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■ LA LIBERTÉ. REPÈRES LA LIBERTÉ: UN PROBLÈME SURDÉTERMINÉ. • Dire de la liberté qu'elle constitue le point de rencontre...

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« ■ LA LIBERTÉ. REPÈRES LA LIBERTÉ: UN PROBLÈME SURDÉTERMINÉ. • Dire de la liberté qu'elle constitue le point de rencontre et de cristallisation de multiples problèmes, c'est souligner avant tout le caractère hypothétique d'une notion dont les contours restent le plus souvent mal définis.

Tel quel, le terme lui-même recouvre une dou­ ble abstraction - la première, par rapport aux libertés concrètes et spécifiées, que nous définirons non seulement comme des droits, mais comme au­ tant de pouvoirs pratiques d'exercer ces droits (s'instruire, se culti­ ver, s'exprimer, aller au théâtre, se reposer, etc.) ; - la seconde, par rapport aux multiples individus qui peuvent être pensés comme les « tenants » de cette liberté. En bref, peut-on parler de la liberté sans préciser : le contenu particulier des libertés ? - la nature du sujet caractérisé comme libre ? • Indépendamment de l'indétermination du terme, il faut signaler que la conception même de la liberté, le contenu des aspirations qu'elle recouvre n'ont cessé d'évoluer avec la façon dont l'homme appréhendait les forces qu'il avait à maîtriser pour affirmer son exis­ tence.

La première évidence apparente de la liberté est de nature psychologique : je peux « affirmer ou nier », comme dit Descartes, et cette faculté authentifie l'existence d'un libre arbitre.

Les Stoî­ ciens, étendant le libre arbitre à l'affectivité, s'efforçaient de montrer que, le pouvoir de l'homme sur les choses étant très limité, sa fa­ culté de contrôler ses réactions définit véritablement sa réalité d'être libre.

Mais une telle conception parait pour le moins insuffisante dès qu'on pose une norme au libre arbitre, et qu'on évoque la nécessité d'en faire bon usage.

Il ne suffit pas d'avoir un libre arbitre ; il faut aussi être efficace.

Un libre arbitre aveugle n'est-il pas en fin de compte la pire des aliénations, puisque l'ignorance condamne l'homme « libre » aux errances continuelles ? l'Éthique grecque ne s'y trompait pas, qui indexait toujours l'art de vivre sur la connais­ sance, et insistait davantage sur le savoir qui mène au bien que sur la faculté de choix.

Dans la tradition judéo-chrétienne, le libre arbi­ tre de la créature ne semble pas pouvoir être dissocié de son imper­ fection originelle, Paradoxe d'une faculté de choix qui ne trouve à s'employer qu'en raison des limites, voire de la faillibilité originelle, ces), puis la philosophie critique (théorie kantienne des facultés de connaissance); - avènement du sujet-individu de l'économie politique (dissolution historique progressive des groupements féodaux).

Formulation de l'égalitarisme juridique qui permet d'émanciper le sujet économique (initiative individuelle) et politique (modèle du contrat). L'essor des sciences humaines et l'élucidation corrélative des as­ pects concrets de la réalité ont problématisé·· la définition tradition­ nelle du sujet, en soulignant l'importance décisive des facteurs rela­ tionnels dans la formation du psychisme (cf.

Freud), la maturation intellectuelle (cf.

Piaget) et le statut des individus eux-mêmes (cf. Marx : classes sociales et rapports de production).

Dans le contexte de ces apports, on peut ressaisir l'intérêt d'une philosophie comme celle de Spinoza, qui assignait à la réalité humaine une place bien précise dans une totalité vivante où s'enchaînent des causalités mul­ tiples, et problématisait l'idée traditionnelle d'un libre arbitre défini comme propriété d'un sujet préconstitué. • Les différentes (< figures >> prises par la liberté renvoient donc à des conceptions générales, liées à des points de vue différents : - Tantôt pouvoir de l'être sur lui-même; maîtrise de soi.

[Si cette question a un sens au niveau du libre arbitre psychologique des Stoî­ ciens ou de la pensée classique, elle est complètement transformée et renouvelée dans ses termes à la lumière de la psychologie mo­ derne et de la psychanalyse.] Tantôt pouvoir de l'être sur les choses; maîtrise de la nature [liberté comme transformation active du donné]. - Tantôt pouvoir de l'être sur la société; maîtrise du développe­ ment économique et social [avec, entre autres, neutralisation des illusions idéologiques diverses et transformation active du contexte social]. • Il semble bien, en définitive, que la liberté recouvre autant de mythes que de problèmes réels.

Proclamer la liberté en droit sans la promouvoir en fait est une duperie à fonction idéologique évidente. La dissociation des principes et de la réalité effective reste toujours suspecte de ce point de vue.

Quant à la triple maîtrise de l'homme sur les choses, la société et lui-même, elle ne peut apparaître en fin de compte dans son unité qu'au terme d'une longue et difficile conquête historique, où la conscience de la nécessité mène plus vite au but que d'illusoires libertés qui tiennent à la méconnaissance des déterminismes réels. • La distinction ainsi établie entre l'expérience intérieure de la liberté (sentiment de « pouvoir choisir»} et l'accomplissement progressif d'une libération (conquête de pouvoirs réels) permet de récuser l'op­ position stérile entre l'abstraction du libre arbitre et le fatalisme qui se transforme en alibi (« Nous sommes déterminés, donc non respon­ sables »l.

Si l'homme ressent une certaine liberté intérieure (de pen­ ser ou de vivre sa condition comme il l'entend), il n'en éprouve pas moins un certain vertige dès qu'il doit définir les normes de son action.

Sa volonté, théoriquement libre, n'est-elle pas assujettie aux limites d'une connaissance forcément partielle, qui ne lui livre pas tous les éléments en jeu dans une situation donnée ? Si tout n'est pas prévisible, tout n'est pas maîtrisable.

L'homme doit donc à la fois maintenir l'exigence d'une lucidité toujours plus vive, et savoir prendre des risques.

Cette part de risque est peut-être ce qu'il y a d'irréductible et de spécifique dans le problème de la liberté.

Sur une échelle allant du plus bas degré du savoir (qui est l'ignorance non consciente d'elle-même et occultée par des préjugés) à l'idéal asymptotique d'une connaissance dont la plénitude rendrait certaine la réussite de toute action envisagée, s'inscrivent tous les degrés d'une liberté qui, comme le dit Sartre, est toujours « en situation >l. Le volontarisme d'un libre arbitre abstrait conduit à augmenter la part de risque, et ce au nom de la promptitude nécessaire de l'ac­ tion.

Combinant la précipitation et un certain obscurantisme pragma­ tique, il aboutit souvent à l'inefficacité, quand il n'entretient pas les dangereuses illusions du spontanéisme.

Le fatalisme qui transforme en alibi la référence aux circonstances repose.

lui aussi, sur une.... »

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