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LA LOI BOUDDHIQUE OU DHARMA Ce qu'a été l'intuition illuminante qui s'est «empa-:­ rée» de Siddhârtha Gautama, dit Shâkyamuni le...

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« LA LOI BOUDDHIQUE OU DHARMA Ce qu'a été l'intuition illuminante qui s'est «empa-:­ rée» de Siddhârtha Gautama, dit Shâkyamuni le jour de son Eveil sous un arbre, après une méditation de quarante-neuf jours, nous est, comme tout événement de cet ordre exceptionnel, inconnu et inconnaissable. Mais, d'après la prédication même de Bouddha qui a mis en branle, pendant les quarante-cinq ans suivant son Eveil, la roue de la loi, son contenu fondamental et transmissible nous est connu. Le tableau ci-contre le résume.

Le lecteur aura avantage à y revenir de temps à autre comme à un port d'attache. ► Traditionnellement les Quatre Saintes Vérités se lisent aussi comme une triple révolution à douze aspects de la «roue de la loi», suivant le schéma ci­ après (p.

122): PRÉALABLE : le Dharma s'inscrit dans le questionnement panindien : quelle est la cause du samsâra (cycle des renaissances, sans origine ni fin de par soi-même); cornment en sortir à jamais, s'en libérer? Description à partir d'un· point de vue thérapeutique diagnostic étiologie Les Quatre Saintes Vérités Développements I" vérité: DUHKHA («douleur») Constat: tout est relatif, impermanent, impersonnel, Iransitoire, source de souffrance. Tout est duhkha («douleur», finitude...) • Les Cinq Agrégats (SKANDHAS) ou «groupes d'attachement» • Il n'y a pas d'âtman (âme, soi): anâtrnan • Toul est éphémère (anitya) 2" vérité: TRISHNÂ (« soif») La cause de duhkha et de l'attachement au monde est la «soif• (sexuelle, d'exister, d'en finir) qui nous maintient • La " production conditionnée» (pratîtyasamutpâda) enchaînement de tous les phénomènes dans une interdépendance.

(en amont, au dans le samsâra pronostic 3e vérité : NIRODHA (arrêt, abolttion) Guérir est possible Le cycle du mal-être cesse par arrêt de trishnâ et donc de duhkha. Le nirvâna est atteint remèdes 4• vérité : !'OCTUPLE SENTIER Pour parvenir à la cessation de duhkha il faut pratiquer parfaitement les prescrits a) de moralité (shTia) (3, 4, 5) b) de discipline mentale (samâdhij (6, 7, 8) c) de compréhension-sagesse (prajiiâ) (1,2) présent, en aval) en douze termes» la « soif» a sa source dans I' «ignorance" • les silences de Bouddha : la guérison est facilitée d'autant qu'on ne perd pas son temps à essayer de résoudre d'inutiles et fallacieux problèmes métaphysiques • Mettre fin à I'« ignorance" est éteindre la «soif» et " réaliser" le nirvâna • Utilisation de techniques yogiques • Développements sur la compassion (Karunâ) 1"' révolution : 2• révolution 3• révolution MÉDITATION ACCOMPLISSEMENT 1.

ceci est la douleur 1.

la vérité sainte sur la douleur don être connue 1.

la douleur est connue 2.

ceci est son origine 2.

l'origine de la douleur doit être supprimée 2.

l'origine est détruite 3.

ceci est sa destruction 3.

la destruction de la douleur doit être réalisée 3.

la destruction est réalisée 4.

ceci est le chemin (de la destruction de la doüleur) 4.

le chemin (de la destruction de la douleur) doit être pratiqué 4.

le chemin a été pratiqué VISION Les quatre saintes vérités (Âryasatyâni) C'est le noyau dur du bouddhisme ancien et, jus­ qu'à un certain point, celui de tous les bouddhismes qui en sont comme les branches. a.

La première vérité constate et par là même enseigne que tout est douleur (sarvam duhkham). Tout n'est, et ne peut être, que douleur-finitude du fait même de l'absence de soi, d'âtman (anâtman) en lequel l'individu pourrait trouver sa «permanence». Tout au contraire, l'individu n'est qu'un semblant de moi, une résultante des interactions de «cinq agré­ gats» (skandhas) ou groupes d'attachement, comme nous le verrons plus loin. Du fait aussi que tout est éphémère, impermanent (anitya), tout est yide de substance- propre (shûnyatâ) ce que développera plus tard, de multiples façons, le Mahâyâna.

Vérité qui, comme pour la deuxième et la troisième, est plus à méditer et à réaliser qu'à com­ prendre intellectuellement. b.

La deuxième vérité enseigne que la cause de la douleur, la vérité de son apparition réside dans la soif (trishnâ) qui nous attache au monde.

Cette «soif» est aussi bien la soif sexuelle qui nous pousse à nous lier et à procréer, que celle qui alimente, de multiples façons, notre désir d'exister, comme aussi parfois notre désir d'en finir, comme si la mort pouvait mettre un terme final, par elle-même, à notre obligatoire exis­ tence kaimique. Développant tout ce que cette soif, qui a sa source fondamentale dans l'ignorance, implique comme enchaînement causal, en amont et en aval de cette soif, la production conditionnée (pratîtyasamutpâda), que nous verrons plus loin, synthétise et explicite les conditionnements et interrelations qui font du samsâra la pénible ronde dont il nous faut sortir, nous libérer. Remarquons que pour le bouddhisme «l'ignorance est un état psychologique et, contrairement à cer­ taines explications occidentales, n'a rien de cosmique ni de métaphysique» (E.

Lamotte, op.

cité, p.

39), en quoi il diffère de l'ignorance-nescience de l'advaita hindouiste, selon ce que nous en avons vu. c.

La troisième vérité enseigne que guérir de cette «maladie» est possible pour celui qui cesse, qui arrête (nirodha) de désirer, d'alimenter sa soif, son karma et donc également de souffrir. Tout se passe comme si cessant de désirer, d'atta­ cher de l'importance à ce qui est impe1manent, l'indi­ vidu arrête de se prendre pour un moi substantiel, cesse de s'attacher à ce qu'il prend pour des objets substantiels qu'il serait capable de s'approprier.

Ce faisant, il cesse de souffrir et atteint le nirvâna.

S'il continue d'exister pour un temps, c'est qu'il lui faut épuiser son karma résiduel, fruit de ses vies anté­ rieures, mais il n'en produit plus de nouveau.

Il sait qu'il n'aura plus à renaître, il est nirvané, parinirvâné (complètement «éteint»).

Point n'est nécessaire pour être nirvâné de savoir ce qu'est le nirvâna.

Le nirvâna est question d'urgence: ne plus avoir à renaître.

Qui sait qu'il n'aura plus à renaître puisqu'il a éteint en lui la soif d'exister et mis ainsi un terme à la douleur-fini­ tude (duhkha), a atteint son objectif et d'autant plus rapidement et sûrement qu'il n'a pas perdu son temps à tenter de résoudre d'insolubles problèmes (dont notamment ce qu'«est» le nirvâna) dont la solution éventuelle n'aiderait.

de toutes façons en rien l'extinc­ tion de la soif, de la douleur, en d'autres mots, la ces­ sation de la maladie. d.

La quatrième védté enseigne ! 'Octuple sentier, la Voie (Mârga) à suivre.

Ayant mis fin à l'ignorance par la compréhension des trois premières vérités, une vérité à trois niveaux, qui, elle aussi, dans son ordre, fait pièce à l'ignorance, indique le chemin de la guéri­ son, les remèdes à utiliser qui, progressivement, feront de tout individu moral, mentalement bien discipliné, empli de sagesse, un nirvârié. - La conduite éthique (shîla) qui implique une parole juste (ni mentir, ni médire, ni injurier, ni «bavarder»), une action juste (ni tuer, ni voler, ni for­ niquer) et des moyens d'existence justes (n'entraî­ nant ni soi-même ni autrui à des paroles ou actions injustes), est le préalable indispensable à la progres­ sion spirituelle. - Laquelle passe alors par une discipline mentale · et méditative (samâdhi) amenant le «cheminant sur la bonne voie» à se déconditionner de la production conditionnée (pratîtyasamutpâda). Cette discipline mentale et méditative s'acquiert par un effort persévérant de purification de la pensée, par une prise de conscience de la vraie nature insubstan­ tielle des choses, par une concentration juste qui, d'étape en étape, libère le pratiquant-expérimentant de toute sensation, au point qu'il n'est plus que pure attention. - Cette discipline mentale et méditative acquise, peuvent alors se réaliser la compréhension juste et la pensée juste qui sont la sa_gesse (prajiïâ). L'ignorance est complètement vaincue et se substi­ tue à elle son contraire absolu : une vue pénétrante et sereine, claire et précise du caractère éphémère (ani­ tya), insubstantiel (anâtman) - et partant douloureux (duhkha) - de toutes les choses (dharmas). Au niveau de la discipline mentale et méditative, on pourra avoir recours à des pratiques yogiques. Par ailleurs, dans l'esprit «altruiste» et bodhisatt­ vique du Mahâyâna, à tous les niveaux (moralité, méditation, sagesse) s'ajouteront et se développeront quatre attitudes spirituelles positives : la bonté infinie, la compassion infinie, la joie infinie pour autrui, l 'im­ passibilité infinie. Les cinq agrégats (skandhas) Ayant constaté les caractères, éph�mère (anityâ), insubstantiel (anâtman), et partant douloureux (duh­ kha) et toutes les choses (dharmas), Bouddha en arrive tout naturellement à montrer que ce qui semble un «moi» n'est en réalité, de façon visible et sensible, qu'une combinaison de cinq agrégats et de rien d'autre. Comme nous reverrons, un peu plus en détail, ces cinq agrégats qui fo nt aussi partie des douze «élé­ ments» composant la production conditionnée (pratî­ tyasamutpâda), nous les citerons ici très brièvement. 1.

L'agrégat de la matière ou corporéité ( toutes les choses en tant que constituées d'éléments matériels purs ou combinés : eau, terre, feu, air). 2.

L'agrégat des sensations (contact de l'organe sensoriel et de son objet). 3.

L'agrégat des perceptions (le «concept» qui résulte de ce contact). 4.

L'agrégat des sentiments et volitions (actes, émotions, désirs). 5.

L'agrégat de la conscience (la connaissance qui résulte des perceptions et sensations). « Les cinq agrégats sont inséparables.

Les textes montrent que le passage d'une existence à l'autre, le développement de la conscience sont inexplicables indépendamment de la corporéité, de la notion, de la sensation et des volitions : "Toute sensation, notion et connaissance sont choses associées et non disso­ ciées, il est impossible de les séparer les unes des autres et de montrer leur différence, car ce que l'on ressent, on le conçoit, et ce que l'on conçoit, on le connaît".

» E.

Lamotte, op.

cité, p.

30 «S'il y avait un homme pour dire : je montrerai l 'ap­ parition, le départ, la disparition, la croissance, l'élargissement ou le développement de la conscience indépendamment (c'est nous qui soulignons) de la matière, de la sensation, de la perception et des for- mations mentales, il par lerait de quelque chose qui n'existe pas.» cité in W.

Rahula, L'enseignement du Bouddha, points Sagesse n° 13, Seuil, 1961, p.

45 La production conditionnée (pratîtyasamutpâda) De ce tenne, il existe au moins une dizaine de tra­ ductions différentes : la coproduëtion interdépendante, la production dépendante, la production en dépen­ dance, la production en consécution, la production conditionnée, la production en ensemble conditionné, la production en relation, la production en relativité, etc. L'important est de bien saisir qu'il n'y a ici aucun producteur mais que cela se produit, il s'agit d'une production qui se produit, non que l'on produit. Outre cela, il s'agit aussi de bien voir que la pro­ duction conditionnée détruit automatiquement l'idée d'un Dieu créateur et que ce n'est pas sans raison que l'on définit le bouddhisme comme un athéisme consé­ quent, précisément eu égard au fait qu'en déployant la production conditionnée il décrit un enchaînement causal qui se suffit à lui-même et dont Dieu est néces­ sairement exclu. Résumant l'argumentation de Vasubandhu (pen­ seur mahâyâniste du ye siècle de notre ère), à ce sujet, E.

Lamotte écrit : « 1.

Si les choses étaient produites par une cause unique et immuable, elles naîtraient toutes en même temps; or chacun sait qu'elles naissent successive­ ment.

Si l'ordre de leur production dans le temps dépendait de causes extérieures à Dieu, Dieu ne serait plus la cause unique. 2.

Dieu crée pour sa propre satisfaction ou pour celle des créatures.

S'il crée pour sa propre satisfac­ tion, c'est qu'il a quelque chose à gagner, et il n'est pas Dieu.

S'il crée pour la satisfaction des êtres, comment expliquer que ceux-ci demeurent en proie à toutes les souffrances? 3.

Affirmer l'activité créatrice de Dieu, c'est poser gratuitement une cause invisible et incontrôlable, pour négliger les causes visibles dont l'efficacité peut être constatée à tout instant.

» op.

cité, pp.

436-437 Malgré la netteté de cette prise de position, celle-ci appellerait tout de même quelque commentaire.

Faute de place, nous en laissons le soin au lecteur. Remarquons aussi, en passant, encore un trait de l'athéisme bouddhique, du moins non religieux, car par la suite et populairement le bouddhisme deviendra religieux.

Aucune place n'y est faite à la prière.

Celle­ ci n'aurait aucun sens, puisqu'il n'y a personne à qui l'adresser. Il existe une représentation populaire du pratîtyasa­ mutpâda sous la forme d'une illustration dite Bhava­ Cakra (La Roue de la Vie) - voir p.

130 - que nous ne commentons pas, laissant au lecteur le soin de méditer sur les rapprochements et enchaînements qu'elle donne à penser. Les explications plus «savantes» qui suivent lui permettront de faire le point. La règle formelle de production conditionnée s'ex­ prime selon la formule classique : « Ceci étant, cela est; ceci apparaissant, cela apparaît. Ceci n'étant pas, cela n 'est pas; ceci cessant, cela cesse.

» 1 Ce qui signifie, d'une pa1i, que « le cercle de l 'exis­ tence (bhavacakra) est sans commencement; la nais­ sance en raison des passions et des actes ; les passions et les actes en raison de la naissance; la naissance en raison des passions et des actes.

» (E.

Lamotte, op.

cité, p.

42.) Et ce qui indique, d'autre part, que le conditionne­ ment se lit en ordre croissant (de 1 à 12, comme nous le verrons) et le déconditionnement se lit en ordre décrois­ sant (de 12 à 1).

L'ignorance cessant, on s'éjecte de la productiori conditionnée.

Autrement dit, s'étant décon­ ditionné de tous les conditionnements et interrelations, on cesse par là même d'être dans l'ignorance.

Celle-ci cessant, cesse le pratîtyasamutpâda. Les douze «éléments» du pratÎtyasamutpâda 1.

l'ignorance (avidyâ), comme point de départ, sans commencement, l'état dans lequel se trouve tout vivant. 2.

Conditionnées par l'ignorance sont les forma­ tions karmiques (samskâra). 1.

Formule qu'on trouve, entre autres, dans le Samyutta-nikâya qui est un des cinq recueils (nikâyas) de la Sûtra-Pitaka ou « Cor­ beille des Sûtras» contenant le texte des sennons dont la tradition attribue la paternité au Bouddha.

La Sûtra-Pitaka est une des Trois Corbeilles (Tripitaka) du canon bouddhique, dont les deux autres sont : la Vinaya-Pitaka (concerne le sangha ou communauté monas­ tique), l' Abhidharma-Pitaka (psychologie et philosophie boud­ dhiques). 130 / La philosophie indienne ► Le moyeu de la roue est constitué de ce qui la met en branle: l'ignorance, le désir, la haine, figurés par le porc, le coq, le serpent. « Ravi par l'amour, enragé par la haine, aveuglé par l'erreur, dominé et troublé, l'homme médite sa propre ruine, celle d'autrui et les deux ensemble; il ' expérimente dans son esprit douleur et chagrin.

» Anguttara, in E.

Lamotte, op.

cité, p.

38 De façon plus générale, l'amour s'entend comme attraction, la haine comme répulsion, l'erreur comme ignorance. L'espace découpé en quartiers (6 mais parfois 5 ou 7) entre le moyeu et la jante englobe les « six domaines» soumis au karma-samsara et donc à duhkha (souffrance, finitude, douleur). La jante ou le pourtour illustre en« douze étapes», au moyen de symboles concrets, le pratîtyasamutpada (la production conditionnée). 1.

La femme aveugle: l'ignorance 2.

Le potier : les forces créatrices 3 .

.Le singe: la conscience 4.

Deux hommes dans un bateau : le corps et l'esprit 5.

Une maison à six fenêtres: les six sens.... »

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