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La réflexion sur l'art dans les Nouvelles de Pétersbourg Gogol s'est beaucoup intéressé à l'art, tant du point de vue...

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« La réflexion sur l'art dans les Nouvelles de Pétersbourg Gogol s'est beaucoup intéressé à l'art, tant du point de vue de la théorie que du point de vue de la morale et de la religion.

Il est l'auteur d'articles sur l'architecture, a lon­ guement fréquenté les peintres durant ses séjours en Italie.

C'est d'ailleurs à partir de la peinture que !'écrivain élabore un certain nombre de réflexions sur l'art dans les Nouvelles de Pétersbourg. La peinture est en effet évoquée dans « La Perspective Nevski» avec le personnage de Piskariov.

Elle est au centre du «Portrait».

Nous étudierons dans un premier temps la typologie des peintres pétersbourgeois tels que les présente Gogol. Par ailleurs, il existe un art que Gogol condamne au nom de sa.conception de l'esthétique.

Il est aussi un art qui détruit, un art condamné.

Nous nous efforcerons de cerner les particularités de cet art maudit. À l'inverse, il existe un art salvateur qui exprime la sain­ teté de l'artiste, témoigne de la présence de Dieu, de l'unité du Bon et du Beau.'· TYPOLOGIE DES PEINTRES PÉTERSBOURGEOIS Dans « La Perspective Nevski», Gogol trace un portrait générique des peintres pétersbourgeois.

Il s'agit d'une catégorie relativement rare dans une ville où tout semble voué à l'administration, au négoce, à l'artisanat.

Pauvres, timides, effacés, les peintres pétersbourgeois semblent quelque peu falots en regard de l'éclat et de l'exubérance des artistes italiens.

Ils se contentent de peu, leurs toiles • semblent refléter la grisaille nordique de leur cité.

D'ailleurs, ils puisent la plupart de leurs sujets dans le quotidien qui les entoure.

Gogol nous trace deux figures contrastées d'artistes pétersbourgeois.

Il y a d'une part Piskariov, le rêveur, d'autre part Tchartkov, l'artiste commercial.

Notons qu'avant de succomber à la tentation diabolique de l'argent, Tchartkov était presque un alter ego de Piskariov.

Comme lui, il vivait dans la pauvreté et, en dépit de certains instants de doute, il lui arrivait de tout oublier au monde lorsqu'il était plongé dans la création.

Il visait alors à égaler les grands maîtres d'antan. L"'artiste rêveur La figure du rêveur se rencontre fréquemment dans la littérature romantique.

Le rêveur dédaigne ou ignore la réalité souvent triviale qui l'entoure et vit dans un monde fantasmatique, un monde imaginaire et souvent chimérique.

Le heurt entre rêve et réalité est au centre de nombreux sujets, et· c'est d'ailleurs le cas dans« La Perspective Nevski». Le rêveur est souvent un créateur, un artiste.

Toutefois, coupé du réel, il ne crée pas d'œuvre tangible.

À la place, il se borne à brasser de fébriles spéculations et cette apparence de création n'aboutit pour finir qu'à la stérilité. Piskariov représente ce type.

Il ne porte en lui que l'étincelle d'un talent irréalisé.

Nous ne le voyons pas créer.

À tout le plus, nous apprenons qu'il dessine une belle femme pour un Persan assez louche ...

en échange d'opium.

Dans ses rêves, il se voit en train de créer mais il n'y a là rien de réel.

En fait, Piskariov, au lieu de créer du beau à partir du trivial, de l'ordinaire, du quotidien, comme semblent le faire d'autres artistes pétersbourgeois, recherche la Beauté incarnée dans le charnel.

Il poursuit une chimère.

Il veut croire contre toute évidence que la femme qu'il a suivie sur la Perspective Nevski réunit idéalement en elle le Beau et le Bien.

La réalité oppose une dénégation cinglante à son imaginaire et il répond à la situation en fuyant dans le paradis artificiel de l'opium. Cette funeste habitude, jointe à une rebuffade particulièrement douloureuse, le mène au suicide. , Il faut remarquer que Piskariov aurait pu faire de la prostituée,au visage angélique une incarnation du Beau et du Bien en ayant recours à l'alchimie de l'art qui peut transmuter le trivial en sublime, autrement dit en la mettant au centre de quelque tableau à sujet élevé.

Il a donc démérité de sa vocation artistique en confondant art et réalité, en recherchant une satisfaction personnelle d'ordre amoureux.

Dans la perspective chrétienne qui est celle de Gogol, le suicide est un crime inspiré par le démon.

Il apparaît comme la conséquence et le châtiment d'un manquement à la vocation sublime de l'artiste.

D'ailleurs, Gogol écrit : Les bras convulsivement contractés et le visage atrocement déformé laissaient deviner que sa main lui avait mal obéi et qu'il avait longtemps souffert avant que son âme pécheresse quittât son corps. (« La Perspective Nevski», p.

74-75.) L'artiste prostitué Il s'agit, bien sûr, de Tchartkov, le personnage central du « Portrait».

Autrefois doué et impécunieux, Tchartkov, une fois entré en possession des deniers du démon, prostitue son art, cède à la facilité.

Il multiplie les œuvres convenues pour satisfaire les exigences na"fves d'une clientèle fortunée avide de se voir représentée, qui en Mars, qui en Byron, qui en Ondine ou en Aspasie.

Le peintre jadis esseulé devient un mondain, un dandy.

Les honneurs pleuvent sur lui.

Hélas, son talent l'a fui à tout jamais.

Lorsqu'il en prend conscience en comparant mentalement ses portraits bâclés et convenus au chef-d'œuvre d'un ancien camarade, la haine le submerge.

Il consacre désormais son temps et son argent à acquérir des œuvres de valeur dans l'unique but de les détruire.

Seule la mort, une mort horrible, mettra un terme à ces débordements. Les aventures de Tchartkov permettent au lecteur de faire connaissance avec une amusante galerie de gens haut placés pour qui la principale fonction d'un art qu'ils veulent joli, propre, sans ombres ni taches, est d'embellir et de magnifier leur propre personne.

Avec Tchartkov, ils dénigrent les grands maîtres, les préraphaélites, Michel Ange et Raphaël, coupables sans doute à leurs yeux de ne s'être guère souciés de faire plaisir à d'éventuels clients.

Tous autant qu'ils sont, selon eux, ces maîtres ne viendraient pas à la cheville d'un Tchartkov ! Il s'agit donc d'une représentation extrêmement sarcastique des opportunistes qui conforment leur art au goût dominant.

Le fait que Gogol fasse intervenir la figure antéchristique de l'usurier dans le processus qui transforme un artiste doué en barbouilleur montre combien l'art participe à ses yeux du sacré. DES FORMES D'ART CONDAMNÉES Le chromo Ce type de peinture est largement représenté dans la boutique du marchand de tableaux du Marché Chtchoukine. Il y a là des tableaux à l'huile aux couleurs criardes, au dessin malhabile.

Des paysages bariolés de rouge et de bleu, côtoient des paysans flamands et des généraux au tricorne de travers.

À côté de ces travaux, le chaland peut voir de grossières estampes représentant des sujets populaires.

Ces horribles croûtes suscitent l'indignation du jeune Tchartkov : il s'agit selon lui d'une profanation, d'un avilissement de l'art.

Aucune vision propre ne s'y exprime. En fait, le jeune Tchartkov contemple sans le savoir ce que deviendra son œuvre à lui : Mais on ne voit ici qu'hébétude; impuissance, et cette sénile incapacité qui prétend s'immiscer parmi les arts au lieu de prendre rang parmi les métiers les plus bas. (« Le Portrait », p.

97 .) Le portrait de l'usurier se trouve précisément ·sous un tas de vieilles peintures poussiéreuses dont Tchartkov l'extrait pour son malheur.

Le fait que le.... »

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