La langue parlée utilise fréquemment le terme «romanti que» de façon déviée. Sont dits «romantiques» un pay sage de campagne...
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La langue parlée utilise fréquemment le terme «romanti
que» de façon déviée.
Sont dits «romantiques» un pay
sage de campagne fleurie, une sombre forêt et son lac
profond, ou encore l'exotisme reposant et frais d'un lagon
bleu·...
L'adjectif suggère le rêve et s'agrémente d'un
ensemble de significations parmi lesquelles le romanesque
tient une grande place.
On n'imagine pas, en effet, qu'un
de ces pàysages merveilleux ne puisse être le cadre d'u�e
belle histoire d'amour dont les héros, ténébreux et sédui
sants, seront à coup sûr des «héros romantiques» !
C'�st oublier que l'adjectif«romantique» est étroitement
apparenté à un mouvement d'idées et de sensibilité· du
XIXe siècle.
On ne peut comprendre le héros romantique
si l'on ignore les origines du courant culturel qui bouleversa
certains pays d'Europe à la fin du XVIIIe siècle et se déve
loppa en France dans la première moitié du XIXe siècle.
LES DONNÉES LITTÉRAIRES ET HISTORIQUES
On ne voit souvent le XVIIIe siècle - le Siècle des Lumiè
res - que sous son aspect rationaliste, philosophique et con
testataire.
Et l'on pense alors surtout aux fi gures qui
illustrent ce courant, celles des philosophes, des encyclo
pédistes.
Or il existe aussi, parcourant le siècle de bout en
bout, un courant sensible qui, né avec Marivaux et Pré
vost, atteint son apogée avec Rousseau.
Cette sensibilité
qui attache une grande importance aux émotions, aux élans
du_cœur, à la communion avec la nature, trouve un écho
et des correspondances dans la littérature européenne de
la mêm_e époque.
En Allemagne, le mouvement « Sturm und Drang»
(« Orage et Assaut ») éclate dans les années 1770-1780 avec,
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entre autres ecnva1ns
et poetes,
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Burger • Il est caractérisé par l'exaltation du moi, par le
goût dramatisé des paysages sauvages et des tempêtes, par
la célébration des passions.
Il se nourrit de vieilles légendes à tendance fantastique, se manifeste par une délectation morbide pour les états de rêverie mélancolique et pour
la mort.
En Angleterre, dès 1760, le poète écossais Macpherson
publie des textes en réalité écrits par lui, mais attribués à
un barde du IIIe siècle, Ossian.
Ce« retour» à une poésie
primitive imprégnée de mythologie celtique contribue au
développement du goût pour la violence des passions, pour
les forces de la nature.
On a déjà un avant-goût du
romantisme.
Sur le plan historique, les bouleversements politiques de
la Révolution de 1789 entraînent toutes sortes de transformations sociales.
L'arrivée au pouvoir de Napoléon fait naître un espoir fou chez les jeunes gens nés au début du
XIX0 siècle (ceux que Musset 2 appelle les« enfants du siècle»).
L'exemple du petit caporal devenu empereur, la création d'une nouvelle aristocratie auréolée des gloires de
l'Empire laissent espérer à ceux qui ne possèdent ni nom
ni fortune la possibilité d'un avenir brillant conquis à la
pointe de l'épée.
Les campagnes napoléoniennes peuplent
de faits d'armes et d'héroïsme les rêves des adolescents de
1810.
Ils reçoivent avec délectation les échos embellis des
batailles et des succès.
Et voilà que 1815 met fin au rêve!
Waterloo marque le dénouement tragique de l'épopée napoléonienne, et les espoirs de gloire s'écroulent avec elle.
Après 1815, la Restauration reconstruit un ordre traditionnel, n'apportant qu'amertume et chagrin à tous ceux qui
attendaient de l'histoire la réalisation de leurs espérances.
1.
2.
4
Goethe (1749-1832) - Schiller (1759-1805) - Burger (1747-1794).
Dans la Confession d'un enfant du siècle, voir p.
8.
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La sensibilité, qui caractérise la fin du XVIIIe siècle et les
tendances à l'introspection et au repli sur soi trouvent dans
ces circonstances et dans cette atmosphère de désillusion
un terrain privilégié.
Sensibles et déçus, amers et mélancoliques, les jeunes gens nés avec le siècle sombrent dans
le« mal de vivre».
Le porte-parole de cette génération souffrante est le héros romantique.
LE HÉROS ROMANTIQUE
Il est intéressant de constater que si le héros romantique
est une création romanesque et théâtrale, il est aussi le
miroir des écrivains eux-mêmes, nés avec le siècle ou un
peu avant.
Romanciers, poètes, dramaturges, tous ont
porté en eux les espoirs et les rêves qu'ils prêtent à leurs
personnages.
Quant à ceux-ci, ils présentent un certain
nombre de caractéristiques communes qui permettent de
définir un type de héros, différent du héros classique du
XVIIe siècle ou du héros« absurde» du XXe siècle.
• Le miroir d'une génération d'écrivains
Chateaubriand, le premier, crée, dans René (1802), un héros
à son image, qui porte le même prénom (René) et souffre
de multiples incertitudes.
Stendhal, dans le Rouge et le Noir
(1830), fait de Julien Sorel un fervent admirateur de Napoléon comme il le fut lui-même.
Balzac s'incarne en Lucien
Chardon, ce jeune homme pauvre des Illusions perdues
(1843), qui rêve de conquérir la gloire par la littérature et
s'essaie avec persévérance à imiter Walter Scott ou Byron.
Lorenzaccio permet à Musset d'exorciser ses déchirements.
Comme Perdican 1 , Coelio ou Octave 2 , Lorenzo est....
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