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La grande peur La peur du chômage est en partie instinctive, irraisonnée, en partie due au souvenir de la crise...

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« La grande peur La peur du chômage est en partie instinctive, irraisonnée, en partie due au souvenir de la crise mondiale.

En 1959, sur 100 français donnant leur avis, 72 s'attendent à une crise de chômage, dont 31 à une crise importante, En 1960, tandis que les classes pleines, nées après 1945, commencent à sortir de l'école, la France est saisie d'une grande peur.

Les prévisions annoncent, en dix ans, une augmentation d'un million pour les personnes actives, d'un million et demi pour les inactives.

Donc deux millions et demi de consommateurs de richesses, qu'il va falloir pourvoir.

Lesquels inspirent la grande frayeur ? Au rebours du sens commun, ce sont ceux qui sont appelés à enrichir le pays par leur activité qui font peur.

Où trouvera-t-on un million d'emplois en période de progrès technique? Le IVe Plan lui­ même est étonnamment faible sur ce point. En 1962, aucun malheur ne s'est produit, mais la grande peur s'accen­ tue : 800 ooo Français vont revenir d'Algérie, dont 350 ooo actifs au moins : une classe, 250 ooo hommes environ, va être démobilisée; en outre, les jeunes classes montent et les paysans affluent vers les villes. L'anxiété est générale : les experts (I.N.S.E.E., Comptes de la Nation) annoncent par euphémisme« une forte détente de l'emploi».

Les syndicats ouvriers demandent la réduction immédiate de la semaine du travail, pensant, selon une illusion fort apparentée, que cette opération réduira le chômage, en partageant entre tous « le travail existant », comme on partage des produits en période de pénurie. Quinze mois plus tard, en septembre 1963, le suremploi s'est encore accentué, et du coup les prix ont tellement monté que le commerce extérieur se dégrade et menace de sombrer.

Force est alors de stopper brutalement l'expansion, au risque de créer cette fois du chômage pour de bon, par ignorance, par soumission au mythe. Entre temps, il a fallu faire venir cent mille travailleurs étrangers en arrachant un à un les consentements à un service de la main-d'œuvre éperdument malthusien 1• De même que chaque armement nouveau provoque l'indignation des hommes, qui n'acceptent que les anciennes façons de tuer, de même chaque progrès technique de nature nouvelle soulève une vague d'émotion, sinon de panique. C'est en particulier le cas du dernier en date, l'automation, au moment où le terme et les méthodes se répandent en France.

Chargé de magie, ce mot inspire le sentiment plus que la raison, les prévisions sont du plus rose ou du plus sombre.

Ce sera, selon les uns, le loisir étendu et général; selon d'autres voix, une vague de chômage s'abattra sur le pays.

Fée bien­ faisante ou fée Carabosse, mais fée à coup sûr. Des exemples « terrifiants » sont cités et reproduits, où l'on voit dix hommes faire le travail de trois mille, et par suite les supprimer.

Un grand hebdomadaire annonce que, du fait de l'emploi des machines automatiques dans les banques, les assurances etc., il n'y aura, dans quinze ans, plus d'employés.

Et, comme toujours, les experts cèdent.... »

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