La « modernité » I. L'inquiétude et l'angoisse, le sentiment de la solitude s'accentuent. Ce qui donne lieu à d'innombrables...
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«
La « modernité »
I.
L'inquiétude et l'angoisse, le sentiment de la solitude s'accentuent.
Ce qui
donne lieu à d'innombrables expressions subjectives ou interprétations des
signes objectifs.
Est�ce nouveau? En quoi est-ce moderne? L'impression
de solitude n'est pas nouvelle.
Inquiétude et angoisse ont été dites à maintes
reprises et presque récemment avec la plus grande force par des romanti
ques qui se présentèrent comme c< modernes » en leur temps.
Le nouveau,
le moderne (le nôtre), serait-ce l'acuité de ces formes de conscience et de
leur expression? Allons plus loin que le psychisme individuel, les impres
sions et les expressions.
Le nouveau, le vraiment cc modernç » ne serait�ce
pas la contradiction entre la solitude nouvelle et la réunion de foules ou
de masses dans les villes géantes, dans les entreprises colossales, dans les
bureaux gigantesques, dans les armées, dans les partis? C'est le conflit
entre une certaine cc atomisation » (cent fois dénoncée unilatéralement)
de la vie et une surorganisation qui l'enserre, l'accompagne et sans doute
la présuppose.
La socialisation de la société se poursuit.
Réseaux de relations
et de communications deviennent plus denses, plus efficaces, en même
temps l'isolement de la conscience individuelle et la méconnaissance du
cc prochain » s'aggravent.
La contradiction se situe à ce niveau.
L'analyse
commence par saisir les deux aspects séparément; elle les voit comme oppo
sés.
Elle atteint le drame en saisissant le mouvement dialectique : séparation
et totalisation, la dispersion affectant ce qui concerne l'individuel et le vécu,
la totalisation s'effectuant par les moyens de l'État, de la société globale,
des communications, des normes, de la culture, etc.
(p.
189)
II.
Aujourd'hui, [...] le« vécu» disparaît de la scène à peine éprouvé...
Autrefois,
dans une société peu historique et presque sans histoire consciente, rien
ne finissait et rien ne commençait.
Aujourd'hui, tout meurt à peine né
et disparaît à peine surgi.
Mais tout se répète, tout recommence.
L'actualité,
ce fétiche du modernisme, émerge de l'historique difficilement mais éner
giquement.
L'actuel s'abrège et se précipite, en même temps que s'épuise
de plus en plus vite l'intérêt de l'actuel, et cet actuel se ressasse au bout
d'une période qui se raccourcit.
Le déclin hors de l'actualité - l'historique
- commence à l'année dernière, au mois dernier, à la semaine dernière;
et le cc remake » devient de plus en plus fréquent.
Les mêmes drames cc éter
nels », et les mêmes anecdotes cc sensationnelles » resservent chaque saison
et plusieurs fois par saison.
Bien plus! de façon toujours plus précipitée,
plus hâtive et plus répétée; l'époque moderne cherche à dresser et à établir
ses bilans, secteur par secteur : le roman, la peinture, la poésie, la technique.
Elle se crée son histoire.
Une fausse conscience de l'histoire faite d'inven
taires avantageux ou de bilans déçus tend à coïncider avec la conscience
du présent.
L'exigence du sensationnel perpétué dans l'actualité se traduit donc
par la répétition.
[...] les faits, les idées -pour autant qu'il s'agisse d'idées et les thèmes reviennent.
On ne les reconnaît pas.
La non-reconnaissance
s'organise techniquement contre la mémoire et l'information acquises.
On sait organiser la confusion entre le banal qui ne le paraît plus et le
sensationnel qui paraît proche.
L'actuel se resserre à la dimension de
l'instantané social et....
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