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La mort en scène. 1 - DES MORTS ET DES VIVANTS • Une « grande tuerie» Tel est le mot...

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« La mort en scène. 1 - DES MORTS ET DES VIVANTS • Une « grande tuerie» Tel est le mot de Madame de Sévigné à propos d'une tragédie de Racine, Bajazet, qui accumule les morts au dénouement, puisque la sultane Roxane y fait assassiner le prince Bajazet, qui refuse de l'épouser, avant d'être elle-même poignardée sur ordre de son maître, le sultan Amurat; Atalide, l'amante de Bajazet, se tue sur la scène pour ne pas survivre à son amant, sans compter la mort d'Orcan, fidèle serviteur du sultan, et, de tous ceux que Bajazet, dans une défense héroïque, «a forcés d'accompagner son ombre».

Nombre de tragédies antiques ou classiques sont elles aussi de grandes tueries, ou du moins sont ponctuées ou dénouées par des assassinats ou des suicides: la mort d'Antigone et de son fiancé Hémon, celle de la reine dans !'Antigone de Sophocle; celle de Clytemnestre et de son amant Égisthe dans les deux Électre, de Sophocle et d'Euripide; l'Orestie d'Eschyle entasse meurtre sur meurtre; dans !'Andromaque de Racine l'assassinat de Pyrrhus précède le suicide d'Hermione; dans Phèdre Hippolyte périt, victime d'un attelage devenu fou, et Phèdre, s'empoisonnant, le suit dans le monde des morts; dans Rodogune, de Corneille, une coupe pleine de poison circule de mains en mains avant d'être bue par Cléopâtre, la reine mons­ trueuse; dans Horace, le héros tue son meilleur ami en combat singulier, puis sa propre sœur d'un coup de glaive ... • La mort évitée Pourtant de nombreuses tragédies épargnent leurs héros ou certains d'entre eux: ainsi dans Le Cid, une tragi-comédie, il est vrai, plutôt qu'une tragédie, mais aussi dans Cinna, pre­ mière tragédie française à fin heureuse, tout entière bâtie sur la clémence d'Auguste.

Horace, après avoir tué sa sœur, échappe à la mort, absous de son crime.

Le théâtre optimiste de Corneille répugne à tuer ses héros: aucun mort dans Nicomède.

Il arrive au sombre Racine d'en faire autant, dans Bérénice par exemple, que le dramaturge n'hésite pas à intitu­ ler "tragédie»; Andromaque survit, triomphante, dans la pièce qui porte son nom; les jeunes amants de Mithridate sont en fin de compte sauvés et promis au bonheur. • Le débat des cc doctes» Il semble donc qu'il y ait oscillati on entre deux conceptions divergentes de la tragédie ou du tragique: les accidents funes­ tes, les dénouements horribles et sanglants sont-ils ou non nécessaires au genre? Aristote ne refusait pas les issues heu­ reuses; un "docte» du XVII' siècle, l'abbé d' Aubignac, auteur d'une Pratique du théâtre (1657), reconnaîtra aux tragédies de son temps la possibilité de finir «ou par l'infortune des princi­ paux personnages ou par une prospérité telle qu'ils l'avaient pu souhaiter». Une formule entre les deux, un moyen terme, dans de nom­ breuses tragédies de Corneille notamment, est de donner au dénouement la forme suivante: « Le personnage antipathique, qui est un tyran ou un traître, est tué, et par suite de cette mort les personnages sympa­ thiques sont heureux et peuvent conclure les mariages qui étaient auparavant impossibles.

On a donc du sang au dénouement, mais aussi une impression de soulagement et de satisfaction.

» Jacques Scherer. Ainsi dans Rodogune, dans Mithridate et Esther. Ce qui compte au fond, pour fournir au dramatique, à cette action qui est au cœur du genre tragique, c'est le péril de mort, et non pas la mort elle-même.

Celle-ci, menaçante, suffit au pathétique, en ce qu'elle ne cesse de rappeler l'ultime limite, la plus insupportable, la plus scandaleuse, de la condition hu­ maine.

Et si le héros finit par lui échapper, il ne l'en a pas moins regardée en face; ce tête-à-tête avec la mort est l'épreuve héroïque par excellence (dans de nombreux mythes, dans les épopées aussi, qui contiennent, comme l'Odyssée ou l'Énéide, des «descentes aux Enfers»).

En acceptant sans faiblir le risque de mort, en affrontant, s'il le faut, la mort cruelle - c'est tout un! - pour rester fidèle à son idéal, à une valeur, pour aller jus­ qu'au bout de sa passion, le héros tragique s'éprouve et se forge comme tel. 2 - LE SPECTACLE DE LA MORT • La mort théâtrale Les tragédies antiques n'hésitent pas à exhiber, sous les yeux du public, mourants et cadavres.

Dans !'Agamemnon d'Eschyle la porte du palais s'ouvre pour laisser voir le corps abattu, nu et ensanglanté du roi.

Dans !'Hippolyte d'Euripide le héros, qui a été broyé par un char, est ramené, pour y mourir, sur la scène. Dans Les Troyennes, du même, Hécube, la vieille reine de Troie, se lamente sur le cadavre de son petit-fils Astyanax, que les Grecs lui apportent dans le bouclier d'Hector, après l'avoir pré­ cipité au bas des murailles de la cité.

Dans Rodogune, Cléo­ pâtre agonise en scène:.... »

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