LA RÉCEPTION DE L'ŒUVRE Plutôt mal reçue en son temps, cette comédie de Molière a fini par s'imposer progressivement, et...
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LA RÉCEPTION DE L'ŒUVRE
Plutôt mal reçue en son temps, cette comédie de
Molière a fini par s'imposer progressivement, et appa
raître comme l'une des meilleures pièces du répertoire
français.
■ Au XVIr siècle : l'hostilité
Le XVII' siècle, reprenant les arguments de la cabale,
a globalement critiqué l'œuvre de Molière, jugée sur
des critères religieux et non pas esthétiques.
L'on
pourra s'en convaincre en lisant les trois extraits sui
vants, le pamphlet de Rochemont, le Traité de la comé
die du Prince de Conti, et la Pratique du théâtre de
l'abbé d'Aubignac.
« ce n'est pas un sentiment particulier, c'est celui de tous
les gens de bien; et il [Molière] ne doit pas trouver mau
vais que l'on défende publiquement les intérêts de Dieu,
qu'il attaque ouvertement, et qu'un chrétien témoigne
de sa douleur en voyant le théâtre révolté contre l'autel,
la Farce aux prises avec l'Évangile, un comédien qui se
joue des mystères et qui fait raillerie de ce qu'il y a de
plus saint et de plus sacré dans la religion.
»
\
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***
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Y a-t-il une école d'athéisme plus ouverte que Le
Festin de pierre, où, après avoir fait dire toutes les
impiétés les plus horribles à un athée qui a beaucoup
d'esprit, l'auteur confie la cause de Dieu à un valet à
qui il fait dire, pour la soutenir, toutes les impertinences du monde? Et il prétend justifier à la fin sa
comédie si pleine de blasphèmes à la faveur d'une fusée,
qu'il fait le ministre ridicule de la vengeance divine;
même, pour mieux accompagner la forte impression
d'horreur qu'un foudroiement si fidèlement représenté
doit faire dans les esprits des spectateurs, il fait dire en
même temps au valet toutes les sottises imaginables sur
cette aventure.
»
«
***
Je ne dis pas seulement qu'une pièce entière qui serait
contre la mauvaise dévotion serait mal reçue, mais je
prétends qu'un seul vers, une seule parole qui mêlera
quelque pensée de religion dans la comédie blessera
l'imagination des spectateurs, leur fera froncer le sourcil et leur donnera quelque dégoût.
Nous en avons eu
l'expérience en des poèmes que l'on a depuis peu représentés [ ...
] celui-là même que l'on avait fait voir au
public, où l'on avait dépeint le caractère d'un impie
châtié sévèrement par un coup de foudre, a donné
beaucoup de peine aux gens de bien et n'a pas fort
contenté les· autres.
»
«
■
Le xvnr siècle : un accueil mitigé
Voltaire trouve la pièce « bizarre
c'est une œuvre « commerciale ».
»,
et pour Laharpe,
« Molière voulut traiter aussi ce sujet bizarre.
L'empressement d'enlever des spectateurs à !'Hôtel de
Bourgogne fit qu'il se contenta de donner en prose sa
comédie : c'était une nouveauté inouïe alors, qu'une
pièce de cinq actes en prose.
On voit par là combien
l'habitude a de puissance sur les hommes, et comme
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elle forme les différents goûts des nations.
Il y a des
pays où l'on n'a pas l'idée qu'une comédie puisse réussir en vers : les Français, au contraire, ne croyaient pas
qu'on pût supporter une longue comédie qui ne füt pas
rimée.»
-.
***
« C'est malgré lui que Molière fit Le Festin de pierre
[ ...
].
Toutes les troupes comiques (il y en avait alors
quatre à Paris) voulurent avoir et eurent en effet leur
Festin de pierre comme celle des Italiens; car il faut
remarquer que ce sont toujours les ouvrages faits pour
la multitude qui ont de prodigieux succès de mode,
attachés à un nom qui suffit à attirer la foule à tous les
théâtres.
Il n'y eut qu'un Misanthrope et qu'un
Tartuffe; mais il y eut dans l'espace de peu d'années
cinq Festin de pierre.
Molière, pour contenter sa
troupe, fut obligé d'en faire un.
»
■
Le XIXe siècle : un intérêt croissant
Le xrx siècle s'intéresse davantage à l'œuvre.
Les
romantiques reprochent cependant au personnage
d'être encore trop modéré et trop léger; mais les générations suivantes sauront rendre hommage à Molière.
Voici donc quelques témoignages de Musset ( c'est un
extrait de « Namouna » ), de Jules Janin, et de Jules
Lemaître.
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« Quant au roué français, au Don Juan ordinaire,
Ivre, riche, joyeux, raillant l'homme de pierre,
Ne demandant partout qu'à trouver le vin bon,
Bernant Monsieur Dimanche, et disant à son père
Qu'il serait mieux assis pour lui faire un sermon,
C'est l'ombre d'un roué qui ne vaut pas Valmont.
»
***
Don Juan! Il est le dieu d'un siècle qui ne croit plus
qu'à l'épée et à l'habit du gentilhomme! Il est le rêve
des femmes oisives à qui tout a manqué, même la
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ANNEXES
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séduction et la haine ! On en a tant abusé chez les
Anglais qu'il s'appelle Lovelace; on s'en est tant servi
parmi nous, qu'il s'est appelé Robert Macaire ...
Regardez le Dom Juan de Molière, et vous allez pres
sentir le....
»
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