La structure de la pièce Dégager la structure de Fin de partie semble de prime abord malaisé. La pièce ne...
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«
La structure de la pièce
Dégager la structure de Fin de partie semble de prime abord
malaisé.
La pièce ne comporte effet qu'un seul acte, que de surcroît
aucune scène ne subdivise.
Quant à l'intrigue, elle est inexistante.
Pourtant, comme l'a précisé Beckett, « dans Fin de partie, rien
n'arrive par accident, tout est bâti sur l'analogie et la répétitioli 1 ».
Ces deux procédés de la répétition et de l'analogie structurent
l'œuvre, auxquels on peut en ajouter un troisième: celui du frag
ment, comme dans une mosaïque dont une infinité de petits élé
ments finissent par constituer un tableau.
UNE STRUCTURE FONDÉE
SUR DES RÉPÉTITIONS
Trois leitmotive reviennent comme des refrains: ceux de la
pénurie, du départ et de la « fin».
1 Le leitmotiv de la pénurie
Tout s'épuise dans le refuge qu'habitent les personnages.
« Il n'y a plus de roues de bicyclette» {p.
20) pour le fauteuil de
Hamm.
« Il n'y a plus de bouillie» (p.
21) pour Nagg.
Il n'y a plus
de« sciure» dans les poubelles (p.
30).
« Il n'y a plus de dragées»
(p.
74), « plus de plaids» (p.
87), cc plus de calmant» {p.
92).
Il n'y
a même cc plus de cercueils» (p.
100) pour enterrer les morts.
1.
C'est ce qu'a dit Beckett aux acteurs du Schiller Theater de Berlin (➔ PROBLÉMATI
QUE 15).
Témoignage rapporté et cité par Deirdre Bair, Samuel Beckett, Fayard, 1979
pour la traduction française, p.
420.
À l'extérieur du refuge, c'est le même dépérissement, la même
désertification.
« Il n'y a plus de nature» (p.
23), il n'y a
«
pas de
mouettes », plus de « fanal » (p.
45).
« Zéro », tout est « mortibus »
(p.
44) dans les environs comme « dans tout l'univers » (p.
46).
Il n'y
a plus de « soleil » (p.
46), ni « plus de marée» (p.
81).
La répétition des négations« ne pas », « ne plus » donne l'impression d'une
«
fin » universelle, inévitable et de plus en plus immi-
nente.
Elle crée une accélération du rythme qui est en soi une
forme de structuration.
1Le leitmotiv du départ
Clov annonce régulièrement qu'il va quitter Hamm.
li le fait dix fois 1 à
des intervalles de plus en plus rapprochés jusqu'à ce qu'il prenne son
parapluie, sa valise, qu'il s'en aille...
et qu'il revienne pour entendre,
immobile et sans un mot, l'ultime monologue de Hamm.
La réitération
de ce motif rend de plus en plus lancinant le thème de la « fin
».
Celle-ci constitue souvent une relance du texte, de la conversation, comme dans l'exemple suivant:
CLOV.
-
Je te quitte.
As-tu jamais pensé à une chose?
Jamais ...
(p.
54)
HAMM.
-
CLOV.
-
Hamm ne réagit pas directement à l'annonce que lui fait Clov.
Celui-ci
renouvelle donc son annonce:« Je te quitte».
« Mon chien est prêt? »,
lui répond Hamm (p.
55), qui détourne de nouveau la conversation.
Le leitmotiv du départ découpe ainsi le texte en petites séquences.
1Le leitmotiv de la « fin »
« Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir» (p.
13): tels sont
les premiers mots de la pièce.
« Il est temps que cela finisse», dit
Hamm (p.
15).
« Ça peut finir» (p.
17), répond Clov comme en
écho.
«
«
Ça ne va donc jamais finir!», s'impatiente Hamm (p.
36).
C'est fini, Clov, nous avons fini » (p.
103), constate-t-il encore.
1.
Pages 18, 53, 54, 55, 57, 62, 65, 77, 88, 104.
PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 89
Comme en musique, le thème connaît des variations: « C'est une
fin de journée» (p.
26);
«
Digne du jugement dernier 1 », « La fin est
inouïe » (p.
65).
La répétition devient obsédante.
Entrelacés, ces trois leitmotive scandent l'œuvre de manière à
la fois régulière et de plus en plus précipitée.
UNE STRUCTURE FONDÉE
SUR DES ANALOGIES
Une analogie est une correspondance, une relation entre deux
réalités, qui repose sur des ressemblances.
1Dans le décor et l'organisation de l'espace
Au théâtre, tout fait sens, les mots comme les gestes et le décor
qui constituent ce qu'on appelle un paralangage.
Le décor de
Fin de partie multiplie les symétries.
Les « deux fenêtres ,, sur les
murs de droite et de gauche sont identiques: elles sont« petites »,
« haut perchées» avec des« rideaux fermés" (p.
11).
L'espace,
quant à lui, est géométriquement occupé:
Porte à l'avant-scène à droite.
Accroché au mur, près de la porte, un
tableau retourné.
À l'avant-scène à gauche, recouvertes d'un vieux drap, deux poubelles
l'une contre l'autre.
Au centre 2, recouvert d'un vieux drap, assis dans unfauteuil à roulettes,
Hamm.
(p.
11)
Toujours se situer au centre est d'ailleurs l'obsession dérisoire de Hamm, comme s'il voulait prouver par là son importance
(p.
41).
Le centre est par définition l'instance, le lieu, de référence.
Il y a analogie entre la position qu'occupe Hamm et son désir,
même s'il est ridicule, de tout régenter.
1.
Selon la religion chrétienne.
le Christ reviendra à la • fin des temps • pour juger
les hommes et évaluer leurs mérites: ce sera le• Jugement Dernier•(➔ PROBLÉMATIQUE 5).
2.
C'est nous qui soulignons.
90
PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES
1Entre le début et la fin
« La fin est dans le commencement» (p.
89), s'exclame Hamm.
La phrase s'applique aussi à ses monologues, dont le dernier fait
écho au premier:•
- dans la gestuelle: c'est le même jeu avec les....
»
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