La mise en scène Bien que le spectateur ne le voie jamais, le metteur en scène est la femme ou...
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La mise en scène
Bien que le spectateur ne le voie jamais, le metteur en scène est
la femme ou l'homme clé de toute représentation théâtrale1 • Nous
n'assistons pas, en effet, à une représentation de L'Avare de Molière,
du Cid de Corneille ou de Phèdre de Racine.
Nous assistons à une
représentation de t..:Avare tel que l'a monté et réinterprété le metteur
en scène : c'est t..:Avare vu par les yeux de tel ou tel metteur en
scène.
Son rôle est devenu si primordial que, lors de la reprise d'une
pièce classique, on a couramment l'habitude de parler du « Tartuffe
de Vitez », du « Cid de Francis Huster », des « Fausses Confidences
de Jacques Lasalle », du « George Dandin de Roger Planchon », ou,
dans le domaine de l'opérette, de « La Belle Hélène de Jérôme
Savary».
Comme si ces metteurs en scène étaient les co-créateurs
de l'œuvre.
De fait, deux grandes conceptions de la mise en scène s'affron
tent : l'une veut valoriser le texte ; et l'autre, le réinterpréter.
LA VALORISATION DU TEXTE
Le metteur en scène se veut l'humble serviteur du texte : « Il faut
avoir la sagesse de s'y conformer», disait Jean Vilar (1912-1971),
directeur du célèbre Théâtre national populaire (TNP) et fondateur du
Festival d'Avignon2.
Il s'agit alors d'analyser le plus minutieusement possible le texte
pour déceler jusqu'à la plus petite indication.
Considérons, par
exemple, les premières répliques de Tartuffe (v.
1-4) :
1.
Le public ne le voit jamais, sauf s'il intervient sur scène en tant qu'acteur.
2.
J.
Vilar, De la tradition théâtrale, Éditions de L:Arche, 1955.
MADAME PERNELLE.
- Allons, Flipote, allons, que d'eux je me
délivre.
ELMIRE.
- Vous marchez d'un tel pas qu'on a peine à vous suivre.
MADAME PERNELLE.
- Laissez, ma brù, laissez, ne venez pas plus
loin.
Ce sont toutes façons dont je n'ai pas besoin.
Un jeu de scène est suggéré : la précipitation de Madame
Pernelle, la tentative d'Elmire de raccompagner sa belle-mère.
Par là
même des traits de caractère s'ébauchent : Madame Pernelle est
colérique, brutale dans sa façon de parler, et même méprisante (voir
le vers 1).
Elmire s'efforce au contraire de rester courtoise.
Entre la
belle-mère et la belle-fille, les relations sont à l'aigre.
Ce sont autant
d'indications précieuses pour les actrices.
Cette auscultation du texte n'interdit pas la créativité du metteur
en scène.
Phèdre, l'héroïne de Racine, est déchirée entre son aspiration à l'innocence et son amour qu'elle juge déshonorant, pour son
beau-fils.
Voici comment Jean-Louis Barrault exprime visuellement
cette contradiction :
Seuls les jeux de lumière et d'ombre doivent tenir lieu de décor.
Le
drame se joue dans l'espace étroit, à demi obscur, d'une pièce anonyme.
Par contraste, des taches de lumière rappelleront la proximité du monde extérieur lumineux, la possibilité d'une évasion
finalement refusée.
Ainsi éclatera l'opposition entre le palais de Trézène3, lieu devenu
irrespirable, et les alentours où règnent la liberté, l'innocence et le
bonheur4.
Valoriser le texte c'est donc en exploiter toutes les potentialités.
LA RÉINTERPRÉTATION DU TEXTE
D'autres metteurs en scène considèrent le texte théâtral comme une
matière brute que l'on peut travailler à sa guise.
« Pour moi, nul n'a le
droit de se dire auteur, c'est-à-dire créateur, que celui à qui revient le
maniement direct de la scène », déclarait Antonin Artaud (1896-1948)5•
3.
Trézène : ville de Grèce où....
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