La mauvaise conscience est-elle chose bienfaisante ? La conscience morale, comme toute conscience, est définie nécessairement comme dédoublement. D'où, dans...
Extrait du document
«
La mauvaise conscience est-elle chose
bienfaisante ?
La conscience morale, comme toute conscience, est
définie nécessairement comme dédoublement.
D'où, dans la
tradition philosophique, pour exprimer ce dialogue de soi à
soi, l'image de la voix intérieure.
Chez Jean-Jacques
Rousseau, c'est contre la loi du corps - la nature agissant
par les instincts - que s'élève la voix de l'âme (Emile,
Livre IV).
Aussi, se délivrer des musions du corps et des
sens, c'est redonner force à la voix de la conscience: « La
conscience est la voix de l'âme, les passions sont la voix du
corps.
Est-il étonnant que deux langages se contredisent ? »
D'où l'appel de la Profession de foi dù Vicaire Savoyard
(Emile, Livre IV) : « Conscience ! Conscience ! Instinct
divin, immortelle et céleste voix; guide assuré d'un être
ignorant et borné, mais intelligent et libre.
»
Mais cette voix peut s'amplifier jusqu'à être un cri : « On
parle · du cd des remords, qui punit ·en secret les crimes
cachés, et les met si souvent en évidence.
Hélas ! qui de
nous n'entendit jamais cette importune voix ? » (Emile,
Livre IV).
Ainsi, la mauvaise conscience est le résultat d'un conflit
entre l'âme et le corps, entre la raison et les instincts.
Et
toute sa bienfaisance vient de ce qu'elle nous rappelle à
l'ordre de la raison contre celui des passions.
La conscience morale (Gewissen) fait aussi entendre sa
voix chez Kant, voix parfois terrible, « capable de faire
trembler le plus hardi scélérat» (Critique de la raison
pratique, chap.
3).
· C'est que la conscience n'est plus
seulement dédoublement dans l'intimité de soi avec soi.
Elle
se déploie, chez Kant, dans l'apparat de la mise en scène
d'un tribunal intérieur(« le tribunal de la raison» dont il est
fait état dans les Fondements de la métaphysique des
mœurs), où l'homme est d'emblée mis en posture d'accusé.
Certes, tout homrrie porte en lui un avocat qui sait parler en
sa faveur.
Cet avocat présente toute action illégitime de son
client comme une chose où c,elui-ci a été entraîné « par le
torrent de la nécessité».
Mais l'homme porte aussi en lui un
juge, « voix intérieure qui l'accuse».
L'homme a beau
expliquer sa faute comme la conséquence naturelle d'une
mauvaise habitude, il ne peut malgré tout se mettre en
sécurité contre les reproches et le blâme qu'il s'adresse à
lui-même.
Dédoublement de la conscience qui renvoie à la
situation double de l'homme - déterminé dans l'ordre
phénoménal (monde sensible) et libre dans l'ordre nouménal
(monde intelligible).
Mais aucune sentenc~ ne peut être prononcée sans
référence à la loi.
Et c'est justement, selon Kant, la fonction
de la conscience que d'être immédiatement conscience de la
loi morale que nous portons en nous.
Ainsi, grâce à cette loi
morale qui emplit sa conscience jusqu'à lui donner parfois
mauvaise conscience, l'homme n'est pas seulement créature
animale soumise au déterminisme, mais aussi intelligence
accédant à la liberté.
Ainsi la mauvaise conscience, malaise
psychique qui résulte de la transgression de cette loi, est
chose bienfaisante.
Elle est la preuve de l'existence de cette
loi qui a été bafouée et elle nous rappelle que la volonté libre
n'est pas celle qui obéit aux inclinations sensibles, affirmant
par là sa dépendance à l'égard des lois de la nature
(hétéronomie) - mais celle qui obéit à la loi morale.
La
volonté libre est celle qui veut la libre volonté, c'est-à-dire
celle qui veut la loi morale (autonomie).
La mauvaise conscience est-elle vraiment, comme le
soutient Kant, un hommage à la conscience authentique ?
N'est-elle pas, au contraire, le signe que la conscience....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓