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La rencontre d 1 autrui .Avant rnérne d'examiner les différentes manières de vivre mon rapport à autrui (comment comprendre l'autre?;...

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« La rencontre d 1 autrui .Avant rnérne d'examiner les différentes manières de vivre mon rapport à autrui (comment comprendre l'autre?; quels liens puis-je établir avec lui?) une première question se pose: comn,ent comprendre l'expérience qui me rend aut,ui préserit? La rencontre d'autrui dans la parole Le monde extérieur nous est donné dans la percep­ tio,,: les brJits, les parfums, !es couleurs, autant de sensa­ tions fortes ou nuancées par lesquelles les choses nous apparaissent Autrui est bien présent d'abord comme un des éléments de mon entourage: il est un objet parmi d'autres, de ma perception. Ou; m'ass,Jre d'ailleurs qu'il n'est pas lui-même une chose? Car après tout, ce que je vois, et que j'identifie cor,me un aLtre homme, n'est peut-être qu'un mer­ ve:: eLx aLtor:.a:e aux rouages bien huilés.

Ce soupçon se'T:b e iégit:-ne à Descartes: c'est pourquoi selon lui, je 1e fais Jamais 'épreuve authentique d'autrui au niveau de ·a simple perception; il y faut un échange de paroles (cf.

texte 1 ). Dans la conversation, j'interroge ce qui n'est peut-être qu'un pantin: on me répond; je relance le débat dans une autre direction: mon interlocuteur me suit.

Nulle méca­ nique ne pourrait s'adapter de cette manière à la liberté d'un diaiogue dor:t les propos sont toujours imprévisibles: je sJis sûr de communiquer avec un autre esprit.

C'est dans la dirners'o'.l d'une parole sensée, créatrice, dialo­ guan�e c:Je s'opère pour Descartes la rencontre des conscierices. Le corps de l'autre et mon corps propre Et pourtant, même si en présence d'autrui je peux toujours me dire, avant de lui adresser la parole, qu'il est possible que, devant moi, se dresse un automate plutôt qu'un homme, cette fiction de l'esprit sera toujours de faible valeur en regard d'une évidence immédiatement ressentie: avant toute interrogation, avant toute parole proférée, je sais que je suis en présence d'un autre homme. C'est ce niveau de certitude primordiale qu'il convient d'interroger.

Comment se forme en effet cette assurance irréductible? À quel niveau s'élabore-t-elle? Pour Husserl (cf.

texte 2) la reconnaissance* d'autrui, son identification, se fait à partir de l'expérience de mon corps vivant comme source de mouvements, de sensations et de sentiments.

Ce que je perçois d'autrui en effet, c'est d'abord un autre corps agissant, expressif.

C'est parce que je saisis immédiatement une ressemblance entre mon corps et le sien que peut s'opérer un transfert de sens: moi, je me vis comme corps; je vois un autre corps; cet autre corps doit être habité par un autre moi. Le regard de l'autre Mais peut-être, pour rendre compte de la rencontre d'autrui, ne peut-on pas non plus en rester à cette simple opération intérieure de la conscience: dès que l'autre non seulement se présente à moi, mais commence aussi à me regarder, toutes les données du problème sont bouleversées.

Le regard de l'autre m'enveloppe, m'investit, me cerne, me scrute.

Quand quelqu'un me regarde un peu longuement, je ne peux m'empêcher de me demander: pourquoi me regarde-t-il, comment me voit-il ? Toutes ces interrogations trahissent une inquiétude, une angoisse: le sens de ce que je suis semble suspendu au jugement de l'autre; l'expérience d'autrui est aussi celle de la dépossession de soi. Dès lors, il ne s'agit plus de comprendre, comme Husserl, comment je rencontre autrui à partir de la '13 conscience que j'ai de moi-même, mais comment c'est à partir de l'autre que se détermine le sens de ce que je suis. Les analyses sartriennes (cf.

texte 3) sont à cet égard exemplaires: le regard de l'autre me donne consistance et existence, et au même moment me prive de moi-même et de ma liberté.

Le regard de l'autre me fait en effet exister, mais comme chose, comme détermination précise (pour autrui, je suis quelque chose: un certain physique, une certaine situation sociale, etc.}. Mais alors est-ce l'expérience que je fais de mon corps qui donne sens à la présence d'autrui ou est-ce l'autre qui donne un sens déterminé à mon ego ? L •intersubjectivité Husserl décrit donc la rencontre d'autrui à partir d'une expérience du Je et Sartre, de son côté, corisidère le je comme constitué par le regard d'autrui. De l'un à l'autre on a l'impression d'un simple renversement de perspectives, comme si on pouvait toujours expliquer la signification d'autrui par celle du moi et inversement. Pour sortir de l'impasse,il faudrait pouvoir penser une troisième dimension qui serve de dénominateur commun aux deux termes (plutôt que d'essayer de réduire l'un à l'autre) et fonde la possibilité d'une rencontre authentique.

Il faudrait penser, au niveau du corps et de la perception, un élément auquel moi et autrui participons et qui soit même antérieur à cette distinction. C'est ce que tente de faire Merleau-Ponty (cf.

texte 4) quand il parle d' intersubjectivité.

La notion d'intersubjectivité se réfère à des expériences (des comportements, des expressions, des habitudes) qui renvoient moins à ce que je suis dans ma singularité et ma différence qu'à un niveau d'existence anonyme où le partage moi / autrui n'est pas encore fait.

Par exemple, le tout jeune enfant qui se met à rire quand il entend autour de lui des rires (alors qu'il ne comprend pas pourquoi c'est drôle} manifeste bien ce fonds pré-personnel, par lequel les éclats de rire d'autrui ne sont pas ressentis comme la conduite extérieure de quelqu'un d'autre mais comme une possibilité commune à mon corps et au sien, le rire de l'autre déclenchant le mien par contagion, comme par un effet d'écho: autrui et moimême participons d'une seule et même dimension corporelle qui est comme l'espace commun de résonance, l'élément de complicité anonyme à partir duquel je réponds à autrui et autrui me répond. Avec Merleau-Ponty nous comprenons enfin comment la rencontre d'autrui n'est pas un face-à-face de sujet à objet, mais toujours une reconnaissance implicite: l'intersubjectivité serait cette souche unique dont nous ne serions moi et autrui que des bourgeons distincts certes, mais qui se reconnaissent par la vertu d'un enracinement commun. - Spécificité de la communication humaine R.

DESCARTES (1596-1650) Seule la parole échangée (" ou autres signes») peut fonder ma certitude d'être en présence d'un autre homme et non d'une simple machine.

En analysant ce qui spécifie le langage humain par rapport à un prétendu langage animal, Descartes nous invite à une remarquable analyse -de la communication* avec autrui. Enfin il n'y a aucune de nos actions extérieures qui puisse assurer ceux qui les examinent que notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion.

Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix; et que ces signes soient à propos, pour exclure le parler des perroquets, sans exclure celui des fous, qui ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison; et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à 15 aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu'elle la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant que la prolation 1 de cette parole devienne le mouvement de quelqu'une de ses passions; à savoir, ce sera un mouvement de Pespérance qu'elle a de manger, si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise lorsqu'elle l'a dit; et ainsi toutes les choses qu'on fait faire aux chiens, aux chevaux et aux singes, ne sont que des mouvements de leur crainte, de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu'ils les peuvent faire sans aucune pensée.

Or il est, ce me semble, fort remarquable que la parole, étant ainsi définie, ne convient qu'à l'homme seul.

Car, bien que Montaigne et Charron aient dit qu'il y a plus de différence d'homme à homme, que d'homme à bête, il ne s'est toutefois jamais trouvé aucune bête si parfaite, qu'elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d'autres animaux quelque chose qui n'eût point de rapport à ses passions; et il n'y a point d'homme si imparfait, qu'il n'en use; en sorte que ceux qui sont sourds et muets, inventent des signes particuliers, par lesquels ils expriment leurs pensées.

Ce qui me semble un très fort argument pour prouver que ce qui fait que les bêtes ne parlent point comme nous, est qu'elles n'ont aucune pensée, et non point que les organes leur manquent.

Et on ne peut dire qu'elles parlent entre elles, mais que nous ne les entendons pas; car comme les chiens et quelques autres animaux nous expriment leur passion, ils nous exprimeraient aussi bien leurs pensées, s'ils en avaient. René DESCARTES, Lettre au marquis de Newcastle (23 novembre 1646), Classique Garnier, 1973, tome III, pp.

694-695. POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE Le texte commence par l'énoncé d'une thèse: seul un échange de signes (par exemple: les signes de la parole constitués par des sons de voix - mais on peut penser 1.

Descartes entend par là le fait de proférer cette parole. 16 aussi aux gestuelles dont se servent les sourds pour communiquer) indique la présence de l'âme dans un corps et peut permettre de poser l'existence d'un alter ego.

À partir de quoi Descartes se demande ce qui fait l'irréductible spécificité d'une communication entre moi et autrui, par rapport aux échanges ·que je peux avoir avec d'autres êtres (les animaux).

C'est ainsi qu'il établit deux critères: - Les signes émis doivent correspondre à une situation donnée, témoigner de l'intelligence des questions possibles (il faut que « ces signes soient à propos»).

Ce critère permet de distinguer une communication réelle où l'on prend en compte les circonstances toujours particulières, d'une simple répétition mécanique de sons (exemple du perroquet).

La parole est le lieu d'une création toujours imprévisible de significations, d'un dialogue libre. - Les signes doivent exprimer des pensées plutôt que des passions.

Ce deuxième critère exclut toute forme de communication* avec l'animal qui n'émet des signes que par passion (espérance d'une récompense, par exemple).

La parole est ce qui nous permet d'exprimer nos pensées. L'expérience d'autrui: corps et transcendance - E.

HUSSERL (1859-1938) Je rentre chez moi.

Il es, tard.

Je vois un homme dans l'entrée à qui j'adresse un "bonsoir"· Personne ne me répond et je m'aperçois que ce que j'avais pris pour un homme n'était qu'un porte-manteau chargé d'habits.

Descartes nous avait bien dit que seul un échange de paroles pouvait nous donner la certitude de la présence d'autrui.

Husserl reprend cette problématique, mais à un niveau plus primordial: quand j'ai cru reconnaître cet homme dans l'entrée, quelle fut l'opération de conscience qui m'a donné, ne serait-ce qu'un instant, l'évidence d'une présence humaine ? C'est ainsi qu'il examine les présupposés de la perception du corps de l'autre. 17 Si je me demande comment des corps étrangers comme tels, c'est-à-dire des animaux et d'autres hommes en tant que tels, sont donnés dans mon expérience et comment ils peuvent l'être dans le cadre universel de ma perception du monde, alors la réponse est celle-ci: mon corps propre joue dans ce cadre (...

) le rôle du corps primordial dont dérive l'expérience de tous les autres corps; et ainsi je ne cesse d'être pour moi et mon expérience l'homme primordial dont l'expérience de tous les autres hommes dérive son sens et sa possibilité perceptive( ...

). La perception d'un corps organique étranger est perception pour autant que je saisisse précisément l'existence de ce corps comme étant immédiatement là «en personne».

Et de la même façon.... »

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