La phénoménologie de Husserl La phénoménologie est un courant décisif du xx:e siècle. Le projet de Husserl est d'établir les...
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La phénoménologie de Husserl
La phénoménologie est un courant décisif du xx:e siècle.
Le projet de Husserl est d'établir les fondements de la vérité scientifique et de la connaissance philosophique en évitant les écueils
du psychologisme et du positivisme.
La phénoménologie a
considérablement renouvellé la philosophie au xxe siècle.
À partir des travaux originaux de Husserl, le projet phénoménologique s'ouvrira à de nouvelles problématiques et se continuera
dans des œuvres aussi diverses que celles de Heidegger, Arendt,
Patocka, ou, en France, Sartre et Merleau-Ponty.
L'existentialisme, l'herméneutique ou la philosophie de la vie mobiliseront
la phénoménologie qui devient ainsi l'une des sources vives de la
pensée contemporaine.
Edmund Husserl (1856-1938), philosophe allemand, eut pour
étudiants et disciples les grands noms de la philosophie allemande contemporaine: Lowith, Koyré, Gadamer, Heidegger,
Fink.
Il enseigna à l'université de Fribourg de 1916 à 1928.
Il
est démis en 1933 de ses fonctions de professeur par le régime
nazi en raison de son ascendance juive.
Il meurt à 79 ans en
1938.
45 000 pages de notes sténographiées sont alors transportées clandestinement à l'université de Louvain, où se publient
depuis les Husserliana.
Il publiera Recherches logiques (19101911), La Phénoménologie comme science rigoureuse ( 1911),
Idées directrices pour une phénoménologie (1913), Qu'est-ce que
la phénoménologie ? (1929) et La Crise des sciences européennes
et la Phénoménologie transcendantale (1936).
Naissance de la phénoménologie
• Le point de départ : les mathématiques
Husserl s'intéresse en premier lieu aux mathématiques qui ont un
statut privilégié dans la mesure où elles assurent le fondement
rationnel des autres sciences expérimentales et donc, d'une
manière générale, de la vérité.
Les questions fondamentales des
mathématiques sont des questions philosophiques.
En l'occurrence, Husserl se penche sur le problème de la réalité du nombre.
Il se situe dans le sillage de la réflexion de Frege et du projet logiciste de Russell (voir page 45).
Frege adressera d'ailleurs à
Husserl une critique décisive de sa Philosophie de l'arithmétique
publiée en 1891.
Cependant, Husserl développera une réponse
originale qui, à terme, donnera naissance à la phénoménologie.
La question est de savoir si le nombre est une idéalité qui existe
en elle-même ou non.
Une telle interrogation, qui enquête sur la
réalité d'un être, est qualifiée d'ontologique (qui est relatif à l'être,
du grec ta onta, « les choses qui sont»).
Karl Weierstrass (18151897), le père de l'analyse moderne (branche des mathématiques
qui traite des notions de limite, continuité, dérivation et intégration), développa l'idée que le nombre procède de l'acte de numération.
Pour deux raisons, une telle thèse était pourtant fragile.
Primo, parce que tous les nombres ne sont pas accessibles par
l'acte de compter; ainsi, les nombres irrationnels par exemple
(nombre réel qui ne peut pas s'écrire sous la forme de fraction
avec des entiers relatifs : rc,✓ , etc.).
Secundo, parce que le nombre,
s'il procède de l'opération empirique d'un esprit individuel, est
également un être idéal séparé de toute réalité empirique.
Comme pour Frege, le point de départ de la méditation de Husserl est la critique du psychologisme.
• Critique du psychologisme
Psychologie et psychologisme
Le psychologisme doit être distingué de la psychologie.
Celle-ci,
aussi ancienne que la philosophie, constitue une théorie de
l'âme (psuchè en grec), de ses fonctions et de ses rapports avec
le corps.
La psychologie traditionnelle, appelée également « psychologie rationnelle », faisait partie de la métaphysique.
Elle
étudiait l'âme sans la séparer du reste de l'existence, en utilisant
des moyens uniquement conceptuels.
À partir du x1xe siècle, la
psychologie s'émancipe de sa tutelle philosophique et devient
expérimentale.
Pour Franz Brentano (1838-1917), la psychologie descriptive
précède toutes les autres sciences (Psychologie du point de vue
empirique, 1874).
ll affirme que nos concepts et nos raisonnements sont des réalités psychiques, qu'ils sont les résultats
empiriques des propriétés naturelles de notre cerveau.
La logique serait donc dépendante des propriétés de nos processus de
conscience.
Cette conception fait reposer les sciences et leur
ossature commune, la logique, sur la psychologie.
Contre une conception psychologisante de la logique
Sous le coup de la critique que Frege lui adresse, Husserl s'éloigne de la conception psychologisante de la logique de Brentano
et rejoint la position de Frege et de Russell.
Pour ces derniers, la
réduction des sciences à leur pseudo-fondement psychologique
est un écueil - d'où le terme péjoratif de psychologisme :
« Il est certain que le travail de la psychologie moderne n'a pas été
vain : elle a produit nombre de règles empiriques qui ont même
une grande valeur pratique.
Mais elle est aussi peu une psychologie effective que la statistique morale, avec ses connaissances non
moins précieuses, n'est une science de la morale.
»
Husserl, La Crise de l'humanité européenne et la Philosophie
Autrement dit, les affirmations scientifiques (les jugements) ne
sont pas que des actes psychologiques d'un individu se représentant des objets dans son cerveau.
Elles ont une dimension
logique essentielle.
N'est-il pas vrai que les vérités mathématiques sont indépendantes du sujet ? Les concepts et les raisonnements qui les soutiennent sont profondément logiques.
C'est
dans cette perspective que Russell et Whitehead font considérablement progresser la logique contemporaine en distinguant
nettement les lois causales qui régissent l'ensemble des
processus cérébraux des lois logiques, ou idéales, qui transcendent les actes singuliers d'appréhension et qui permettent de
mesurer la justesse d'une pensée, c'est-à-dire sa vérité.
Tandis
que le psychologisme ruine l'idée de vérité, dissout toute objectivité et aboutit à un scepticisme insoutenable, la logique, au
contraire, se donne a priori comme vraie et universelle.
Ce que la proposition énonciative est un nombre transcendant veut
dire, ce que nous comprenons par là quand nous la lisons ou ce que
nous visons quand nous l'énonçons n'est pas un aspect individuel,
qui se contenterait de réapparaître à chaque fois, de notre vécu mental.
Cet aspect est d'un cas à l'autre de toute façon individuellement
différent, alors que le sens de la proposition doit être identique.
Quand
nous, ou n'importe quelle autre personne, répétons la même proposition avec la même intention, chacun a ses phénomènes, ses mots, ses
moments de compréhension.
Mais, en regard de cette multiplicité illimités de vécus individuels, ce qui est exprimé en eux est partout quelque chose d'identique, le même au sens le plus strict du mot.
La
signification de la proposition ne s'est pas multipliée avec le nombre
des personnes et des actes, le jugement au sens logique idéal est un.
»
«
Husserl, Recherches logiques
La voie de Husserl : poser les fondements
de la phénoménologie
Husserl critiquera avec la même conviction et des arguments
similaires le psychologisme.
Il posera cependant un autre problème : comment, se demande-t-il, les idéalités logiques sont-elles
saisies par un esprit singulier? Comment un être idéel peut-il
être appréhendé par un acte de conscience ? Cette interrogation
sera conduite dans les Recherches logiques, publiées en 19001901.
Husserl nomme phénoménologie philosophique l'élucidation de la logique pure par une étude des actes de conscience
dans lesquels les significations logiques se constituent.
Il cherche
à fonder la logique sur les actes de l'esprit qui la soutiennent.
Ces
actes sont des vécus de conscience dans lesquels les entités logiques sont visées.
Par là, Husserl découvre deux notions fondamentales : le phénomène et l'intentionnalité.
Le projet husserlien ne se réduit cependant pas à une stricte
fondation de la logique.
L'enjeu consiste également à se débarrasser du naturalisme qui considère l'esprit et ses productions
(la culture, les valeurs, la science) comme des choses.
Ce naturalisme est adossé au positivisme qui rétrécit la connaissance
scientifique à de simples faits partiels sans saisir l'activité de
l'esprit qui la constitue et qui en est la source, le fondement.
Seule une authentique philosophie peut ainsi comprendre et
fonder l'activité scientifique.
Selon une métaphore verticale, la
phénoménologie "descend en deçà" de l'activité scientifique, elle
explore les actes de conscience qui sont à la source de l'activité
scientifique.
■ Le phénomène, essence donnée de la chose perçue
La notion de phénomène (du grec phainomenon, ce qui se montre) - qui donne son nom au courant philosophique - a plusieurs sens.
Pour bien le comprendre ici, il faut évacuer les
significations habituelles (fait naturel que l'on observe, créature
impressionnante, etc.).
On ne retiendra pas non plus le sens philosophique classique car le phénomène, au sens husserlien, n'est
pas l'apparence trompeuse d'une réalité dont l'être caché serait
la vérité.
Ce dualisme métaphysique - hérité de !'Antiquité
grecque, déjà attaqué par Nietzsche au XIXe siècle - est abandonné par la phénoménologie.
Il n'y a pas l'apparence et "derrière" elle l'être véritable.
Il n'y a qu'une seule réalité et elle est
phénoménale.
Il n'y a que les phénomènes tels qu'ils se donnent
à nous et rien "derrière".
Le phénomène désigne la chose en tant qu'elle apparaît à la
conscience.
Husserl soutient que l'essence des choses apparaît
à la conscience dans une intuition.
Le phénomène n'est pas la
chose extérieure que je perçois, mais l'essence de la chose en
tant qu'elle est donnée à ma conscience qui la vise intentionnellement.
Ainsi, un carré possède une essence, qui est composée des propriétés qui constituent l'être géométrique qu'est le
carré.
Il en va de même pour toutes les réalités, pour tous les
domaines d'expérience dont chacun ouvre un champ d'étude
spécifique.
La phénoménologie - c'est-à-dire l'authentique philosophie - élucide ces essences et ces domaines d'expérience.
Elle se fonde sur la réflexion et l'intuition de l'essence des choses, c'est-à-dire les choses mêmes - c'est pourquoi le mot
d'ordre de Husserl est « le retour aux choses elles-mêmes »
(auf die "Sachen selbst" zurückgehen).
L'attitude naturelle
Le phénomène n'est pas ce qui est manifeste et les choses
mêmes ne sont pas les choses ordinaires que je perçois quotidiennement et qui paraissent exister extérieurement et indépendamment de moi.
Husserl appelle « attitude naturelle » cette
croyance, spontanée et naïve, qui consiste à croire (sans réfléchir à cette croyance même) que la réalité est un tout passivement perçu, dont ma conscience et mon existence font partie au
même titre que les autres choses, un "fait" .
Dans l'attitude naturelle, la réalité est vécue comme un en-soi transcendant, c'est-àdire comme si la réalité était indépendante et étrangère à la
conscience.
L'attitude d'esprit....
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