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La philosophie de Rousseau

Publié le 21/03/2015

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Beaucoup de ces préjugés et de ces malentendus s'expliquent par un trait essentiel de la pensée philosophique de Rousseau, qui a le don d'agacer tous les despotes et tous les esprits serviles : il est l'un des premiers grands penseurs français à avoir pris ouvertement le parti des opprimés et à avoir considéré que les grands enjeux de l'existence humaine, les biens les plus précieux que l'homme tient de la nature sont la liberté, l'égalité et le bonheur.

 

«Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage� : certains mouvements de pensée en veulent à Rousseau d'avoir dénoncé le pouvoir politique et les lois comme l'instrument de la sujétion au service des puissants et des riches, d'avoir considéré la liberté et l'égalité comme la condition naturelle de l'homme et d'avoir donc mis en cause la société comme inégalitaire, oppressive et tout enti�re dominée par le souci de paraître (l'amour-propre).

 

Il est vrai que «les hommes sont méchants : une triste et continuelle expérience dispense de la preuve ; cependant, l'homme est naturellement bon, je crois l'avoir démontré� (Discours sur l'inégalité, note IX).

 

À cette question de principe s'en lie une autre, tout aussi essentielle, et qui en dépend : comment et selon quels crit�res remédier à la situation que je déclare injuste et, par exemple, sur quels fondements peut-on asseoir la légitimité de l'autorité (politique ou judiciaire) destinée à assurer l'ordre ou à rendre la justice?

 

Ce principe naturel implique que l'être vivant soit considéré comme individu qui prot�ge sa vie et ses intérêts d'une mani�re exclusive et pour ainsi dire solitaire, à l'exclusion de toute forme de solidarité ou de sentiment altruiste.

 

C'est d'ailleurs pourquoi, d'une façon corollaire, Rousseau ne suppose pas que l'homme soit naturellement sociable, c'est-à-dire porté par sa nature à vivre avec les autres ni à se soucier des intérêts d'autrui, encore moins que l'amour d'autrui soit un sentiment naturel.

 

De ce point de vue, Rousseau prend la suite de Hobbes, qui s'oppose à Aristote et à sa fameuse formule de la Politique (I, 1253 a) : «L'homme est par nature un animal politique� (qui vit en société organisée : polis).

 

D�s lors, «l'état de nature étant celui où le soin de notre conservation est le moins préjudiciable à celle d'autrui, cet état était par conséquent le plus propre à la paix et le plus convenable au genre humain� (Discours sur l'inégalité, premi�re partie).

 

L'amour de soi peut certes revêtir certains aspects déplaisants, comme un égoïsme ou une brutalité que force est de constater chez l'enfant, chez l'animal et même chez l'adulte lorsqu'une situation de détresse ou de panique fait revenir ce dernier à des réactions naturelles instinctives.

 

Il importe de souligner que Rousseau écrit le Contrat social (1762) apr�s le Discours sur l'inégalité (1754).

 

Rousseau veut dire par là que la plus grave erreur de l'éducation consiste à traiter les enfants comme s'ils étaient déjà accessibles à la raison ou à la réflexion avant qu'ils en aient acquis l'usage : erreur dangereuse, inefficace et qui rend l'enfant malheureux ou sournois et capricieux.

 

Rousseau bâtit donc son livre et son projet sur l'idée fondamentale qu'il y a des étapes dans la croissance et l'accession de l'enfant aux stades successifs par lesquels il doit passer pour parvenir à l'état adulte.

 

Le pire est donc de brûler les étapes, de priver l'enfant de sa liberté et de son bonheur en passant son temps en réprimandes pour des méfaits dont, à cause de son immaturité, il n'est pas responsable et dont il ne peut connaître les conséquences (à part une remontrance des parents).

 

Il est absurde et même infantile de blâmer ou de punir l'enfant, dont le seul principe est l'amour de soi, pour avoir cassé un bibelot précieux ou s'être blessé en dégringolant des marches d'escalier : c'est à l'adulte d'écarter les objets de prix ou dangereux et d'éviter à l'enfant des risques prévisibles qu'il ne peut deviner, apprécier ou reconnaître : laisser ouvert un baril de lessive qu'il confond avec du sucre en poudre, omettre de ranger des objets tranchants, le laisser enfermé dans une voiture exposée au soleil en plein été ou l'abandonner sans surveillance dans la proximité d'une eau profonde.

 

Le premier, c'est qu'il importe de ne pas brûler les étapes, de ne pas devancer l'ordre de maturation que la nature impose aux êtres humains, dont il est remarquable qu'elle est plus longue que chez tous les autres animaux (vingt ans environ de la naissance à l'état adulte).

 

Si Émile casse un carreau par col�re ou caprice, inutile de le réprimander : il suffit de le laisser enfermé quelque temps dans la pi�ce au carreau cassé, en sorte que le froid et la solitude lui feront comprendre son méfait mieux que toutes les remontrances.

 

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« L'idée de la nature : liberté, égalité, bonheur Rousseau philosophe n'a pas seulement contre lui des adversaires, souvent acharnés, mais une foule de calomniateurs ou d'ignorants prétentieux qui s'obstinent depuis deux siècles à le réfuter ou à le honnir sans l'avoir lu ni tenté de comprendre ce qu'il écrit.

Cette situation est à la vérité assez courante pour les grandes œuvres, intimidantes ou difficiles.

Mais cette incompréhension plus ou moins hostile repose, pour ce qui regarde Rousseau, sur des raisons plus spéci­ fiques.

On peut aisément s'expliquer la paresse de la pensée ou le snobisme qui répète des refrains éculés.

Certains commentateurs littéraires semblent se faire une gloire de véhiculer des sottises sur une partie de l'œuvre qui excède les limites de leur domaine propre.

Mais quand des grands s'en mêlent, surtout au XIXe siècle, de Benjamin Constant, Barbey d'Aurevilly à Taine ou à Nietzsche, il faut trouver d'autres explications.

Implicitement ou explicitement, c'est principa­ lement le rôle attribué à la pensée de Rousseau dans la Révolution française qui est au cœur du litige.

Rousseau serait -et on ne s'embarrasse pas de nuances dans les explications causales -le principal responsable (et coupable !) de la Révolution, et surtout de son moment le plus affreux : la Terreur.

Il est simpliste de croire à une relation causale univoque et directe entre une pensée forcément complexe, connue par un assez petit nombre de lecteurs, et au demeurant d'autant plus méconnue qu'elle a été condamnée à Paris et à Genève (Émile et le Contrat social, en 1762) et que maint ouvrage de Rousseau a dû être imprimé en Hollande.

C'est principalement Robespierre qui peut se targuer d'être le lecteur le plus fervent.

Rousseau a été beaucoup lu en son siècle même, comme philosophe, notamment politique, comme romancier ou comme écrivain autobiographique.

Il ne faut toutefois pas exagérer le rôle moteur des idées, d'autant que Rousseau s'est mis en porte à faux en son siècle en prenant « les philosophes » et certains grands principes des Lumières à contre-pied.

À l'évidence, il faut qu'une pensée soit relayée par l'esprit du temps et que son influence soit accrue par les forces puissantes en jeu dans des conditions maté­ rielles et sociales précises suscitant indignation et révolte, pour qu'on puisse sérieusement parler d'influence, voire de cause.

Or, pour ce qui est de l'esprit du temps, il se trouve que Rousseau, seul de son genre, s'oppose très fortement aux Lumières.

À l'instar de Platon, il souligne que les progrès de l'humanité en matière de connaissances, de techniques et d'arts n'ont pas « contribué à épurer. »

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