La liberté se définit-elle comme un pouvoir de refuser? COUP DE POUCE ■ Analyse du sujet - Refuser quelque chose,...
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La liberté se définit-elle comme un pouvoir
de refuser?
COUP DE POUCE
■
Analyse du sujet
- Refuser quelque chose, est-ce automatiquement accepter autre
chose?
- Indépendarnrnent de l'aspect moral ou politique, penser que l'on
peut évoquer la liberté d'un point de vue anthropologique : la culture
comme négation ou refus du donné naturel.
- Comment situer le choix, grâce auquel on caractérise souvent la
liberté, par rapport à un« pouvoir de refuser »?
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Pièges à éviter
- Ne pas énumérer les grandes conceptions ou définitions de la liberté
que vous pouvez connaître : il s'agit ici de répondre à une question pré
cise, et non de faire un discours s'égarant dans des considérations géné
rales.
- Pas de contresens sur « pouvoir » : c'est à la fois la possibilité et le
droit, mais cela n'implique pas une puissance exercée sur l'autre.
- Pas de plan en« oui...
mais...
» : le correcteur n'a pas à choisir votre
thèse à pile ou face en fin de copie.
CORRIGÉ
[Introduction]
La liberté est certainement l'une des idées les plus discutées dans l'his
toire de la philosophie.
Correspond-elle à un simple désir de l'individu?
Est-elle immédiatement donnée? Faut-il au contraire la conquérir peu à
peu? La signification du mot reste-t-elle constante selon qu'on l'examine
relativement à un individu ou à une collectivité? Doit-on en distinguer
différentes acceptions (morale, politique, sociale...), ou peut-on espérer
les harmoniser dans une définition globale? Veut-il mieux tenter de la
définir de manière positive (par référence à ce qu'elle autorise) ou de
façon négative - comme pouvoir de refuser, sans plus de précision? À
moins d'en venir à concevoir que son éventuelle négativité ne serait
qu'une préparation à une dimension positive?
[I.
Du politique à l'anthropologique]
L'une des définitions les plus célèbres de la liberté est incontestable
ment celle de Rousseau : « La liberté est l'obéissance à la loi qu'on s'est
prescrite».
Mais il s'agit de la liberté civile ou politique, c'est-à-dire de
celle qui doit se déployer dans un corps social organisé pour garantir le
bonheur de ses membres.
L'élaboration de la société, l'entrée dans l'ordre politique, n'est certai
nement pas un phénomène caractérisant l'humanité dès ses débuts.
En
conséquence, la liberté politique telle que la comprend Rousseau pourrait
ne pas désigner la forme la plus radicale de la liberté, qui devrait être
cherchée en amont du social ou du politique.
Cet amont, pour Rousseau, c'est l'homme de la nature, qui n'est encore
qu'un animal solitaire et ne présente en fait, tel qu'il est décrit dans le
Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes,
aucun des caractères de l'homme.
À son propos, Rousseau évoque, non
pas la liberté, mais ce qu'il nomme son « indépendance naturelle»,
simple capacité à ne vivre qu'en suivant ses impulsions et intérêts immé
diats.
Si l'on conserve du schéma rousseauiste - et même en sachant qu'il est
plus théorique qu'historique, mais aussi qu'il a l'avantage, comme l'a
remarqué Lévi-Strauss, de poser le problème du passage de la nature à la
culture - l'idée d'une différence importante entre l'indépendance initiale
et la liberté sociale, on peut deviner que c'est précisément au moment où
se met en place la culture comme phénomène d'humanisation que l'on a
quelque chance de voir affleurer les effets de la liberté et donc d'en saisir
la nature première.
[Il.
Liberté et existence de la culture]
L'anthropologie moderne considère que la culture humaine s'établit à
partir d'un ensemble de phénomènes qui sont tous, de manière plus ou
moins évidente, des refus :
- instauration d'interdits (parmi lesquels le plus fondamental serait la
prohibition de l'inceste, qui est refus de la consommation sexuelle la plus
facile), qui constituent une mise à distance de l'animalité;
- instauration du travail, qui transforme le donné naturel et refuse ainsi
que s'en perpétue l'état premier;
- instauration de rituels - d'une grande variété - ayant pour objet de
préserver le cadavre humain d'une décomposition «naturelle», comme
si, remarque Georges Bataille, le scandale que constitue la mort risquait
d'être contagieux et qu'il convenait donc de s'en protéger.
Ainsi considérée, toute culture se fonde sur un ensemble de négations
de la nature immédiate.
Et s'il est vrai que l'homme doit se concevoir
davantage par son héritage culturel que par référence à une nature hérédi
taire, on en vient aisément à considérer que son humanité même n'existe
que grâce au refus de ce qui serait en lui naturel, c'est-à-dire son anima
lité.
L'animal n'a pas le pouvoir de refuser, car il est entièrement déterminé
par son hérédité, c'est-à-dire par les comportements instinctifs qui lui sont
obligatoires.
En d'autres termes, l'animal n'est pas libre, et l'on peut
admettre que la liberté humaine se manifeste en même temps que le pou
voir de refuser, qui ouvre la possibilité du choix.
Considérer que l'homme
est un être «dénaturé» ou qu'il est libre, c'est faire valoir que tous les
éléments positifs de la culture humaine se fondent sur un refus premier.
[Ill.
La positivité du négatif]
Sans liberté, l'animal est également sans travail - au sens où on prend
ce terme soit lorsqu'il s'agit de l'homme, soit lorsqu'on y comprend la
réalisation d'un projet.
Mais réaliser un projet, n'est-ce pas....
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