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LA HONGRIE AU XXe SIÈCLE Jusqu’au début du xxe siècle, la Hongrie était un grand pays (géographiquement parlant) occupant la...

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« LA HONGRIE AU XXe SIÈCLE Jusqu’au début du xxe siècle, la Hongrie était un grand pays (géographiquement parlant) occupant la totalité du bassin des Carpates sur une surface d’environ 283 000 km2, presque aussi vaste que l’Italie actuelle, voire plus étendu si l’on y inclut le territoire croate qui, autonome, en faisait à l’époque partie, jusqu’en 1918.

Il est vrai que, depuis le xvie siècle, le royaume de Hongrie n’était pas indépendant : possession des Habsbourg, gouverné pendant longtemps comme l’une des nombreuses provinces de l’Empire autrichien, il a toutefois reconquis sa souveraineté intérieure dès 1867, dans le cadre de la fameuse Double Monarchie austro-hongroise, acceptée par l’empereur François-Joseph battu en Italie à Solferino (1859) par les Français et défait à Sadowa (1866) par une Prusse montante. L’effondrement. Mais tout change en 1918, à la suite de l’effondrement des « puissances centrales » (Allemagne, Empire austro-hongrois, Empire ottoman) au terme de la Grande Guerre.

Celle-ci, de la Serbie à la Pologne en passant par les Tchèques et les Roumains, avait allié aux Occidentaux toutes les nations bafouées ou frustrées de l’Europe « médiane ».

Pour la Hongrie, la défaite militaire entraîne un triple bouleversement.

C’est la fin de l’union avec l’Autriche sous l’autorité des Habsbourg.

C’est aussi le début d’une période qui verra s’enchaîner deux révolutions et une contre-révolution en moins de douze mois. C’est enfin le crépuscule et la fin de la Grande Hongrie léguée par neuf siècles d’histoire.

Dès 1918 en effet, la Hongrie perd ses marches méridionales (serbo-croates, dont la Voïvodine), sa province bien chérie de l’Est montagneux (la vaste Transylvanie, déclarant son union avec la Roumanie et aussitôt occupée par des troupes roumaines), cependant que, du côté nord, elle se trouve attaquée par une armée tchèque secondée par la population locale, majoritairement slovaque, de la Hongrie septentrionale.

Le traité de paix de Trianon (1920) imposé à la Hongrie par des Alliés insensibles à sa grandeur passée ne fait que préciser et légaliser toutes ces pertes en les aggravant.

Aussi ce traité restera-t-il pour tous les Hongrois synonyme d’humiliation nationale et d’injustice flagrante. À la suite de ces bouleversements, la Hongrie se retrouve donc indépendante (sa qualité d’État souverain lui étant quand même reconnue par les traités de Versailles et de Saint-Germain) et diminuée : plus des deux tiers de son territoire d’antan ont été attribués à des États ennemis anciens et nouveaux. Ces territoires abritaient 60 % de la population de la Hongrie d’avant 1918, soit plus de dix millions de personnes dont plus de trois millions de langue maternelle et de culture magyares.

La majorité de ces derniers se retrouvent citoyens roumains, la nouvelle Tchécoslovaquie héritant quant à elle d’un million de Magyars et le royaume des Serbes, Croates et Slovènes (la première Yougoslavie) d’un petit demi-million.

Un changement territorial de cet ordre-là aura été, convenons-en, assez insolite en Europe, du moins avant 1939.

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que l’irrédentisme se soit installé depuis lors comme une donnée permanente de la sensibilité politique hongroise, à la fois comme leitmotiv de politique étrangère et comme obsession de quelques générations successives.

Si la Hongrie de l’entre-deux-guerres commence par se tourner vers l’Italie de Mussolini et finit par choisir l’alliance avec Hitler, c’est fondamentalement à cause de la blessure reçue en 1919-1920.

La descente en enfer de la Hongrie, entre 1918 et 1945, est une leçon d’histoire dans la mesure où elle démontre qu’on ne peut impunément humilier au-delà du raisonnable une nation tout entière. Deux révolutions et une contre-révolution. Cet itinéraire aura toutefois eu une autre cause majeure, elle aussi liée aux bouleversements de 1919-1920.

Les deux révolutions de l’époque - la première, démocratique, marquée par la figure du comte de Karolyi, et la seconde, celle de Béla Kun et de sa République des conseils, communiste et sectaire - ont fini par jeter une majorité de Hongrois dans les bras d’un régime traditionaliste et autoritaire préparé par la contre-révolution blanche agissant sous l’autorité de Miklós Horthy.

Ce régime, formellement parlementaire, mais dominé en réalité par un parti majoritaire, se dit national-chrétien, national au sens de l’irredenta et chrétien à celui d’un antisémitisme viscéral.

Bien qu’il n’envisage pas de rétablir les Habsbourg sur le Trône, le régime, curieusement, se donne pour « royal » sous l’égide d’un « gouverneur », M.

Horthy, un contre-amiral à la retraite, élu à vie à ce poste en 1920 par une Assemblée nationale régulièrement constituée.

Horthy aura été à la fois le chef militaire de la contre-révolution et l’artisan du retour à la « normalité », cette dernière se définissant par le maintien d’une structure sociale hautement inégalitaire et d’une idéologie passéiste.

Cependant, l’ambiance générale du régime favorise d’emblée, et plus encore dans les années 1930, la montée d’une opposition différente des précédentes, à savoir celle des fascistes, les Croix fléchées, d’abord admirateurs, puis alliés efficaces du nazisme allemand.

Aux élections de 1939, ces derniers captent un tiers des suffrages exprimés, là où ils sont parvenus à présenter leurs candidats, et 10 % des mandats à l’échelle nationale.

L’extrême droite est par ailleurs fortement implantée dans les forces armées et la gendarmerie. Fascisme, puis stalinisme. Outre ses aspirations nationales, ces sympathies idéologico-politiques poussent la Hongrie dans les bras de l’Allemagne nazie et de ses alliés.

Une fraction non négligeable de l’élite gouvernementale, dont les chefs de gouvernement Istvan Bethlen (1921-1931) et Pal Teleki (1939-1941), a pourtant conscience du risque que la Hongrie court et estime qu’elle doit rester sinon neutre du moins non belligérante.

Mais avec la disparition de l’Autriche (1938) puis de la Tchécoslovaquie (1939) et de la Pologne (1941), annexées ou placées sous administration allemande, enfin avec l’invasion de la Yougoslavie par les forces de l’Axe au printemps 1941, l’étau se resserre autour de la Hongrie.

Ses bons rapports avec Hitler ont permis à la Hongrie, entre 1938 et 1941, de rétablir sa souveraineté sur une partie des territoires et des populations magyarophones perdus en 1919-1920 : Slovaquie du Sud, nord de la Transylvanie, Ruthénie subcarpatique, une partie de la Voïvodine… Ce considérable gain territorial depuis 1938 aura été un puissant motif de l’entrée en guerre de la Hongrie contre la Russie soviétique le 27 juin 1941. Il s’ensuivra la mort de près de 200 000 soldats et de 40 000 forçats juifs envoyés sur le front de l’Est et l’occupation militaire de la Hongrie par l’armée allemande en mars 1944, suivie de la déportation d’un demi-million de Juifs.

L’extrême droite prend le pouvoir en octobre 1944 en réponse à une timide tentative de l’amiral M.

Horthy de sortir son pays de la guerre (de même qu’à son refus de laisser déporter la communauté juive de Budapest).

Dès l’été 1944 et jusqu’à l’occupation totale du territoire hongrois par les troupes soviétiques en avril 1945, la Hongrie est transformée en champ de guerre, le long siège de Budapest se soldant par une destruction massive et un pillage systématique.

Enfin, avec le passage du pouvoir administratif aux mains de l’occupant soviétique et des forces politiques suscitées par ses faveurs, la Hongrie historique et traditionnelle, du moins ce qui en était resté après 1920, cesse d’exister.

Aux termes des traités de paix, la Hongrie doit rendre à la Roumanie la Transylvanie du Nord, le sud de la Slovaquie, la Ruthénie subcarpatique. L’après-guerre commence toutefois moins mal que ce que laisse augurer l’effondrement initial.

Au départ, la formule politique adoptée par Moscou pour la Hongrie n’est pas la « communisation », mais une sorte de démocratie pluraliste plaçant le Parti communiste (PC), incontestable favori de l’occupant, en coalition avec d’autres partis, certes de gauche au sens de l’antifascisme, mais non communistes.

Des élections presque libres, en novembre 1945, permettent de constituer un gouvernement dirigé par un parti paysan modéré.... »

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