LA STRUCTURE DRAMATIQUE Dom Juan est la plus irrégulière, la plus baroque des comé dies de Molière. C'est pourquoi il...
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LA STRUCTURE DRAMATIQUE
Dom Juan est la plus irrégulière, la plus baroque des comé
dies de Molière.
C'est pourquoi il est difficile de déceler dans le
dêcoupage en cinq actes une structure dramatique conforme aux
règles classiques.
Visiblement Molière a suivi, dans cette pièce, d'autres moti
vations que celles d'une forme rigoureuse.
Tous les faits qui se
succèdent dans les quatre premiers actes sont supposés se passer
au cours d'une seule journée.
Le cinquième acte se déroule dans
la deuxième journée.
Le temps, donc, est distendu au-delà des
limites permises, les fameuses vingt-quatre heures exigées par
la doctrine classique.
Les lieux sont les plus divers, si on en juge par un contrat pas
sé entre les comédiens de Molière et les peintres chargés de
la décoration: un palais, un paysage de campagne, une forêt, un
«superbe édifice» abritant le tombeau du Commandeur,
l'appartement de Don Juan, un endroit ouvert, enfin, à la limite
de la ville et de la campagne, pour le dernier acte.
L'auteur a d'ailleurs été avare d'indications.
Tout au plus pré
cise-t-il que ces aventures se passent en Sicile, ce qui peut pa
raître étonnant quand on entend au deuxième acte s'exprimer
des paysans dans le patois de l'Ile-de-France.
Il est possible, toutefois, de retrouver derrière la sinuosité de
l'intrigue un enchaînement qui rappelle la succession habituelle
des trois phases modelant et modulant la courbe des tensions:
l'exposition, le nœud et le dénouement.
PREMIER ACTE
Le premier acte contient les éléments d'information néces
saires pour instruire les spectateurs de la situation, des données
de l'intrigue et les familiariser avec les personnages.
Il remplit
donc globalement la fonction qui lui est d'ordinaire dévolue,
celle de l'exposition.
On constate, cependant, des fantaisies dé
concertantes qui témoignent de la liberté prise par Molière avec
«les règles».
Ainsi, la première scène «expose» tout simple
ment une ode au tabac prononcée par Sganarelle.
Cette savou
reuse tirade a tout lieu de dérouter aus&i_bien le public que l'in
terlocuteur de Sganarelle, Gusman, venu demander au valet de
Don Juan des renseignements plus substantiels.
D'ailleurs,
Gusman n'en apprendra guère plus de Sganarelle qui n'est pas
au courant des intentions de son maître envers Done Elvire.
Mais il aura droit à un portrait apocalyptique de l'époux infidè
le, un «pourceau d' Epicure», un «vrai Sardanapale», etc.
Ainsi, le ton est donné, l'intérêt de l'intrigue sera subordonné
aux caprices de Don Juan, caprices qui eux-mêmes reflètent une
position de principe se résumant dans une absence totale de prin
cipes.
La fameuse unité d'action se diluera dans les méandres
d'aventures suscitées par une soif de plaisir et de nouveauté qui
engendre une improvisation permanente.
Mais comme cet anti
héros a la passion de se confier à son valet et de s'expliquer, les
péripéties de l'histoire ne seront souvent que le prétexte de
longues discussions d'idées sans inférence sur la suite des évé
nements.
Nous apprenons toutefois au cours de ce premier acte deux
faits déterminants: la séduction d'Elvire et l'assassinat du
Commandeur.
Ces événements se sont produits dans le passé, et
Don Juan qui se définit avant tout comme l'homme du présent,
l'homme du plaisir immédiat, de l'instant, ne cherche qu'à les
oublier, à les chasser de son esprit.
Mais il sera poursuivi par les
conséquences de ses actes qu'il veut précisément «irrespon
sables» puisque, n'ayant ni foi ni loi, il nie toute validité à la
notion de responsabilité morale.
DEUXIÈME ACTE
Le deuxième acte fait figure d'intermède.
La poursuite de la
fiancée et le naufrage qui s'ensuit sont des événements dont le
spectateur n'a pas de perception concrète.
En fait, ils retardent le
cours de l'intrigue plutôt qu'ils ne contribuent à nouer les ten
sions conflictuelles.
Ils donnent au public une illustration
des amours de Don Juan; ils sont des exemples à l'appui de la
démonstration fournie préalablement, au premier acte, par
Sganarelle et par Don Juan lui-même.
Les aventures que Don Juan ébauche simultanément avec
deux jeunes paysannes n'ont qu'une valeur épisodique et latéra
le par rapport à ce que le spectateur, après le premier acte, est en
droit de considérer comme «l'intrigue»: les démêlés de Don
Juan avec Done Elvire.
En termes de structure dramatique, c'est donc un acte à peu
près «inutile», saufl'apparition inopportune des douze hommes
armés dont on ne sait exactement qui les envoie, ni pour quelle
raison précise ils recherchent Don Juan.
Simplement peut-on se
douter qu'il s'agit d'une vengeance liée à quelque ancien forfait,
pas nécessairement à la trahison d'Elvire ou au meurtre du
Commandeur.
On retiendra que Don Juan, ce conquérant, cet irrésistible
séducteur, ne réussit dans aucune de ses entreprises amoureuses
et qu'il passe son temps à fuir.
Serait-il la transposition, dans le
registre amoureux, de Matamore? Beaucoup de détails le lais
seraient à penser si l'on s'en tenait uniquement à l'action, aux
événements «dramatiques».
TROISIÈME ACTE
Au troisième acte, l'accumulation des événements accuse une
densité qui confine à l'invraisemblance.
Comme dans les actes précédents, de nombreux épisodes ne
sont absolument pas motivés par l'enchaînement de l'intrigue et
sont de ce point de vue parfaitement superflus.
Ils sont, en re
vanche, très importants par les idées qu'ils contiennent et occu
pent une place cruciale sur le plan idéologique, tellement fonc
tionnel dans cette pièce qu'il constitue une dramaturgie abstraite
qui pose les vrais enjeux, où se déroulent les vrais conflits.
Ainsi
en est-il de la première scène sur la médecine ou de la fameuse
scène du Pauvre.
Toutefois, on peut percevoir dans cet acte central des événe
ments qui constituent l'équivalent du nœud de la structure
dramatique classique.
Le fil de l'intrigue, portant sur les relations avec Elvire,
connaît un prolongement avec l'apparition des deux frères et le
répit laissé par Don Carlos.
Don Juan së trouve devant un choix
qui durcit le conflit créé par sa rupture du lien conjugal : ou il se
réconcilie avec sa femme, ou il doit se battre en duel et risquer
sa vie pour sa liberté.
Une autre men�ce, plus grave encore, se dessine à la dernière
scène lorsque la statue afCepte l'invitation à dîner de Don Juan.
Cela signifie que le Ciel relève le défi qui lui est porté par le
libertin.
QUATRIÈME ACTE
Chacune des scènes de cet acte, à part la dernière, peut appa
raître gratuite par rapport aux deux fils de....
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