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LA MORALE, LE DROIT ET LA POLITIQUE Expliquer le texte suivant : L'homme public, puisqu'il se mêle de gouverner les...

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« LA MORALE, LE DROIT ET LA POLITIQUE Expliquer le texte suivant : L'homme public, puisqu'il se mêle de gouverner les autres, ne peut se plaindre d'être jugé sur ses actes dont les autres portent la peine, ni sur l'image souvent inexacte qu'ils donnent de lui.

Comme Diderot le disait du comédien en scène, nous avançons que tout homme qui accepte de jouer un rôle porte autour de soi un « grand fantôme » dans lequel il est désormais caché, et qu'il est responsable de son personnage même s'il n'y reconnaît pas ce qu'il voulait être.

Le politique n'est jamais aux yeux d'autrui ce qu'il est à ses propres yeux, non seulement parce que les autres le jugent témérairement, mais encore parce qu'ils ne sont pas lui, et que ce qui est en lui erreur ou négligence peut être pour eux mal absolu, servitude ou mort.

Acceptant, avec un rôle politique, une chance de gloire, il accepte aussi un risque d'infamie, l'une et l'autre « imméritées». L'action politique est de soi impure parce qu'elle est action de l'un sur l'autre et parce qu'elle est action à plusieurs.

[...] Aucun politique ne peut se flatter d'être innocent.

Gouverner, comme on dit, c'est prévoir, et le politique ne peut s'excuser sur l'imprévu.

Or il y a de l'imprévisible.

Voilà la tragédie. MERLEAU-PONTY La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise.

Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension pré­ cise du texte, du problème dont il est question. COUP DE POUCE ■ Analyse du sujet - Thème : différence entre la réalité de l'action politiqué et le juge­ ment qui la perçoit de l'extérieur, ou entre l'intimité du politique et son personnage. - On sera attentif aux nombreuses allusions du texte à l'ambiguïté per­ manente du politique et de son image. - À la fin du texte, on peut mettre particulièrement en relief ce que la « responsabilité» du politique a de difficile, sinon de « tragique» (quelle signification donner ici au mot« tragédie» ?). ■ Pièges à éviter - Inutile d'accumuler des exemples empruntés à la vie politique contemporaine. - Ne pas profiter de l'allusion à Diderot pour en déduire que les poli­ tiques sont tous des comédiens, ou des hypocrites. - Ne pas faire de contresens sur«l'impureté» de l'action politique: le terme, ici, n'a pas de connotation morale. CORRIGÉ [Introduction] La critique à l'encontre des dirigeants politiques d'un pays n'est pas rare, mais elle tombe fréquemment au niveau d'une simple«râlerie», qui les accuse de malhonnêteté systématique, ou de mensonge, et finit par aboutir à un rejet de la classe politique ou à une indifférence des citoyens, ce qui n'est certainement pas bon signe pour une démocratie.

L'analyse proposée ici par Merleau-Ponty est d'un tout autre niveau : elle montre qu'il est en fait obligatoire que le dirigeant, par son rôle, ne puisse coïnci­ der avec son image publique - d'où une double insatisfaction (du public et de lui-même), qui accompagne nécessairement son action.

Plus en pro­ fondeur, c'est parce que l'action politique est «impure» qu'elle relève d'une sorte de tragédie permanente. [I.

L'image de l'homme public] On choisit de devenir homme politique: nul n'y est déterminé de nais­ sance, ou par le simple hasard des circonstances, et c'est pourquoi on doit assumer les conséquences de ce choix.

Or, «faire de la politique», c'est tenir un rôle, qui n'est pas seulement théâtral, mais qui est d'abord social, puisque c'est sur la communauté que l'action aura des conséquences. «Jouer un rôle», c'est adopter des façons d'être, un personnage, des modes de comportement ou de discours qui ne coïncident plus avec l'inti­ mité de la personne.

L'ambiguïté du terme - à la fois dramatique et socio­ logique - aTintérêt de mettre en valeur ce qui est obligatoirement faussé, le décalage qui s'affirme nécessairement entre l'homme public et l'homme privé.

Tous les observateurs ou journalistes témoignent fréquem­ ment de la différence de conduite du même individu, selon qu'on le connaît dans ses fonctions ou dans sa vie familiale.

L'individu est ainsi caché par son «grand fantôme».

Mais il ne saurait se plaindre des juge­ ments qui sont portés sur ce dernier, même s'il peut savoir que ce que l'on juge ainsi n'est pas sa personne authentique : puisqu'il a choisi la vie publique, il a choisi du même coup le« fantôme». Plus graves sont sans doute les jugements qui portent sur ses actes, puisque ces derniers émanent, au moins en théorie, de sa volonté.

Mais cette fois, on doit reconnaître que ce sont bien les autres qui sont touchés par les conséquences de ses actes, et que c'est en relation avec ce qu'ils en connaissent ou en subissent qu'ils jugent.

Or, l'homme politique ne sau­ rait nier sa responsabilité : vouloir agir en se « mêlant de gouverner les autres», c'est par définition s'offrir à toutes les sanctions. [Il.

L'impureté de l'action] Si l'on admet ainsi que l'image publique est nécessairement fausse, la conséquence en est qu'il existe une différence entre la conscience que l'homme politique a de lui-même, de la réalité de ses actes et de ses res­ ponsabilités, et la version qu'en perçoivent les citoyens.

D'où la « témé­ rité» du jugement de ces derniers, ou le caractère hâtif de leurs critiques. Plus radicalement, on est obligé d'admettre une sorte d'évidence : les autres ne sont pas lui.

Constat de bon sens, qui peut être sans trop de gra­ vité lorsqu'il prend simplement acte de la différence qui existe entre des individus, mais qui est beaucoup plus lourd de conséquences lorsque l'un agit alors que les autres ne peuvent pas agir.

Car l'action n'est pas toujours adaptée ou parfaite; elle peut être entachée d'erreur ou de négligence fautes en apparence ou d'un certain point de vue vénielles, mais qui se révèlent en face, du point de vue de ceux qui sont gouvernés, comme « mal absolu, servitude ou mort».

Une information mal transmise, le manque de préparation relatif d'un dossier, un mot malencontreux, sont toujours possibles.

S'ils ne concernaient que des relations entre égaux, peut-être pourrait-on aisément y porter remède, mais lorsqu'ils ont des conséquences, de proche en pro�he, sur tout ou.... »

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