de Poprichtchine vers l'aliénation mentale, au sens de trouble, qui rend étranger à soi-même (alius: « un autre»). • La montée de la folie Pour le lecteur, les signes de la folie de Poprichtchine sont présents dès le début de son journal où l'employé attribue à son chef de section ce soupçon sur sa santé mentale : « Comment se fait-il que tu aies toujours un pareil brouillamini dans la cervelle, frère? » (p.

167.) Et, comme nous l'avons vu2, sa perception d'une conversation entre deux chiennes n'a qu'une explication naturelle : la folie.

Les propos qu'il dit avoir adressés à la jeune maîtresse de la chienne Fidèle : « J'ai besoin de parler à votre chienne» (p.

178) traduisent à coup sûr un comportement déviant.

C'est ce que confirme la réaction de la jeune fille: «Je crois que la jeune fille m'a pris pour un fou car elle a semblé extrêmement effrayée» (p.

179).

Il prétend alors qu'il a réussi à intercepter une correspondance entre deux chiennes, Fidèle et Medji, la chienne de la fille de son directeur. Mais au fur et à mesure que Poprichtchine lit et transcrit cette correspondance, ses commentaires laissent percevoir 1.

Voir le chapitre 14. 2.

Voir le chapitre 9. une aggravation de son état morbide.

Peu à peu, des commentaires qui traduisent la confusion mentale (« Peut-être y trouverons-nous quelque chose de plus sensé», p.

181) font place à d'autres qui marquent une évolution vers la paranoïa puis vers la schizophrénie. • Vers la paranoïa et la schizophrénie La lecture des propos que Medji aurait écrits à son sujet («avorton» par exemple) entraîne chez Poprichtchine un sentiment âe persécution.

Il se croit victime de.... »

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