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LA MORALE, LE DROIT ET LA POLITIQUE Expliquer le texte suivant : Le criminel qui connaît tout l'enchaînement des circonstances...

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« LA MORALE, LE DROIT ET LA POLITIQUE Expliquer le texte suivant : Le criminel qui connaît tout l'enchaînement des circonstances ne considère pas, comme son juge et son censeur, que son acte est en dehors de l'ordre et de la compréhension : sa peine cependant lui est mesurée exactement selon le degré d'étonnement qui s'empare de ceux­ ci, en voyant cette chose incompréhensible pour eux, l'acte du criminel. Lorsque le défenseur d'un criminel connaît suffisamment le cas et sa genèse, les circonstances atténuantes qu'il présentera, les unes après les autres, finiront nécessairement par effacer toute la faute.

Ou, pour l'expri­ mer plus exactement encore : le défenseur atténuera degré par degré cet étonnement qui veut condamner et attribuer la peine, il finira même par le supprimer complètement, en forçant tous les auditeurs honnêtes à s'avouer dans leur for intérieur : « Il lui fallut agir de la façon dont il a agi ; en punissant, nous punirions l'éternelle nécessité.

» Mesurer le degré de la peine selon le degré de connaissance que l'on a ou peut avoir de l'his­ toire du crime, n'est-ce pas contraire à toute équité? NIETZSCHE La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise.

Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension pré­ cise du texte, du problème dont il est question. COUP DE POUCE ■ Analyse du sujet - Le problème que pose ici Nietzsche n'est abordé que dans la dernière phrase du texte : c'est la contradiction qui peut exister entre ce que demande l'équité et la connaissance que l'on peut avoir de l'histoire d'un crime. - Il est pos�ible d'aborder le problème au niveau du criminel en tant qu'individu, puis de généraliser en abordant la même question relative­ ment à un phénomène historique : si l'on retrace la genèse du nazisme, peut-on en exhiber une nécessité qui le rendrait excusable ? - Dans ce texte, la conduite d'un sujet apparaît déterminée par les cir­ constances : quelle autre conception en est possible ? ■ Pièges à éviter - Ne pas profiter du texte pour mettre en cause, de manière caricatu­ rale, le rôle de l'avocat. - Ne pas sous-estimer l'expression « circonstances atténuantes» : il faut l'analyser et en faire le détail. - Ne pas déduire grossièrement du texte qu'il faudrait ne prendre aucune connaissance de l'histoire du crime. CORRIGÉ [Introduction] Il est fréquent que l'issue d'un procès surprenne le public, qui peut avoir le sentiment que la justice officielle a été trop clémente.

Le crime semblait monstrueux et inexcusable, mais le déroulement du procès a montré qu'en fait, on pouvait en expliquer ou en comprendre le déroule­ ment, au moins en partie.

D'où la moindre responsabilité reconnue au cri­ minel, et une peine plus légère que celle qui était attendue.

Nietzsche mène son analyse jusqu'au point où le crime semble pouvoir être intégra­ lement expliqué par un jeu de circonstances successives qui signifierait le poids d'une véritable nécessité.

Si une telle situation peut paraître exces­ sive, elle a au moins le mérite de poser le problème de ce que peut être l'explication d'une conduite a priori répréhensible. [1.

L'étonnement devant le crime] Entre le criminel et son juge existe initialement une différence radicale de point de vue.

Le premier, parce qu'il sait ce qu'il a fait et comment il a été amené à le faire, considère que son acte obéit à un certain ordre des choses et qu'il est donc compréhensible.

Au contraire, celui qui doit juger se heurte d'abord à ce qui constitue une sorte de scandale, par l'écart manifesté entre un acte et ce qu'exige le respect de la loi. La sanction elle-même est proportionnelle à ce que peut être l'étonne­ ment du juge et du censeur (qui considère les choses moralement plutôt que juridiquement) face à l'acte criminel, qui paraît d'abord en dehors de toute compréhension normale.

Juge et censeur sont en effet.

du côté de la loi, de l'ordre institué, des valeurs admises - et tout crime constitue une transgression anormale de cette loi, de cet ordre, de ces valeurs.

C'est parce que les hommes « normaux» doivent les respecter que celui qui les bafoue apparaît immédiatement anormal : son acte n'entre pas dans le cadre de la compréhension ordinaire, puisqu'il semble impliquer une sorte d'exclusion de l'humanité ou de la société.

Ce qui, physiquement, se pré­ sente comme un homme a été capable d'une inhumanité au moins passa­ gère ou partielle, qui le rend énigmatique. Cette contradiction peut, comme l'affirme Nietzsche, ne pas être res­ sentie intimement par le criminel, parce qu'il est au courant non seule­ ment de son meurtre, mais aussi de toute l'histoire qui l'a précédé.

Il se perçoit ainsi comme intégré dans une série de causes ayant déterminé sa conduite, qui peut en conséquence lui apparaître, non comme incompré­ hensible, mais au contraire comme relevant de la compréhension normale des choses. [Il.

L'exposition de la nécessité] L'insti!Ution judiciaire est organisée de telle façon qu'il appartient au défenseur de l'accusé de montrer que le crime est, malgré les apparences, compréhensible : l'aboutissement de son travail consiste à faire en quelque sorte adopter le point de vue initial du criminel par- ceux qui doi­ vent le sanctionner.

C'est pourquoi la connaissance, par l'avocat, de l'his­ toire de son client est fondamentale, puisque c'est à partir de cette histoire qu'il peut présenter des «circonstances atténuantes».

Ces dernières sont aujourd'hui établies de façon de plus en plus subtile : on ne se contente plus de faire allusion à l'éducation de l'accusé, au milieu qu'il a fré­ quenté, qui peut avoir eu une mauvaise influence sur lui, aux mauvais trai­ tements qu'il a subis dans son enfance, etc.

Il est désormais possible de faire appel à des experts en psychiatrie ou en psychanalyse pour faire éga­ lement état des pulsions et des fantasmes inconscients, des refoulements du criminel, d'un déséquilibre mental éventuel. L'énumération de toutes ces circonstances, en instaurant des détermi­ nismes ou des causalités partiels, a pour effet d'atténuer progressivement l'étonnement et l'incompréhension qui étaient d'abord chez le juge.

Com­ ment affirmer une responsabilité là où l'on découvre un enchaînement.... »

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