La parole suffrt-elle à faire échec à la violence ? ■ Analyse dµ sujet - La formulation de la question...
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La parole suffrt-elle à faire échec à la violence ?
■ Analyse dµ sujet
- La formulation de la question ( « suffit-elle » ?) invite à répondre
négativement.
Mais dans ce cas, on ne peut se contenter d'énumérer des
faits (notamment historiques), il faut analyser les concepts.
- Il n'est pas nécessaire de prendre« parole» au sens strict: l'opposi
tion implicite est celle qui existe - mais qu'il faut justifier - entre le lan
gage et la violence.
- Si la réponse est négative, on devra penser à préciser ce qui, dans la
violence, apparaît insensible aux effets de la parole : pourquoi la violence
finit-elle par l'emporter ?
■ Pièges à éviter
- Oublier, sous prétexte de répondre directement à la question, ce qui
la justifie, .
et ne pas rappeler l'opposition théorique entre parole et vio
lence.
- Recenser la position de tous les philosophes que l'on peut connaître
sur la question : échantillonnage arbitraire et sans portée.
- La violence revêt de nombreuses formes : les exemples que· l'on
pourra en donner ne doivent pas s'éparpiller en tous sens.
CORRIGÉ
[Introduction]
Pour lutter contre la violence à l'école, il devient habituel·de recourir à
quelques moyens mettant en jeu diverses formes de parole : on peut
demander aux combattants d'exprimer, chacun de son côté, ses griefs et sa
version de la situation par écrit, ou les inviter, après les avoir séparés, à
discuter en présence d'un tiers qui essaie de faire en sorte que chacun ait
la parole à son tour, sans trop impétueusement couper celle de l'autre.
On
CORRIGÉ4
remarque toutefois que la parole n'intervient alors qu'après une explosion
de violence (y compris, parfois, de violence verbale) ; elle fera peut-être
échec au retour de la violence, et on doit souhaiter que sa leçon soit retenue par tous : que désormais, on pense à parler avant de se taper dessus ...
À ce rythme, on pourrait penser que la violence ne devrait jamais apparaître plus d'une fois entre deux communautés - ce dont l'histoire
humaine, même vue de loin, est loin de témoigner.
Si la parole suffit à
faire échec à la violence, il semble qu'elle connaisse aussi de nombreux
échecs dans cette Utche.
[I.
Opposition théorique entre violence et discours]
Dans Gorgias, Calliclès fait sans doute l'éloge de la force et de la violence; il n'en reste pas moins qu'il continue à dialoguer de manière pacifique.
Il est de tradition, dans la philosophie, d'affirmer que le recours au
discours, sous quelque forme que ce soit, interdit à la violence de se
déchaîner.
Cet espoir peut trouver à s'illustrer très quotidiennement.
Tout
d'abord parce que le comportement violent paraît en effet incompatible
avec, non seulement la parole ou le discours, mais bien le langage en
général : je peux avertir mon voisin que je vais le frapper, mais, au
moment où je lui porte un coup, je ne dis plus rien.
Tout au plus suis-je
capable de pousser un cri pour accompagner mon geste.
La violence saisit
le corps entier, elle supprime toute distance parce qu'elle établit un
contact physique, alors que le langage implique au contraire un écart entre
celui qui parle et les choses mêmes qu'il désigne.
L'homme violent n'a droit qu'au cri, au hurlement, qui est moins manifestation de ce qu'il pense que transposition sonore de son effort
physique : on hurle pour s'encourager au combat, le boxeur double son
crochet d'un rugissement; il ne s'agit dans tous les cas que d'une expression strictement corporelle.
À l'inverse, parler instaure une communication entre deux esprits ou deux consciences, en même temps qu'un
contrôle sur ce que l'on formule : il y faut, sinon une véritable lenteur, du
moins un rythme qui ne soit plus celui des muscles et des influx nerveux.
Et pour que l'autre réponde, il doit à son tour obéir aux exigences de la
parole : que les mots soient prononcés l'un après l'autre, dans l'ordre
requis, qu'une linéarité s'installe.
Celle-ci contredit le caractère immédiat
de la violence.
Toute parole est médiation, et de multiples manières : entre les personnes, entre les choses évoquées et les consciences, entre le monde et sa
représentation possible.
Il n'y a pas de médiation dans la violence, elle en
est par principe la suppression.
C'est pourquoi, lorsque le langage luimême cherche à faire violence à l'autre, cette violence n'est que symbolique : l'injure, l'éclat de voix, la crise de colère peuvent« blesser» l'in-
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terlocuteur dans son orgueil, sa conscience ou ses valeurs, mais il n'est
pas atteint dans sa chair.
Les paroles ne sont que métaphoriquement
«blessantes» ; on peut en tenir rigueur à celui qui les a prononcées, mais
il est rare qu'on en meure.
[Il.
La parole peut différer la violence]
Cette opposition est sans doute réelle.
Il n'en reste pas moins qu'elle ne
suffit pas pour faire durablement échec à la violence.
En fait, la parole
peut différer le déclenchement de la violence, mais cela ne signifie pas
qu'elle la supprime.
Rien ne le montre mieux, même si on-doit le déplorer, que l'histoire.
S'il suffisait que des États puissent se parler pour qu'il n'y ait plus de
conflits, on peut espérer que l'humanité y aurait eu recours depuis
quelques millénaires.
Lorsque von Clausewitz définit la guerre comme
«la continuation de la politique par d'autres moyens», sa formule
indique aussi l'échec du discours politique, et que le débat, la discussion
entre diplomates ne parviennent pas à régler pacifiquement tous les pro
blèmes.
Bien sûr, tant que les discussions ont lieu, la guerre n'est pas en
cours - mais cela n'interdit nullement de la préparer activement.
Il est
même facile de citer ici Hitler, très habile pour recourir à la parole ou au
traité (par exemple au pacte de non-agression germano-soviétique) pour
se donner le temps de mieux préparer ses opérations militaires.
Rousseau affirme dans son....
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